L’aventure des Diggers a ceci de troublant, c’est qu’elle signale une trace encore visible de nos jours, plus de trois siècles après. Cette trace s’enfonce vers un territoire arpenté en rêve par les personnages des contes et des fables, c’est une contrée voisine des pays de l’utopie, pas très éloignée non plus de celui des mythes les plus anciens, dans lesquels tout est lié, les hommes, les plantes, les animaux, et où la terre n’appartient pas à l’homme mais l’homme à la terre-mère. Nous sommes sensibles à l’expérimentation de ces hommes et de ces femmes, car ils indiquent l’endroit exact où l’idée de Progrès a commencé à bifurquer vers le monde que nous connaissons aujourd’hui, un monde soumis aux destruc - tions du capitalisme mondialisé. Par leurs textes et par leurs tentatives, les Diggers montrent que d’autres voies étaient possibles, conciliant le développement des hommes, la prise en compte du milieu et la justice sociale. A présent que l’idéologie du progrès s’est débarrassée de ses oripeaux idéalistes, nous pouvons voir que l’histoire récente est avant tout celle de l’éradication de l’imaginaire des hommes et de leurs milieux de vie. Les mots et les actes des Diggers, comme de tous ceux et celles qui ont pensé et mis en pratique d’autres modes d’organisation sociale, n’en sont que plus précieux. Le soulèvement Diggers est appelé à surgir, encore et encore. You noble Diggers all, stand up now, stand up now, You noble Diggers all, stand up now. (extrait de The Diggers’s song de G.Winstanley) La forêt qui avance Les Diggers : une lutte pour la terre et la justice (1649) Bibliothèque-infokiosque de la Grand’rue 152 Grand’rue à St-Jean-du-Gard (Cévennes) • mars 2014 • Bibliographie/filmographie : Le monde à l’envers , Christopher Hill, Payot, 1977. Cromwell, les Niveleurs et la République , Olivier Lutaud, Aubier, 1967. L’étendard déployé des Vrais Niveleurs, Gerrard Winstanley , Allia, 2007 La Loi de Liberté , Gerrard Winstanley, Les nuits rouges, 2012. Religion and the decline of magic , K. V. Thomas, 1971. Thomas Munzer, théologien de la révolution , Ernst Bloch, Les prairies ordinaires, 2012. Forêts. Essai sur l’imaginaire occidental , Robert Harrison, Flammarion, 1992. Chambard dans les Chambarans. S’opposer à Center Parcs et à la marchandisation du monde , Henri Mora, Le monde à l’envers, 2011. El Marx tardio y la via rusa. Marx y la periferia del capitalismo, Teodor Shanin, 1988. Tierra y Libertad in Artichauts de Bruxelles , Yves Le Manach, L’insomniaque, 1999. La loi sur les vols de bois , Karl Marx, éditions des Malassis, 2013. Winstanley , film de Kevin Brownlow et Andrew Mollo, 1975 (dvd chez Doriane Films). siècles qui nous séparent d’eux, tellement évidente, à Notre-Dame des Landes, dans la forêt Lacandone du Chiapas ou encore dans les Cévennes. Le soulèvement Diggers est appelé à surgir, encore et encore, et la forêt n’a pas dit son dernier mot, nous le savons bien. Textes : Jean-Luc, Paul et Toni. Couverture : Vart E n 1641 une guerre civile éclate en Angleterre entre le roi et le parlement, qui se disputent les pouvoirs de la monarchie. Après les défaites militaires à Marston Moor en 1644 et à Naseby en 1645, le roi Charles 1 er s’échappe en Écosse. Mais en 1647, il est repris par les rebelles anglais, sous Oliver Cromwell, et assigné à domi - cile. La guerre se transforme en une révolution. Des idées radicales circulent partout, notamment entre les soldats parlementaires de la New Model Army , fort influencés par les propos des agitateurs Leveller (Niveleurs). L’historien Christopher Hill raconte que “la victoire du Parlement inaugura une période d’extraordinaire effervescence intellec - tuelle” où “tout, littéralement, semblait possible”. Cromwell a peur d’une deuxième révolution, égalitaire et libertaire, et en 1649, pour apaiser les radicaux dans ses propres rangs, il fait exécuter le roi. Cette année-là, un groupe de révolutionnaires, les Vrais Niveleurs ou Bêcheux, arrivent à la colline Saint George dans le sud de l’Angleterre, pour convertir la théorie en action... Le projet Diggers L es Diggers vont établir leur communauté en plein territoire du conte. Ils vien - dront ainsi ajouter une autre narration à toutes celles qui existent déjà depuis la nuit des temps. Ce projet communautaire est révélé à celui qui deviendra le porte-parole des Dig - gers, Gerrard Winstanley, lors d’un rêve prophétique, Christopher Hill parle de « mo - ment d’extase ». Winstanley est ici dans la position du prophète qui est l’instrument de la volonté divine, son but étant d’aider les hommes dans un moment troublé. Cette révélation est simple et tient en une phrase : « Travaillez ensemble, rompez le pain ensemble ». Il ajoute un peu plus loin : « ...celui qui est résolu à travailler et à manger avec tous les autres, faisant ainsi de la terre un commun trésor, celui-là donne la main au Christ pour libérer la création de la servitude et laver toute chose de la malédiction originelle ». On le voit, c’est la terre qui est le trésor, lieu par où passe cette possibilité divine de revenir à l’état d’innocence originel, celui du Jardin de la Création. Une terre qui devra être la propriété de la communauté et sur laquelle il s’agit de travailler mais aussi de vivre ensemble. Ce programme sera mis en œuvre presque immédiatement par les Diggers qui vont aller squatter et cultiver des communaux en friche de la colline St Georges le 1 er avril 1649, un peu après l’exécution du roi, en pleine effervescence révolutionnaire. Cette communauté durera jusqu’à l’été 1650. L’objectif des Diggers est clair, il s’agit de s’orga - niser « avec ceux d’entre nous que l’on nomme les gens du peuple, dans le but de fertili - ser et de travailler les terres communales ». Ils vont se trouver rapidement en butte aux persécutions des propriétaires du coin, puis du pouvoir et seront obligés d’abandonner leurs cabanes et les terres cultivées. Mais la communauté de la colline St George ne fut pas la seule tentative des Diggers puisque d’autres communautés Diggers s’établirent dans plusieurs régions d’Angle - terre. D’autre part, la publicité de leur action s’étendit largement grâce aux pamphlets de Winstanley qui circulaient à travers le pays. En outre, des émissaires de la commu - nauté allèrent aussi à la rencontre d’autres communautés et de sympathisants pour leur apporter des lettres leur demandant une aide financière. Comme l’écrit Christopher Hill : « L’influence des Diggers s’étendait donc à tout le Sud et le Centre de l’Angleterre depuis le Nottinghamshire et le Northamptonshire jusqu’au Gloucestershire et au Kent. » A un moment où les pauvres manquent de terres, où une partie des travailleurs saisonniers se retrouvent au chômage, où les riches propriétaires n’hésitent pas à faire valoir leur droit de propriété sur les communaux, et où les enclosures continuent, le programme des Diggers propose une solution à la mesure du problème : la culture collective des communaux par les pauvres. Ce programme s’en prend avant tout à la propriété et à l’esprit de lucre. Il s’agit de revenir au monde d’avant la Chute en abandonnant la propriété privée et la vente et l’achat de terre. Winstanley dit aux propriétaires : « par le glaive, ce sont vos ancêtres qui ont introduit dans la création le pouvoir de clôturer la terre et d’en faire leur pro - priété ; ce sont eux qui les premiers assassinèrent les hommes, leurs semblables, pour ensuite piller et voler la terre qui leur appartenait, puis ils ont légué en héritage cette même terre à vous, leurs enfants. » Il faut également supprimer le salariat qui réduit le pauvre en esclavage car « la vraie liberté est là où un homme trouve sa nourriture et sa subsistance, c’est-à-dire dans la jouissance de la terre ». L’exploitation est donc une honte pour l’exploité mais aussi pour l’exploiteur : « Tous les hommes riches vivent dans l’aisance, s’habillent et se nourrissent grâce au travail d’autres hommes, non par le leur ; ce qui fait leur honte, non leur noblesse ; car il est bien plus béni, celui qui donne, que celui qui reçoit. » Le commerce est également à proscrire car il est basé sur la tromperie : « Quand le genre humain a commencé à acheter et vendre, il a perdu effecti - vement son innocence ; car dès lors, les hommes ont commencé à s’opprimer et à se dépouiller les uns les autres de leur droit de naissance. » vennes, nous ne sommes pas surpris lorsque le coin de notre œil enregistre le bruit furtif d’une fuite précipitée, ce galop léger pour se mettre à couvert est certainement celui des habitants des bois, trolls et lutins, elfes et fées, se cachant de nous, de nos randonnées et de nos bulldozers. Les arbres sont aussi les témoins de l’histoire et leur opacité tranquille nous laisse imaginer les temps anciens où ils étaient déjà là. Dans un des plus beaux films d’Hitch - cock, Vertigo , le moment où les deux personnages principaux se retrouvent dans une forêt de séquoias énormes et remontent le temps en observant les sillons concentriques d’une coupe d’arbre, est une des scènes les plus troublantes et les plus énigmatiques du cinéma. La main gantée de l’héroïne désigne deux endroits sur le tronc et elle dit : « Ici je suis née... Et là je suis morte ». L’arbre figure ici le temps qui passe, il est le témoin d’un monde à jamais disparu. La forêt à vivre et plus généralement l’usage de la terre est décrit dans les textes de Winstanley, le prophète Digger. Dans La loi de liberté , il expose le projet d’une société idéale basée sur le travail de la terre en commun et l’égalité où la forêt servira aux « charpentiers, menuisiers, tourneurs, fabricants de charrues, luthiers et autres fabri - cants d’instruments de musique, et tous ceux qui travaillent le bois ». C’est avant tout une forêt à exploiter qui est décrite ici mais à la différence de l’exploitation capitaliste, elle se fera collectivement et pour le bien commun. La pression démographique va entraîner une occupation croissante des forêts et des communaux par des squatters qui vont y construire leur cabane. La coutume leur garantit le droit précaire de construire leur cabane à moins d’un mille (à peu près deux kilomètres) autour d’une industrie d’extraction. Les autres y construiront leur masure en toute illégalité, leur éloignement des pouvoirs leur garantissant une certaine tran - quillité. Ce sont souvent des artisans (forgerons, ferronniers, taillandier pour la confec - tion d’outils tranchants, cloutiers, tisserands..) mais aussi des bandits, des comédiens, des colporteurs, des prédicateurs et toutes sortes de nomades échappant à tout lien de sujétion. La forêt est donc un refuge pour les proscrits ou les pauvres, et une réserve immense de songes pour les poètes. Elle a été ainsi tenue en grande méfiance par les pouvoirs divers au cours des siècles. Robert Harrison, dans son livre Forêts. Essai sur l’imaginaire occidental , parle même « d’une hostilité fondamentale, d’origine religieuse, entre les institutions humaines et les forêts environnantes. » Bien entendu, cette histoire dont on a rapporté ici quelques bribes, n’est pas termi - née, en Angleterre comme ailleurs, mais elle gagne encore aujourd’hui en importance devant le caractère d’urgence entraîné par les destructions du capitalisme mondialisé. Et cette filiation avec des événements et des hommes semble, malgré plus de trois Dans La petite fille qui aimait Tom Gordon , Stephen King actualise les contes en racontant l’histoire d’une enfant qui se perd dans une forêt et est poursuivie par une force hostile. La forêt a ici un aspect double : un lieu inquiétant et plein de dangers mais aussi un territoire qui peut s’apprivoiser et d’où peut surgir le merveilleux. Bien des romans actuels reprennent cette hantise mais en la transformant un peu, ainsi le personnage du Lièvre de Vatanen abandonne sa vie d’humain raisonnable (voi - ture, travail, femme et enfants) pour s’enfoncer dans les bois à la poursuite du lapin qu’il vient de heurter avec sa voiture. Ou encore La corde de Stefan aus dem Siepen où les habitants d’un village situé à l’orée d’une immense forêt, découvrent un matin une corde qui part vers la forêt. Les hommes du village vont suivre cette corde et délaisser leur village pour s’enfoncer dans l’inconnu. La forêt, c’est ce territoire qui ouvre vers un ailleurs parfois menaçant. C’est l’animal, c’est l’arbre, c’est l’autre. De même, comme nous l’avons vu auparavant, le christianisme aura du mal à se dé - barrasser des légendes attachées à ces lieux où, cachés par les grands arbres, les sorcières, les magiciens ou les druides y trouvent un refuge naturel. Une civilisation ancienne s’y est retranchée, celle de la déesse-mère et du retour circulaire des saisons, celle de l’accord entre l’humain et l’animal et entre le principe mâle et femelle. Les pauvres vivant dans la forêt à l’époque de la révolution de 1649, conservent un certain nombre de pratiques et de croyances provenant de cette civilisation, notamment le recours aux simples (herbes médicinales) ou à la magie. Ces mythes agrestes y ont cours encore fort tardivement, et les hommes et femmes des bois pourront y planquer en - core longtemps leurs troubles manigances et une vie que les pouvoirs imaginent dis - solues et potentiellement séditieuses. Nous pouvons en voir une résurgence fort sympathique dans le film La fian- cée du pirate de Nelly Kaplan où Marie vit dans une cabane dans la forêt près du village et va user de ses charmes et de ses pouvoirs pour se venger des villageois qui les ont maltraitées, elle et sa mère. Là aussi, la vie à l’écart, dans la forêt, lui donne une force issue du monde ancien, symbolisée par son animal de compagnie, un bouc, et son rap - port à la nature et à la sexualité. La forêt et ses créatures peuplent donc notre imaginaire et lorsque nous nous pro - menons au milieu des arbres, dans les Cé - Graines d’utopie chez Winstanley « Tout homme libre jouira de la terre, pour la cultiver ou y bâtir, pourra aller chercher dans les magasins toute chose qu’il voudra, et pro- fitera du fruit de son travail sans aucune restriction de quiconque. » La loi de Liberté, Gerrard Winstanley, 1652. D ans son dernier texte écrit un peu plus tard, après la fin de l’expérience Dig - gers, La Loi de Liberté (1652), Winstanley élabore une véritable utopie dans laquelle il propose de redonner aux pauvres le libre usage des communaux, mais aussi de leur distribuer les terres qui avaient été prises aux abbayes un siècle plus tôt (mais au seul profit des riches propriétaires terriens), ainsi que les terres royales, afin qu’ils les exploitent en commun. Il s’agit de « libérer la terre de tout asservissement royal des seigneurs et des proprié - taires oppresseurs... » et « ni la terre ni les fruits qu’elle porte ne devraient être achetés ou vendus par ses habitants entre eux... » Cette utopie rurale présente donc une organisation sociale basée sur le travail en commun de la terre, délivré des soucis de la propriété et du commerce. Chacun des membres de ces collectivités jouira des fruits de ce travail. Les récoltes seront amenées dans des entrepôts appartenant à tous où les membres de la communauté pourront se servir selon leurs besoins. De même les matières premières nécessaires (cuir, laine, lin, blé..) seront fournies gratuitement par la communauté, les chevaux gardés dans des écuries communes et les objets fabriqués se trouveront dans des magasins gratuits. (l’idée de ces Free shop sera reprise, trois siècles après, par de jeunes radicaux de San Fransisco qui reprendront en hommage l’appellation Diggers ) « Car tous les produits des paysans et des ouvriers du pays seront bien commun. » Mais l’habitat restera séparé, chacun aura sa maison, et l’amour libre sera proscrit (« la communauté de tous les hommes et de toutes les femmes pour copuler ») ce qui montre les limites de l’époque mais aussi que cette question est posée dès ce moment. Ceux qui ne veulent pas participer à ces communautés n’y seront pas contraints mais ceux qui y participent devront observer ses règles sous peine de recours à la force. Une partie de ce programme mentionne d’ailleurs tout ce que la communauté peut infliger à celui ou celle qui déroge à la loi commune. Nous pouvons ajouter que La loi de Liberté était en partie influencée pour les uto - pies de la Renaissance, notamment le célèbre traité Utopie de Thomas More. Ce livre présentait un projet de société idéale basé sur l’agriculture : les villes sont sou - tenues par des fermes situées à l’extérieur des villes où la population va travailler périodi - quement en rotation. Toute la population reçoit une formation manuelle, pas seulement dans l’agriculture, mais aussi dans la maçonnerie et certaines pratiques artisanales. Dans La loi de Liberté de Winstanley on peut lire : « Vers quels métiers doit-on éduquer les hommes ? Vers tous les métiers, arts et sciences, grâce à quoi ils pourront découvrir les secrets de la Création et savoir, com - ment tirer parti de la terre dans l’ordre juste. » Winstanley parle de cinq « fontaines qu’alimentent tous les arts et les sciences » La première c’est l’agriculture. Puis on trouve les mines, l’élevage, la sylviculture et les sciences de l’observation de la nature. Chacune de ces « fontaines » se décline dans de nombreux activités, pour exemple, les mines nous amènent à la chimie, la forge, la maçonnerie ; l’élevage, à la tannerie, les teintures, la filature, etc. L’utopie de Winstanley, à la différence de celle de More où subsistent des formes de hiérarchies, et malgré ses limites, souhaite la création d’une société égalitaire où tous les individus travaillent pour eux-mêmes et où la production des biens est mise en commun. Ces riches propriétaires vont commencer à s’approprier ces terres communes en mettant des barrières ou des haies pour les privatiser. Ce mouvement des enclosures (clôtures) s’accélère au xvii e puis au xviii e siècles pour permettre à ces propriétaires de faire paître leurs troupeaux de moutons et de soutenir ainsi l’industrie et le com - merce de la laine, alors en pleine expansion. Avec cet accaparement des communaux, les riches vont contraindre les pauvres par la faim, une contrainte qui les amènera à changer leur mode de vie pour aller travailler dans les manufactures de la ville, dans des conditions de vie qui n’ont plus rien à voir avec celles de la campagne. Ces deux visions du monde s’affronteront très tôt, et l’histoire des Diggers est un des épisodes de cette guerre sans fin entre les exploiteurs de ces terres (et des ressources du vivant) et les usagers de ces lieux qui veulent avant tout y vivre et les utiliser sans les épuiser. Une forêt rêvée, une forêt à vivre Les viles créatures des bois vivent sans lois, elles n’obéissent à personne et n’ont cure de personne, car elles ignorent tout lien de dépendance. John Aubrey (historien anglais du xvii e siècle) Le Messager : Comme je montais ma garde sur la colline, j’ai regardé du côté de Birnam, et tout à coup il m’a semblé que la forêt se mettait en mouvement. Shakespeare, Macbeth, Acte V, scène 5. Depuis toujours, la forêt est un domaine enchanté. Que ce soit celle de Merlin, homme des bois de la légende arthurienne ou bien celle de Robin des bois, le territoire de la forêt est un grand réservoir de rêves. Le peuple des arbres y mène une vie obscure et mystérieuse, et le pommier, arbre magique de Merlin ou le chêne plusieurs fois centenaire de la forêt de Sherwood, refuge de Robin des bois et de ses compagnons, poussent leurs racines dans l’inconscient de l’homme médiéval. Mais la forêt continue à projeter l’ombre immense de son inquiétante étrangeté sur nos imaginaires. C’est un lieu où l’humain ne fait pas la loi et où il semble facile de se perdre, d’abandonner son humanité. Les contes de notre enfance ne nous racontent pas autre chose. La forêt est le terri - toire où se perdent le Petit Poucet et ses frères, désormais à la merci de l’autre, de l’hu - main retourné à l’état de bête, ou encore le Chaperon rouge et son loup qui l’attend au coin du bois. des pauvres d’Angleterre et du rapport à leur territoire garde encore toute son actualité et permet de nous sentir proche de ces hommes et de ces femmes, par-delà une langue parfois malaisée à entendre, par-delà même un imaginaire empreint de religieux. Imaginons un instant les forêts anglaises du dix-septième siècle. Elles couvrent bien sûr, de bien plus grands territoires qu’aujourd’hui, même si elles sont en constante diminution depuis le moyen-âge. Le roi et ses représentants, les riches propriétaires et les garants de la moralité pu - blique, n’auront de cesse, dès cette époque, de contrôler les populations s’y étant réfu - giées, de clôturer et de déboiser ces territoires. Même si on peut relever ce paradoxe, le roi est en même temps un protecteur de certaines forêts qui sont ses réserves de chasse. Ces forêts sont donc bien plus peuplées qu’aujourd’hui et cela pour plusieurs rai - sons : l’Angleterre connaît d’abord une rapide croissance démographique à partir du xvi e siècle. Cela étant renforcé par les difficultés économiques à partir du début du xvii e siècle, une augmentation du coût de la vie que les plus pauvres subissent dure - ment. Une partie de cette population se retrouve sur les routes et certains iront se réfugier dans les forêts, les friches ou sur les communaux, ces terres régies par un droit coutumier, appartenant à tous, mais commençant à être lorgnées et accaparées par une classe de nouveaux propriétaires qui rognent de plus en plus sur ces terres et qui, souvent en toute illégalité, les enferment derrière des clôtures. Ce sont sur ces terres que les Diggers établiront leurs campements. Les biens communaux permettent aux habitants de ces territoires d’aller ramasser du bois de chauffage ou d’extraire de la tourbe, d’amener paître leurs bêtes, de cueillir fruits, baies, champignons, voire de chasser pour améliorer leur quotidien. Cela permet aussi aux plus pauvres, notamment ceux qui ne possèdent pas de terres, d’avoir quelques bêtes et de les nourrir gratuitement. Enfin, ces communaux sont les témoins d’un autre type d’organisation sociale, basé sur la gratuité et la solidarité par le travail en commun. Leur statut et leur usage varient d’une contrée à l’autre. Selon les endroits et les époques, mais aussi selon le rapport de force établi entre les paysans pauvres et les pro - priétaires terriens, l’accord régissant ces terrains bénéficiera plutôt aux uns ou plutôt aux autres. Le droit coutumier est un droit venant de l’oralité et qui diffère donc selon les territoires. Il est basé sur la répétition d’un usage, par exemple celui du pacage qui consiste à venir faire paître quelques animaux sur ces terrains communaux ou celui de la vaine pâture où les paysans peuvent amener leurs bêtes sur des terres appartenant à des propriétaires lorsqu’elles sont laissées en jachère ou bien après les moissons. Mais ce droit peut donc fluctuer avec le temps et on assiste à une lutte constante pour l’usage de ces terrains qui finira par bénéficier aux gros propriétaires terriens. La spiritualité révolutionnaire des Diggers et des Ranters L es textes des Diggers (Bêcheux) et des Ranters (Divagateurs) partagent un ton très religieux qui frappent tout de suite un lecteur contemporain. Certains d’entre eux rejettent ces propos du dix-septième siècle, ces idéaux qui restent pour eux trop empêtrés dans les superstitions du passé. D’autres acceptent l’importance du message des Bêcheux et leurs camarades, mais préfèrent enlever toutes références religieuses ! Ils font ici une grave erreur, car ce n’est pas en dépit de son contenu spirituel que cette philosophie garde aujourd’hui son importance, mais à cause de celui-ci. La pertinence de la perspective religieuse de Gerrard Winstanley est profonde. Il s’agit d’une sorte de panthéisme qui réunit Dieu avec la terre. Winstanley écrit que la création tout entière “est la vêture de Dieu” et que “le Père est le pouvoir universel qui s’étend à tout le globe”. Cette religion radicale remplace le poids lourd du péché originel par l’allégresse d’une divinité originelle. Quant aux Ranters, autre groupe extrémiste, dont la pratique et la parole ont croisé celles des Diggers et de quelques autres sectes protestantes qui pullulent lors de cette période révolutionnaire, le seul nom que les Divagateurs semblent accepter pour leur communauté est “ma chair unique et indivisible”, qui a pour but de souligner l’unité avec l’humanité et avec la création tout entière : l’égalité donc en termes aussi bien sociaux que métaphysiques. Le Divagateur Richard Coppin écrit dans ses Enseignements Divins, publiés en 1649: “Dieu est tout en un, il est donc en chacun. Le même tout qui est en moi est en toi : le même Dieu qui demeure en l’un demeure en l’autre, demeure en tous”. Jacob Bauthumley, cordonnier et Divagateur, déclare que toutes les créatures du monde “ne sont qu’un seul et même être”, proposant un Dieu qui est en chacun et en toute chose vivante, dans “l’homme et la bête, l’oiseau et le poisson, en chaque végétal, du plus haut cèdre au lierre sur le mur”. Mais d’où venaient ces idées d’un Dieu immanent plutôt que séparé ? Quelle est exactement, cette spiritualité qui élève, si éloignée des dogmes mornes et écrasants de l’Église officielle ? Il faut les chercher dans les profondeurs presque invisibles du passé anglais et euro - péen. Christopher Hill observe que les traditions anciennes de l’astrologie, l’alchimie et la magie naturelle ont toutes contribué à façonner la vision radicale des révolution - naires anglais du dix-septième siècle. Une discipline spirituelle d’origine arabe et liée au gnosticisme, l’alchimie, était reconnue par la Famille d’Amour, inspirateurs des Bêcheux et des Divagateurs, comme “le symbole extérieur de la régénération intérieure”. L’alchimie politique, c’était la révolution! La tradition hermétique, qui relie les idées de magie, d’alchimie, de néoplatonisme et de panthéisme, restait assez forte à cette époque-là, et on voit bien son influence dans le texte le plus important de Winstanley, The Law of Freedom . Il écrit: “Si vous voulez connaître les choses de l’esprit, cela signifie savoir comment l’esprit ou pouvoir de sagesse et de vie, origine du mouvement et de la croissance, habite et régit tout ensemble les divers ordres des étoiles et des planètes de la voûte céleste; et encore les divers ordres de la terre ici-bas, tels herbes, plantes, poissons, oiseaux, autres animaux et l’humanité”. Ce concept généreux de l’unité du cosmos s’oppose complètement à l’idéologie cu - pide de la bourgeoisie et Winstanley rejette la propriété privée comme anti-chrétienne et “incarnée par la convoitise et l’amour-propre”. Déjà radicales, ces idées hermétiques et hérétiques avaient adopté des aspects com - batifs et révolutionnaires dans les révoltes paysannes qui ont bouleversé l’Europe aux treizième et quatorzième siècles, inspirées pour certaines, par le mouvement du Libre Esprit. Ces idées, reprises par le radicalisme protestant, avaient continué d’inciter à l’insurrection au seizième siècle contre l’autoritaire Martin Luther et contre les Princes protestants, en particulier lors du soulèvement des partisans de Thomas Munzer. Les principes anabaptistes ont traversé la Manche pour influencer les précurseurs des Divagateurs et des Bêcheux: les membres de la Famille d’Amour en Angleterre étaient des disciples de Henry Niclaes, qui avait participé à la rébellion anabaptiste de Münster en 1534. Les croyances de Winstanley et de ses camarades révolutionnaires font donc partie d’une tradition souterraine que l’Église n’a jamais réussi à anéantir en imposant son hégémonie spirituelle. Elles surgissent manifestement d’une source païenne, holistique, hermétique, ani - miste, mais se manifestaient quand même dans la forme acceptable du christianisme. Développées par le Libre Esprit, Münzer puis les révolutionnaires anglais, ces croyances sont devenues une philosophie puissante de résistance qu’il nous faut redé - couvrir et relancer. En relisant les textes de Winstanley aujourd’hui, nous pouvons mettre de côté ses termes et ses formulations expressément évangélistes. Mais on ferait bien de s’adresser à la conscience spirituelle qui les informe. Ici, on peut retrouver la possibilité d’une force intérieure, à la fois individuelle et collective, qui nous a été cachée: tant par l’Église mégalomane que par la philosophie matérialiste du capitalisme et du positivisme. Cette force renie tout besoin d’autorité extérieure, soit religieuse soit temporelle, elle est fondée plutôt sur des qualités innées et organiques. C’est cette force qui devrait inévitable ? Autrement dit : est-ce que la Russie révolutionnaire peut contourner le passage « obligatoire » et brutal de l’accumulation primitive pour arriver au socialisme ? Après des longues lectures et méditations, Marx, dans sa brève réponse à Zasulitch, admet la possibilité d’un développement original du socialisme russe basé sur la perma - nence de la communauté agraire (en reconnaissant néanmoins la nécessité de se battre contre tous les facteurs externes qui la menacent...) Cette tardive reconnaissance de la communauté paysanne par Marx, au moins en Russie, ne serait-elle pas un autre argument en faveur de la clairvoyance de Winstanley et des Diggers ? La guerre des forêts et des biens communaux L e rapport à la forêt, à la terre et même à la terre-mère comme l’écrit Winstan - ley, éclaire l’agitation révolutionnaire des années 1640 en Angleterre, d’une lu - mière sourde. Derrière une histoire politique, le parlement contre le roi, derrière une histoire religieuse, les sectes protestantes contre l’église institutionnelle, l’histoire Retour sur l’autonomie et la communauté agricole : l’exemple de la tradition russe L a question de la communauté liée à la terre sur une base égalitaire peut être retracée à travers l’histoire des mouvements révolutionnaires. Un des exemples les plus significatifs se trouve dans la courant populiste russe et sa revendication des formes d’auto-organisation collective déjà existantes dans la tradition de la paysan - nerie russe. Le révolutionnaire Herzen nous explique que : « L’ artel et l’ obshina sont les fondements de la vie russe. Très loin d’être des sou - venirs historiques, il s’agit d’éléments vivants introuvables dans les chroniques, mais pourtant présents. » (...) « L ’ artel et l’ obshina dans la campagne, le partage de revenus et de terres, les assemblées et l’auto-gouvernement des peuples, qui se réunissent pour former des régions, tout ça constitue la pierre angulaire sur laquelle on construit le temple de notre futur » (...) L’ artel était une forme d’organisation du travail collectif basé sur l’entraide. L’ obshina (« communauté » en russe) était l’organisation politique du village, régie par l’assem - blée. Herzen voyait dans ces formes les éléments fondateurs du socialisme russe. Les po - pulistes feront de la communauté agraire traditionnelle leur cheval de bataille pour s’opposer à la vision marxiste classique du progrès vers le socialisme. Dans Le Capital, Marx avait déjà affirmé son concept d’accumulation primitive, c’est-à-dire le proces - sus d’expropriation de terres et de de la séparation des paysans de leurs moyens de production pour rendre possible le déclenchement d’une économie d’accumulation du capital financier. Selon Marx, c’est uniquement en Angleterre qu’on avait pu assis - ter à une forme radicale et accomplie de ce processus, mais tôt ou tard, le reste des nations européennes suivraient cette voie. Et la Russie ? La question est controversée. La réponse, célèbre, à la lettre que la militante populiste Vera Zasulitch adresse à Marx à la fin de sa vie, en lui demandant son opinion sur les possibilités transformatrices de la communauté paysanne russe, laisse ouverte la question et ajoute un élément discor - dant au corpus politique du marxisme le plus orthodoxe. La question explicite dans la lettre de Zasulitch est la suivante: doit-on se résigner à la mort et à la disparition de la communauté agraire russe et nous préparer pour l’industrialisation et la prolétarisation des paysans ? Est-on confronté à un processus animer la société humaine naturelle, la société d’entr’aide de Kropotkine, la société communautaire qui nous a été arrachée par les tyrans d’antan et d’aujourd’hui. C’est cette force intérieure qui nous permet de nous révolter contre la dictature de l’État, l’exploitation de la propriété et l’injustice de la loi et qui nous mène à affirmer qu’il n’y aura jamais aucune autorité, aucun dieu, que nous-mêmes. La nature des révoltes paysannes La particularité des Diggers et de Gerrard Winstanley D e nombreux historiens s’accordent à donner à la révolte paysanne un carac - tère survivaliste d’une part et passéiste d’autre part. D’un côté, avant la révo - lution française, la plupart des révoltes et soulèvements du monde paysan auraient étés provoquées par des besoins matériels impératifs. L’appauvrissement de la campagne, dû à de sévères augmentations de charges fiscales et impôts, serait une des raisons qui expliquerait l’agitation croissante des masses paysannes. Il faut ajouter, bien sûr, la confiscation et l’expropriation des terres communales, annulation des droits d’usages, etc. Cette interprétation, grosso modo, ne se heurte pas à un modèle expli - catif, soit-disant, matérialiste. Dans cette interprétation, la conscience de l’oppression, les valeurs morales, religieuses ou autres, sont secondaires face aux urgences des besoins élémentaires (radicaux, dirait un marxiste). De l’autre côté, les insurrections paysannes seraient forcement conservatrices , étant axées surtout sur le rétablissement ou la restauration des anciens droits et usages mena - cés par les bouleversements économiques et sociaux provoqués par le capitalisme nais - sant du xv e et xvi e siècles. Bref, la communauté paysanne, selon cette interprétation, serait incapable de se projeter dans un avenir meilleur, libéré de ses maîtres plus ou moins méchants. Au lieu de ça, les classes paysannes joueraient toujours le rôle du conformisme, en se contentant de la permanence des structures et lois qui, dans le pire des cas, assuraient sa tranquillité et sa modeste survie. Mais dans la réalité, les choses sont plus complexes. Il est vrai que la simple subsis - tance matérielle a un poids très important dans les mouvements paysans de toutes les époques, mais il faut considérer aussi que toute écono - mie paysanne est construite sur un ensemble de valeurs et de conceptions de la vie collective. La menace progressive que la montée des impôts impliquait pour la fragile économie paysanne (l’impôt sur le sel, la gabelle , la taille , en France), était aussi accompagnée par l’inquiétude d’une perte d’autonomie et de contrôle des ressources accessibles qui étaient des enjeux centraux de la vie à la cam - pagne. La nouvelle économie naissante n’était pas seulement un élément perturbateur des anciens modes de subsistance : elle était sur - tout un levier de basculement d’un monde de liens tissés par l’entraide et le travail auto - nome, même de manière précaire et partielle, vers un monde où la propriété absolue, la terre transformé en bien privé et exclusif, serait la norme. Ainsi nous l’explique Elisée Reclus dans L’homme et la terre : « Comme le fait remarquer Kropotkine, il serait aussi vrai de parler de la mort natu - relle des soldats tuées sur le champ de bataille que d’attribuer à une évolution normale, volontaire de la part des indigènes, l’extinction des dernières traces de communautés villageoises. Certes, elles sont réellement éteintes dans presque toutes les contrées de l’Europe occidentale, mais parce que les décrets et la force brutale les ont supprimées. La valeur des terre s’étant accrue, les accapareurs du sol, seigneurs ou marchands, n’eurent qu’à s’appuyer sur les lois qu’ils dictaient eux-mêmes à l’État pour annexer graduellement à leurs domaines la meilleure part des communes, et ils en profitèrent en même temps pour détruire jusqu’aux derniers vestiges de l’autonomie communale. » (« Évolution de la propriété » vol. iii p. 539) La transformation de la terre en propriété absolue au cours de laquelle celle-ci de - vient une marchandise comme les autres et qui dépossède l’ancien petit travailleur agricole de tout droit d’usage constitue le préalable incontournable pour une indus - trialisation efficace du continent. En ce sens-là, accuser la révolte paysanne de passéisme prend une autre allure. Il est vrai que, en général, les paysans défendaient les anciens usages et coutumes, mais cette résistance à la modernité ne peut pas être jugée du seul point de vue du vieux monde des hiérarchies et servitudes. Dans l’ancien régime il restait, même de façon relative, un lien direct avec la terre qu’aujourd’hui on ne peut plus recréer, même mentalement. Il faut voir comment à partir du xv e et xvi e siècles et jusqu’au xix e siècle, on assiste à une vaste offensive contre la propriété communale de la terre et des différents droits d’usage et coutumes que l’ancien régime tolérait dans une grande variété de formes. Par ailleurs, on ne peut pas simplement affirmer que la révolte paysanne manquait toujours d’une projection sur l’avenir et d’une critique explicite du pouvoir politique. L’intervention de Winstanley et des Diggers montre, a contrario, que certaines reven - dications paysannes pouvaient porter une dimension critique et utopique qui mérite d’être mise en valeur. On peut voir comment, par exemple, l’insistance de Winstanley sur l’importance de l’agriculture et de l’artisanat comme des éléments de base pour un projet social sont d’une totale actualité à notre époque. Aujourd’hui Winstanley apparaît comme un visionnaire. Mais quelles sont les conditions sociales qui ont favorisé l’apparition des Diggers et les écrits de Winstan - ley ? Il faut signaler que c’est en Angleterre (avant le reste du continent) qu’a tout d’abord eu lieu le processus d’expropriation de la terre. C’est donc plus tôt, dans un pays plus petit que la France ou l’Espagne, que se pose la question de la modernisation de l’agriculture, de l’aménagement du territoire sous la pression d’une population en hausse. En Angleterre, à la différence de la France, le couronne n’est pas arrivée à établir une forme de pouvoir centralisé au cours des xvi e et xvii e siècles ; sa fonction politique avait moins de poids et c’est là-bas que la nouvelle bourgeoisie a acquis un rôle social de plus en plus important. Les propriétaires anglais avaient besoin de récupérer la terre et de l’exploiter de manière plus intensive. Le processus de clôture (enclosures) de la terre a suivi un rythme croissant, ce qui a provoqué une prolétarisation relativement rapide de la population rurale. L’originalité de Winstanley consiste, entre autres, à avoir su reconnaître le besoin d’une manière plus efficace de gérer et de cultiver la terre tout en restant dans le cadre d’une société « conviviale » et égalitaire. Ses idées allaient à l’encontre du nouvel indi - vidualisme de la société bourgeoise et capitaliste.