L’écologie, une terre de conflits Nicolas Truong Le combat contre la catastrophe climatique oppose de multiples courants de pensée divisés entre un environnementalisme réformiste et une écologie plus radicale. De son côté, l’extrême droite tente de conjuguer la préservation de la biodiversité avec la déf ense de l’identité ethnique. Cette enquête parue le 4 juin est proposée en lecture estivale. Des milliers d’oiseaux étourdis par la chaleur qui tombent en pluie sur les terres craquelées de l’Inde et du Pakistan. Des saumons qui meurent brûlés par la temp érature trop élevée d’un fleuve aux Etats - Unis. Un consortium d’experts intergouvernementaux sur le climat qui rappelle que l’humanité dispose d’un temps restreint afin de « garantir un avenir viable ». L’Ukraine meurtrie devenue l’épicentre d’un conflit g lobal de l’énergie et d’une crise alimentaire mondiale. Le réchauffement climatique qui place les organismes aux limites de ce que peut supporter leur physiologie... L’écologie est assurément l’affaire du siècle, le grand combat d’aujourd’hui. Mais elle est aussi une source de conflits que l’urgence de la dévastation planétaire amplifie. Au point que les appels à la « désertion » se multiplient. À l’image de ces jeunes ingénieurs d’AgroParisTech qui, le 30 avril, lors de la cérémonie de remise de leurs diplôm es ont appelé à « bifurquer » et à refuser le « système ». Notamment celui de l’agro - industrie, qui mène une « guerre au vivant » et à la paysannerie. Une invitation à ne pas participer aux métiers qui les conduiront à « concevoir des plats préparés et ens uite des chimiothérapies pour soigner les maladies causées » ou encore à « compter des grenouilles et des papillons pour que les bétonneurs puissent les faire disparaître légalement ». Un mouvement qui rappelle et radicalise celui lancé en 2018 par le mani feste étudiant « Pour un réveil écologique ». Une volonté de faire sécession qui témoigne d’un « affect écologique universel » dont la jeunesse est traversée, observe le philosophe Dominique Bourg. À tel point que, selon une enquête mondiale sur l’écoanxié té menée dans dix pays du Nord comme du Sud, 75 % des 16 - 25 ans jugent le futur « effrayant » et 56 % estiment que « l’humanité est condamnée » (The Lancet Planetary Health, 2021). Ces appels à « bifurquer », comme dit le philosophe Bernard Stiegler, c’es t - à - dire à emprunter un autre chemin, parce que « notre modèle de développement est un modèle de destruction », et que « la véritable guerre mondiale », c’est « celle qui oppose notre genre tout entier à son environnement global », disait le philosophe Mic hel Serres, mettent en relief la nature du conflit entre deux écologies, assure Bruno Villalba, professeur de science politique à AgroParisTech et auteur de L’Ecologie politique en France (La Découverte, 128 pages, 10 euros). Une écologie « superficielle » et une écologie « profonde », que le philosophe norvégien Arne Næss (1912 - 2009) s’est attaché à distinguer dès 1973. « Superficielle », en raison de son inclination à proposer des solutions techniques afin de diminuer la pollution ou d’endiguer la surcons ommation sans s’attaquer aux racines d’un productivisme axé sur une conception anthropocentrée du monde. « Profonde », parce qu’elle s’évertue à associer les formes de vie humaines et non humaines au sein d’une métaphysique écocentrée. Une philosophie de l ’écologie qu’Arne Næss a baptisée « écosophie », terme repris par le philosophe et psychiatre Félix Guattari. Gouvernement contre autonomie Beaucoup d’intellectuels s’accordent en effet sur le constat d’une fracture entre une écologie « conciliatrice » a vec le productivisme et une écologie « radicale » qui cherche à rompre avec lui, une opposition entre une écologie « correctrice » et une écologie « paradigmatique », poursuit Dominique Bourg, à savoir entre un environnementalisme qui présuppose une sépara tion ontologique entre l’homme et son environnement et une écologie qui prend acte de nos interdépendances avec le vivant. Une « écologie de gouvernement » et une « écologie de l’autonomie », résume le philosophe Antoine Chopot, auteur avec Léna Balaud de Nous ne sommes pas seuls (Seuil, 2021). Cette écologie correctrice est largement dominante. Elle repose sur le « développement durable », une idée forgée par le rapport de la commission Brundtland en 1987 afin de « répondre au besoin du présent sans compr omettre la capacité des générations à répondre au leur ». Elle s’articule notamment autour des notions de « transition » (des énergies fossiles vers les énergies renouvelables, telles que le solaire et l’éolien, afin de sortir de l’industrie du pétrole et du charbon), de « compensation » (comme la plantation d’arbres afin de compenser l’impact carbone d’un trajet en avion ou d’une construction en béton), de « résilience » (à l’image de ces territoires régénérés après une exposition à une industrialisation e t une agriculture intensives) et de « soutenabilité » (qui tend à remplacer l’expression « développement durable »). Cette écologie correctrice, qui cherche à s’adapter à un monde limité, est notamment portée par l’ingénieur et conférencier Jean - Marc Janc ovici, qui propose de « concilier sobriété et capitalisme » grâce à la « décarbonation effective de nos activités ». Alors que le premier quinquennat d’Emmanuel Macron « n’a en rien favorisé » ce qu’il appelle « l’inversion des critères de décision », à sa voir que la lutte contre le changement climatique doit être « pilotée » par le changement de « logiciel » économique, The Shift Project, un laboratoire d’idées qu’il a cofondé, vient de proposer un Plan de transformation de l’économie française (Odile Jaco b, 272 pages, 11,90 euros). Afin de « mettre en place la gouvernance de la transition » qui réduirait la consommation de ces énergies fossiles qui ont « détraqué » le climat, et de sortir de la dépendance au pétrole – « le sang de la mondialisation » – , l e collectif porté par Jean - Marc Jancovici propose pêle - mêle de « prioriser » les ressources en hydrogène produit par l’électrolyse, d’électrifier le parc automobile, d’étendre la cyclogistique (le transport de marchandises à vélo), de diminuer par trois la consommation de viande bovine, de mettre fin à la « déforestation importée » (provoquée par l’exportation de soja, de crevettes ou d’huile de palme) par l’étiquetage obligatoire sur tous les produits transformés, ou de prendre moins l’avion et davantage l e train. Un plan « ni croissanciste, ni décroissanciste », tient - il à préciser. Mais le recours aux solutions technologiques tout comme sa défense de l’énergie nucléaire qui, dit - il, « est la plus sûre pour les hommes, et la plus respectueuse de l’environ nement », ne cesse de diviser. Cette écologie « conciliatrice » s’inscrit dans le cadre d’un Green Deal européen, ce Pacte vert qui est, selon la diplomate Laurence Tubiana, « le nouveau contrat social » contemporain au sein duquel il faut se préparer à « affronter le choc macroéconomique de l’action climatique », explique l’économiste Jean Pisani - Ferry dans Politiques de l’interrègne (Le Grand Continent. Gallimard, 320 pages, 21 euros). Sans être hostile à une écologie de gouvernement, à condition de « ne pas subordonner la transition écologique à la croissance économique », comme le fait selon lui la Commission européenne avec son Pacte vert, l’économiste Eloi Laurent propose, dans la revue Germinal (numéro 2, mai 2021), d’aller plus loin et de « sortir de la croissance », à l’instar de la Nouvelle - Zélande en matière de santé, affirme - t - il, afin de réaliser la « transition sociale - écologique ». Domination industrielle de la nature Mais les conflits fracturent aussi les partisans d’une écologie « sans tran sition », selon l’expression du collectif Désobéissance écolo Paris. Ainsi, Antoine Chopot relève qu’« une gauche anticapitaliste et léniniste en quête d’intégration d’une écologie longtemps restée hors de son champ d’attention » reproche aux nouveaux natu ralistes de « pleurnicher le vivant », comme l’écrit l’économiste Frédéric Lordon. Et de se détourner de l’immuable combat de notre temps : « C’est le capitalisme qui détruit la planète, ça n’est qu’en détruisant le capitalisme qu’on sauvera la planète » ( Figures du communisme, La Fabrique, 2021). Une gauche désarçonnée par l’apport conceptuel de la nouvelle écosophie, qui craint que l’écologique supplante l’économique, que la nature détrône la culture, que l’amour des oiseaux remplace le soutien aux prolét aires, que l’attention aux terres damées détourne celle pour les damnés de la Terre. Or, réplique Antoine Chopot, « on peut être anticapitaliste parce qu’on est sensible au monde sauvage, aux conditions de vie des vivants, à leur épanouissement, à leurs po ints de vue, et aux relations constitutives avec le reste des habitants ». Il convient non seulement de « politiser l’émerveillement » avec le philosophe Baptiste Morizot, mais aussi l’émoi et l’effroi que peut provoquer une coupe rase dans une hêtraie sau vage. « Ces affects ressentis face à la destruction du monde vivant sont aussi des portes d’entrée vers la politique, puisqu’ils peuvent nous faire remonter aux causes du ravage écologique », témoigne Antoine Chopot. D’autre part, rien ne garantit que d’a utres figures du communisme ou du socialisme préserveraient des ravages de l’extractivisme. C’est notamment ce qu’a mis en relief le philosophe Serge Audier : l’histoire de l’« hégémonie prométhéenne » occidentale montre que les syndicalistes révolutionnai res et les marxistes orthodoxes du siècle dernier envisageaient le socialisme comme « l’héritier dialectique du capitalisme » (L’Age productiviste, La Découverte, 2019). En résumé, « il se pourrait que la gauche ait été largement “hégémonisée” par l’imagin aire et la pratique du capitalisme industriel ». Chez la plupart des marxistes, la domination industrielle de la nature reposerait sur une culture séparatiste et artificialiste semblable à celle des libéraux, même si la philosophe américaine Judith Butler considère, dans Deux lectures du jeune Marx (Les Editions sociales, 2019), qu’on a « largement exagéré l’idée selon laquelle, pour Marx, le travail est un acte de domination de la nature ». « La situation actuelle de transformation cataclysmique de la com position chimique de l’atmosphère, des sols et des océans, ce n’est pas une crise standard, ce n’est pas une contradiction ordinaire, interne, du capitalisme », prolonge le philosophe Pierre Charbonnier, auteur de Culture écologique (Presses Sciences Po, 3 44 pages, 19 euros). D’autant qu’« il n’y a pas que le capitalisme qui a accompagné le développement matériel, même s’il a évincé tous les autres systèmes. D’ailleurs, on peut tout à fait imaginer que le triomphe d’une révolution communiste mondiale au XXe siècle nous laisserait avec un “bilan carbone” encore pire que celui constaté aujourd’hui, tout simplement parce que ses performances productives et développementales auraient été bien meilleures ». L’émergence d’une écologie décoloniale Figure centrale de la révolution spartakiste dotée d’une sensibilité naturaliste, Rosa Luxemburg (1871 - 1919) avait déjà résolu ces contradictions dans ses Lettres de prison. Dans sa correspondance avec son amie Sophie Liebknecht, la militante de la IIe Internationale écr it : « Savez - vous que j’ai souvent l’impression de ne pas être vraiment un être humain, mais un oiseau ou un autre animal qui a pris forme humaine. Au fond, je me sens beaucoup plus chez moi dans un bout de jardin, comme ici, ou à la campagne, couchée dans l’herbe au milieu des bourdons, que dans un congrès du parti. » Inutile d’y voir une manière de déserter son combat prolétarien. « A vous je peux bien le dire, poursuit - elle, vous n’allez pas me soupçonner aussitôt de trahir le socialisme. Vous le savez, j’espère mourir malgré tout à mon poste, dans un combat de rue ou un pénitencier. » « Mais, écrit - elle encore, en mon for intérieur, je suis plus près de mes mésanges charbonnières que des “camarades”. » Affaire de sensibilité et non de sensiblerie. Questi on d’humanité et non de pleurnicherie. Bien avant les travaux de la biologiste Rachel Carson (1907 - 1964) qui ont révélé l’ampleur des méfaits, notamment sanitaires, des pesticides aux Etats - Unis dans Printemps silencieux (1962), Rosa Luxemburg dévore des ouvrages de sciences naturelles, de botanique ou de zoologie, et comprend pourquoi les « oiseaux chanteurs » disparaissent d’Allemagne : « Cela est dû à l’extension de la culture rationnelle – sylviculture, horticulture, agriculture – qui détruit peu à peu les endroits où ils nichent et se nourrissent : arbres creux, terres en friche, broussailles, feuilles fanées qui jonchent le sol. J’ai lu cela avec beaucoup de tristesse. » Son affliction n’est pas anthropocentrée : « Je n’ai pas tellement pensé au chant des oiseaux et à ce qu’il représente pour les hommes, mais je n’ai pu retenir mes larmes à l’idée d’une disparition silencieuse, irrémédiable de ces petites créatures sans défense. » Mais sa compassion s’élargit à l’ensemble des espèces et des peuples arr aisonnés. « Je me suis souvenue d’un livre russe, du professeur Sieber, sur la disparition des Peaux - Rouges en Amérique du Nord que j’ai lu à Zurich : eux aussi sont peu à peu chassés de leur territoire par l’homme civilisé et sont condamnés à une mort sil encieuse et cruelle. » Sans transformer ces lettres de prison en un traité d’émancipation écopolitique, on peut remarquer que Rosa Luxemburg établit une correspondance entre les différents types de dominations. Car tout est lié dans notre monde enchevêtré . C’est pourquoi se déploie depuis quelques années une écologie décoloniale critique envers un « colonialisme vert », dont la matrice est la plantation, mise en place depuis les débuts de la colonisation, comme l’a analysé l’ingénieur en environnement Malc om Ferdinand dans Une Ecologie décoloniale (Seuil, 2019), à l’aide du concept de « plantationocène » proposé par l’anthropologue Anna Tsing et la philosophe Donna Haraway. C’est ainsi que se sont également développés les écoféminismes, parfois critiqués en raison « des formes d’essentialisme » qui « [associent] les femmes à la nature » auxquelles certaines féministes, qui sont également écologistes, telle la théoricienne des gender studies Judith Butler, refusent de souscrire. « Faire discuter les chasseur s et les végans » La tentative de dépassement des oppositions convenues entre l’anticapitalisme écologique et les nouvelles humanités environnementales est en partie à l’œuvre, un peu à la manière dont la gauche intellectuelle et politique essaye de sorti r de l’alternative rebattue entre le « social » et le « sociétal ». Un dépassement perceptible sur le plan théorique, notamment illustré par le philosophe Paul Guillibert, qui s’attache, dans Terre et Capital (Amsterdam, 2021), à « replacer le vivant au cœ ur d’une politique communiste » à condition que celle - ci soit capable de « refonder sa cosmologie sur un naturalisme renouvelé ». Un « communisme du vivant » présent dans tous les endroits « où l’on tente de suspendre l’exploitation de la nature et du trav ail au nom d’un usage vivant de la Terre », comme à Notre - Dame - des - Landes (Loire - Atlantique) en France ou à Standing Rock aux Etats - Unis, réserve amérindienne où les Lakotas se sont opposés à un projet de pipeline menaçant les ressources en eau. Le dépass ement entre écologie sociocentrée et écologie naturaliste, entre praticiens de l’agriculture paysanne et partisans de la libre évolution (ces terres rachetées par des particuliers ou des associations et soustraites à toute exploitation) s’opère aussi sur l e terrain. C’est l’objet du collectif Reprise de terres, qui enquête notamment sur les conflits entre usages et protection des milieux (forêts, champs, zones humides, etc.) et montre qu’il est possible d’associer petit élevage et vie sauvage, production d’ une alimentation de qualité et réensauvagement. Mais la volonté d’écologiser le monde au sein d’une politique terrestre n’est pas réductible au communalisme des zones à défendre (ZAD) ou aux archipels réensauvagés. A la manière de Léon Blum qui, au congrè s de Tours (1920), voulait « garder la vieille maison » socialiste de la SFIO face à la scission communiste, le philosophe Bruno Latour, auteur d’un Mémo sur la nouvelle classe écologique avec Nikolaj Schultz (La Découverte, 94 pages, 14 euros), considère qu’« on ne peut ouvrir un front écologique sans culture du compromis, c’est - à - dire sans social - démocratie ». En effet, l’ambition de « maintenir les conditions d’habitabilité de la planète » nécessite de sceller de nouvelles « alliances géosociales » et ob lige à « faire discuter ensemble les chasseurs et les végans, les entrepreneurs capitalistes et les anarchistes zadistes ». Les conflits entre la gauche et la droite, analyse - t - il, se sont construits autour des questions de production et se poursuivent auj ourd’hui sur les questions d’habitabilité. Il existe aussi une droite qui estime que l’écologie est intrinsèquement conservatrice, puisqu’elle vise à « conserver » la biosphère, mais également une extrême droite ancrée dans la mouvance écologiste, qui adosse son idéologie réactionnaire à la préservation de la Terre. « A force de dire que l’écologie est de gauche, comme le font certains militants, nous avons oublié que l’écologie politique a aussi des racines de droite, et à force d’isole r la pensée d’extrême droite, nous avons oublié les effets de contagion et d’emprunt », constate le politologue Stéphane François, qui a mené une enquête sur « l’écologie de l’extrême droite française » (Les Vert - Bruns, Le Bord de l’eau, 216 pages, 20 euro s). La voie de l’écorépublicanisme « La protection de l’environnement est évidemment la vocation du conservatisme, qui n’est rien d’autre que la défense du foyer », estime ainsi le philosophe conservateur britannique Roger Scruton, se référant à l’étymologie du mot « écologie » – forgé sur le grec oikos (« maison », « habitat ») et logos (« discours », « raison ») – , cette science de l’habitat et de la maison inventée en 1866 par le biologiste allemand Ernst Haeckel. Les ambivalences du vocable, qui désigne à la fois l’étude des milieux natu rels et un combat contre ce qui les détruit, conduiraient l’écologie à osciller entre progressisme et conservatisme. Mais aussi à « basculer du côté d’un antimodernisme réactionnaire, contre - révolutionnaire et anti - Lumières », que l’essor de la droite radi cale est venu « confirmer et accentuer » ces dernières années, affirme Stéphane François. Tout d’abord, les extrêmes droites ont « une conception organiciste » de la communauté, ce qui les conduit à souhaiter que les groupes ethnoculturels préservent leur s particularismes du métissage et de l’indifférenciation. Cette dénonciation de l’« idéologie du même » portée par Alain de Benoist, le théoricien de la nouvelle droite, est un « ethno - différentialisme » : les peuples et la diversité des cultures doivent ê tre protégés « d’un système général d’homogénéisation planétaire », affirme Alain de Benoist. Cet ethno - différentialisme reposerait sur ce que l’essayiste Hervé Juvin, l’expert en écologie du Rassemblement national et chroniqueur de la revue Eléments, appe lle l’« écologie des civilisations » (La Grande Séparation, Gallimard, 2013). Les adeptes de la révolution conservatrice s’attachent à combattre une mondialisation qui détruirait aussi bien l’ethnodiversité que la biodiversité. C’est en cela que « l’écolo gie d’extrême droite est fondamentalement une écologie des populations », écrit Stéphane François. L’écologie néodroitière repose également sur le localisme, le néopaganisme et l’anti - universalisme. Sans oublier une certaine conception de l’« écologie inté grale », peut - être moins présente qu’auparavant, qui s’oppose aux OGM comme à la PMA au nom de la résistance à l’artificialisation du vivant. Mais, en intégrant la question écologique, l’ethno - différentialisme s’est progressivement doublé de ce que l’on po urrait appeler un « éco - différentialisme », remarque le philosophe Pierre Madelin dans son article « La tentation écofasciste : migrations et écologie », dans la revue en ligne Terrestres, à savoir un « anti - immigrationnisme vert » qui cherche à articuler écologie et immigration. En tout cas, rappelle - t - il, Marine Le Pen soutient qu’il faut protéger « les écosystèmes, à commencer par les écosystèmes humains que sont les nations », et Hervé Juvin assure que l’homme doit « défendre son biotope » face aux « es pèces invasives ». Puisque la protection de l’environnement et la maîtrise de l’immigration font partie des principales préoccupations des citoyens, « l’extrême droite ne pourra parvenir au pouvoir qu’à condition d’articuler de façon cohérente le rejet de l’immigration et le souci de l’environnement », analyse Pierre Madelin. Mais le terrorisme identitaire a déjà radicalisé cette jonction. « Je me considère comme un écofasciste », avait écrit Brenton Tarrant, qui tua, le 15 mars 2019, à Christchurch, en No uvelle - Zélande, cinquante et une personnes et en blessa quarante - neuf dans plusieurs mosquées. L’immigration et le réchauffement climatique sont « deux faces du même problème, notait - il dans un manifeste. L’environnement est détruit par la surpopulation, e t nous, les Européens, sommes les seuls qui ne contribuent pas à la surpopulation. (...) Il faut tuer les envahisseurs, tuer la surpopulation, et ainsi sauver l’environnement ». L’écofascisme est une menace bien réelle. Et la « porosité » entre une écologie progressiste et une autre conservatrice « existe bel et bien », insiste Stéphane François, notamment autour de « la défense d’un mode de vie préindustriel et enraciné ». Mais « il est inutile d’essentialiser cette convergence entre les écologies », tempère Pierre Madelin : « Ce n’est pas parce que l’extrême droite se réclame aujourd’hui de la démocratie que celle - ci est d’extrême droite. » L’écologie, combien de divisions ? Autant qu’il y a de façons d’écologiser la politique et de politiser l’écologie. Pa rmi les tentatives de résoudre ces conflits, l’« écorépublicanisme » de Serge Audier est une voie originale et peu empruntée. Portée par une nouvelle philosophie politique destinée à affronter le défi climatique, elle se présente comme une forme de républi canisme civique capable de « dépasser son anthropocentrisme dogmatique » (La Cité écologique, La Découverte, 2020). Un écorépublicanisme qui « sera cosmopolitique ou ne sera pas », assure Serge Audier, et bien éloigné du nationalisme en tout cas, car « l’é cologie politique dans un seul pays a encore moins de cohérence que le socialisme dans un seul pays ». Mais beaucoup préfèrent politiser l’écologie à partir des concepts d’« habitabilité » et de « condition terrestre ». Serge Audier estime d’ailleurs qu’« il importe que l’écologie devienne l’enjeu de controverses et de luttes politiques autour du sens même de la société présente et future ». Celles - ci ne manquent pas. Des controverses qui sont en train d’inventer, sur le terrain des idées mais aussi des idé aux incarnés, une nouvelle politique de la nature. Cet article est paru dans Le Monde (site web) Le coût écologique exorbita nt des guerres, un impensé politique Claire Legros Une nouvelle génération d’historiens éclaire le rôle décisif des conflits dans la crise environnementale globale que l’on connaît aujourd’hui. A l’heure de l’insécurité climatique, les Etats peuvent - ils concilier guerres et écologie ? Dans le fracas des bombardements sur les populations civiles, l’appel est passé inaperçu. « La nature n’a pas de frontières, et elle est aussi violée et torturée pa r l’invasion russe », alertait le 22 avril, à l’occasion de la Journée de la Terre, Iryna Stavchuk, vice - ministre ukrainienne de l’environnement et des ressources naturelles. A l’horreur des massacres humains de la guerre en Ukraine vient s’ajouter une cat astrophe écologique dont on peine à mesurer l’ampleur. Dans un pays fortement industrialisé et doté du deuxième parc nucléaire d’Europe, héritage de l’ère soviétique, les risques de pollution des sols et des nappes phréatiques sont multiples. « Des usines chimiques ont été bombardées dans un pays particulièrement vulnérable. L’Ukraine couvre 6 % du territoire européen, mais on y recense 35 % de sa biodiversité avec quelque cent cinquante espèces protégées et de nombreuses zones humides, reconnues d’importan ce internationale par la convention de Ramsar en 1971. Mais aussi une industrie vieillissante », constate Marie - Ange Schellekens, chercheuse en droit de l’environnement à l’université de La Rochelle, qui travaille sur la prévention des conflits et la sécur ité environnementale. Tour à tour enjeu stratégique, arme de guerre ou victime collatérale, l’environnement n’a jamais été épargné dans la longue histoire des peuples et de leurs affrontements. Des batailles menées par Darius contre les Scythes en – 513 a v. J. - C. jusqu’aux puits de pétrole incendiés au Koweït par l’armée de Saddam Hussein en 1990, la stratégie de la terre brûlée et l’empoisonnement des sources se sont de tout temps révélés des armes redoutables. « Une large majorité des conflits ont une di mension environnementale si on y inclut la question des ressources », note Marie - Ange Schellekens. Dans cette histoire de feu et de sang, les conflits de masse du XXe siècle ont franchi un palier. Les guerres industrielles, capables d’anéantir les populat ions, dévastent aussi durablement les écosystèmes. Un siècle après l’armistice de 1918, les dizaines de tonnes d’obus abandonnés par les belligérants continuent de libérer leurs composés chimiques dans les sous - sols de la Somme et de la Meuse. Des millions de mines disséminées en Afghanistan ou au Nigeria polluent durablement des terres agricoles, condamnant la population à la peur et au dénuement. Sans compter l’arsenal atomique qui fait peser une menace écologique sans précédent dans l’histoire de l’human ité. « L’arme nucléaire marque une rupture, par sa puissance de destruction totale sur les humains et les autres vivants, explique le politiste Bruno Villalba, auteur de L’Ecologie politique en France (La Découverte, 127 p., 10 euros), et aussi parce que s es ruines irréversibles, y compris la gestion des déchets nucléaires, s’inscrivent dans le temps long, ce que le philosophe Günther Anders appelle “la permanence du globicide”. » Pourtant, face à la tragédie des drames humains, le prix écologique exorbita nt des guerres est longtemps resté un angle mort de la réflexion politique. « Curieusement, même dans les milieux écologistes, le refus de la guerre, y compris nucléaire, ne se manifestait pas prioritairement pour des raisons environnementales jusque dans les années 1970, souligne le politiste. Le pacifisme revendiqué par certains acteurs de l’écologie politique était plutôt fondé sur le refus de la violence et du pouvoir militaire de l’Etat. » Aujourd’hui encore, l’impact environnemental des conflits demeu re largement sous les radars politiques, malgré une lente prise de conscience à l’échelle des nations, et un cadre juridique international interdisant certaines pratiques. « Les liens entre écologie et conflits restent sous - estimés, voire tabous et raremen t débattus, alors même qu’il n’y a jamais eu dans l’histoire une telle capacité de destruction durable des écosystèmes », regrette l’expert en sécurité environnementale Ben Cramer, auteur de Guerre et paix et écologie (Ed. Yves Michel, 2014). Depuis une d izaine d’années, une nouvelle génération d’historiens des sciences et techniques et de l’environnement documente le rôle historique des guerres industrielles dans la crise environnementale globale. Leurs travaux montrent que les effets des conflits moderne s sur la vie de la planète ne se limitent pas au champ de bataille. Ces pollutions, aussi dramatiques soient - elles, seraient même plutôt « l’arbre qui cache la forêt de conséquences indirectes, peu intuitives et de long terme, mais nettement plus important es », estime Fabien Locher, chercheur au CNRS au Centre de recherches historique de l’EHESS, et auteur des Révoltes du ciel. Une histoire du changement climatique (XVe - XXe siècle) avec Jean - Baptiste Fressoz (Seuil, 2020). « Lourde responsabilité » En sus citant le développement de technologies toujours plus puissantes et énergivores, les conflits du XXe siècle ont bouleversé les conditions de production et transformé en profondeur les usages et les sociétés, favorisant la débauche d’énergies fossiles à la source du changement climatique. « La guerre industrielle est la matrice de toutes les pollutions », affirme l’historien Thomas Le Roux, spécialiste des pollutions industrielles et auteur de La Contamination du monde. Une histoire des pollutions à l’âge in dustriel (avec François Jarrige, Seuil, 2017). « L’appareil militaire et la guerre portent une lourde responsabilité dans le dérèglement des environnements locaux et de l’ensemble du système Terre », estime l’historien et chroniqueur au Monde Jean - Baptist e Fressoz, auteur avec Christophe Bonneuil de L’Evénement de l’Anthropocène (Seuil, 2013). Au même titre que la dynamique du capitalisme « capitalocène » ou le déploiement des énergies fossiles « thermocène », les guerres modernes ont, selon lui, joué un r ôle décisif « thanatocène » dans le passage à l’ère de l’anthropocène, cette nouvelle époque géologique qui se caractérise par l’avènement de l’espèce humaine comme principale force de changement de son environnement. La liste est longue des technologies militaires qui, une fois la paix revenue, ont trouvé naturellement de nouveaux débouchés dans le monde civil, y imposant leur logique de puissance. « De l’ordinateur à l’atome, un grand nombre de techniques du XXe siècle ont émergé d’efforts visant à mener ou à préparer des conflits », souligne Fabien Locher. La première guerre mondiale ouvre la voie à la motorisation à essence et à l’aviation, dopée ensuite par l’effort de guerre de 1939 - 1945, comme l’a montré l’historien britannique David Edgerton (Quoi de neuf ? Du rôle des techniques dans l’histoire globale, Seuil, 2013). Le nylon, conçu dans les usines de l’entreprise américaine DuPont pour la fabrication des parachutes du Débarquement, est recyclé après - guerre dans la production des filets modernes co nçus pour la pêche industrielle. L’avènement de l’agriculture industrielle n’est rendu possible que par le développement des pesticides dérivés des gaz de combat. L’historien américain Edmund Russell retrace, dans War and Nature (Cambridge University Press, 2001, non traduit), comment les mêmes molécules ont été utilisées par les militaires du Chemical Warfare Service (CWS), le service chimique de l’armée américaine , pour fabriquer les composés chimiques destinés à la fois aux militaires et aux produits agricoles. Pour Fabien Locher, « la guerre change les systèmes de représentation. En même temps qu’on développe des produits chimiques visant à la fois les insectes e t l’ennemi, on se met à penser une guerre sans limite contre d’autres hommes et une guerre sans limite contre la nature ». Ces nouveaux outils se seraient - ils imposés sans conflits ? « Certains auraient sans doute fini par aboutir. Mais les trajectoires i ndustrielles n’auraient pas été les mêmes, car les guerres sont sources d’une forme de désinhibition et entraînent la création de nouveaux cycles industriels », estime Thomas Le Roux. Ainsi, malgré de sérieux doutes sur sa toxicité, les autorités américain es ont diffusé largement le DDT, puissant insecticide, pour combattre la malaria pendant la guerre du Pacifique, « ce qui n’aurait peut - être pas été le cas en temps de paix, souligne Fabien Locher, mais la guerre crée un état d’exception qui incite les Eta ts à placer les effets de long terme au second plan ». Vingt ans plus tard, la biologiste Rachel Carson en décrira les ravages dans son livre fondateur Silent Spring (Printemps silencieux, 1962). Exploitation accrue de l’aluminium Si elles portent une re sponsabilité dans le dérèglement climatique, c’est aussi que les guerres stimulent l’extractivisme, repoussant toujours plus loin la prospection des ressources naturelles dans des territoires jusque - là préservés. « Contrairement à ce que l’on pourrait croi re, les stratégies autarciques des Etats en guerre ne sont pas écologiques et ont produit dans l’histoire des conséquences dommageables pour l’environnement », estime Jean - Baptiste Fressoz. Pendant la seconde guerre mondiale, la pénurie de pétrole incite l ’Allemagne à développer une technique de transformation du charbon en carburant liquide. A la même époque, l’expansion de l’aviation militaire américaine amplifie l’exploitation de l’aluminium, un matériau polluant qui sera banalisé après - guerre dans les c anettes de coca ou le bâtiment. Pour Fabien Locher, « les institutions militaires et les acteurs industriels vivant en symbiose ont joué au XXe siècle un rôle décisif pour orienter, accompagner et imposer des politiques de recherche et de captation des res sources qui ont transformé les environnements et les sociétés à l’échelle globale ». Une situation qui reste d’actualité, assure Ben Cramer. « L’extraction de minerais rares à des fins militaires déstabilise aujourd’hui des régions entières et participe à l’accaparement des territoires, source de nouveaux conflits. » Dans cette quête, la connaissance et l’exploration de nouveaux espaces se révèlent essentielles. La guerre froide va favoriser, dans la seconde moitié du XXe siècle, une intense mobilisation s cientifique qui ouvre, à partir de 1950, de nouveaux champs de savoirs théoriques sur la vie de la planète. S’impose dans les deux blocs l’idée que le prochain conflit sera mondial et global, qu’il se jouera sous les mers, dans les airs et même dans l’atmo sphère et qu’« il faut dès lors cartographier, sonder, modéliser la Terre en tant qu’espace d’évolution des troupes, des sous - marins, des vecteurs nucléaires », note Fabien Locher. Des efforts militaires pour préparer la troisième guerre mondiale émergent de nouvelles connaissances en sismologie ou en océanographie, et surtout l’idée que le « système Terre » fonctionne comme un ensemble d’éléments en interaction. Ils évoluent dans une interdépendance qui peut conduire, en cas de dérèglement, à une crise gl obale. « On pense souvent que l’écologie et les sciences du système Terre sont nées avec les travaux des naturalistes et des biologistes, mais elles sont aussi largement issues de recherches menées par les armées et par les scientifiques travaillant pour e lles », constate l’historien. En 1947, c’est d’ailleurs au Pentagone qu’a lieu la première réunion consacrée aux conséquences de la fonte des glaces en Arctique et au changement climatique. Ces progrès scientifiques ont aussi leur revers, car ils ouvrent la voie à des armes inédites. Au plus fort des tensions entre les deux blocs, la guerre du Vietnam marque une étape décisive, à la fois dans le déploiement des techniques et dans la prise de conscience mondiale qu’un seuil a été franchi. Entre 1961 et 1971 , l’armée états - unienne déverse quelque soixante - dix millions de litres d’un puissant défoliant produit par la firme Monsanto, l’« agent orange », sur les forêts vietnamiennes. L’objectif est de dénuder les arbres afin de mettre l’ennemi à découvert, mais la dioxine contamine aussi durablement les populations et les écosystèmes. « Aujourd’hui encore, elle impacte la fertilité des sols et la santé des populations qui développent des cancers et des malformations, constate la juriste et spécialiste de droit in ternational Valérie Cabanes, autrice d’Un nouveau droit pour la terre. Pour en finir avec l’écocide (Seuil, 2016). Les procès qui suivront – uniquement pour dédommager les militaires atteints – démontreront que la toxicité était parfaitement connue à l’épo que. » C’est aussi au Vietnam que les Etats - Unis expérimentent pour la première fois des techniques de géo - ingénierie, c’est - à - dire capables de manipuler et de modifier l’environnement. L’opération « Popeye » consiste à « ensemencer » chimiquement les nua ges afin de renforcer les précipitations et de prolonger ainsi artificiellement la saison des moussons, dans le but de ralentir la progression ennemie. De 1967 à 1972, les avions de l’US Air Force effectuent plus de deux mille missions dans le ciel vietnam ien pour y disperser de l’iodure d’argent. Ces pratiques suscitent une indignation mondiale et marquent une prise de conscience politique, notamment dans les milieux environnementalistes américains. « Si nous n’élargissons pas notre réflexion pour prendre en compte la guerre, nous conserverons peut - être quelques états sauvages, mais nous perdrons le monde », note alors le fondateur de Friends of the Earth (Les Amis de la Terre), David Brower. « Pour la première fois s’impose l’idée que les Etats - Unis prati quent un nouveau type de conflit : ils font la guerre à l’environnement pour annihiler l’adversaire », note Fabien Locher. L’apparition du terme « écocide » De cette époque date l’apparition du terme « écocide », construit à partir de « génocide », par l e biologiste Arthur W. Galston, comme le relate Barry Weisberg dans Ecocide in Indochina. The Ecology of War (non traduit ; Ed. Canfield Press, 1970). Deux ans plus tard, le mot sera repris par le premier ministre de Suède Olof Palme, lors de l’ouverture d e la première conférence des Nations unies sur l’environnement. A la convention de Genève, qui encadre depuis 1949 le droit humanitaire des conflits, sont ajoutés, en 1977, deux articles qui proscrivent les « méthodes ou moyens de guerre (...) conçus pour ca user (...) des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel » ainsi que les atteintes à l’environnement « à titre de représailles ». La Convention sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins mi litaires, nommée ENMOD, adoptée un an plus tôt, encadre de son côté le recours à la géo - ingénierie à des fins hostiles. Le droit environnemental international peut - il modifier le cours des guerres ? Jusqu’à présent, ces conventions restent peu et mal appl iquées, même si, depuis l’entrée en fonction de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002, l’atteinte grave à l’environnement est reconnue comme un crime de guerre. « Les difficultés d’interprétation des textes compliquent leur application, notamment pou r définir une atteinte grave et durable de l’environnement », remarque la juriste Marie - Ange Schellekens. Pour le moment, seul l’Irak a été condamné en 1991 par une commission spéciale à indemniser le Koweït après la mise à feu de plus de six cents puits de pétrole par les forces de Saddam Hussein. « Rien n’empêche aujourd’hui de juger les destructions commise s en Ukraine, estime la juriste Valérie Cabanes. Une condamnation pour crime environnemental enverrait un message clair à l’adresse des Etats, et dessinerait une ligne morale à ne pas franchir lors de futurs conflits. » Les obstacles restent cependant nomb reux. « La justice internationale est un mécanisme lourd, constate Marie - Ange Schellekens, et la gravité des crimes russes à l’égard des populations risque de faire passer les atteintes à l’environnement au second plan. » Mais pour le général de division aérienne Vincent Breton, responsable de la prospective et de la stratégie militaire de l’état - major des armées, « les poursuites pour “crimes contre l’environnement” (...) seront à l’avenir de plus en plus fréquentes, et il n’est pas exclu qu’un jour les con flits fassent l’objet d’un contrôle environnemental au niveau international ». « L’impact écologique d’une guerre, d’une opération ou d’une simple action militaire constituera de plus en pl