1 2 Editions Robert Laffont, S.A., 1970 3 4 5 TABLE DES REPRODUCTIONS Carte de la Palestine au Ier siècle de notre ère. ..................................3 Evangile de Barthélémy ........................................................... 78 Plan de Jérusalem au début de notre ère .................................... ... 257 Les « Œuvres Magique s » de Henri Cornélius Agri ppa ........................................................................ 268 -269 Les « Actes de Pilates » ...................................................... 2 70-279 Evangile de Thomas ........................ .. ..................................... 3 63 Filiation de la dynastie Iduméenne ......................................... ... .. 368 6 SOMMAIRE Avertissement. – Le silence sur Gamala. – Le Jésus de l'histoire ....................................... ....................... 14 I. Avant - propos. - Principale accusation portée contre l'Ordre du Temple : le reniement de la divinité de Jésus. Les aveux libres, les preuves, l'origine de cette mutation spiri tuelle. Le retour au Dieu Unique, commun au Judaïsme et à l'Islam. Les conséquences poli tiques de la destruction de l'Ordre du Tem ple. La véritable opinion des Cathares sur Jésus ...................................... 18 II. Les Pièces du Dossier. - Les manuscrits des auteurs païens. Les manuscrits des textes cano niques. Les manuscrits des apocryphes. Cata logue général et époque de chacun d'eux. Les originaux des auteurs anciens ont disparu, il ne reste que les textes reman iés par les moi nes - copistes. L'Apocalypse et son secret. Un martyr mystérieux ................................................. 3 0 III. La pseudo - Annonciation. - Contradictions et invraisemblances des textes évangéliques. Im possibilités légales du mariage de Joseph et de Marie. Marie et les frères de Jésus « ne croient pas en lui » ; « ses parents » le croient fou et veulent l'enfermer. Différence soulignée entre les frères et les disciples. La véritable personnalité du « gab riel » ........................ 46 IV. Les diverses dates de nai ssance de Jésus – La pseudo - tradition ecclésiale. Décision du Concile de Trente. Naissance « aux jours d'Hérode » (en 6 avant notre ère), ou nais sance « au temps du Recensement », (en 6 après notre ère) ? Contradiction insoluble entre Matthieu et Luc. Tr adition de saint Irénée: Jésus naquit en 16 ou 17 avant notre ère, et mourut à cinquante ans. Les nati vités de fantaisie dans les premiers siècles : 2 janvier, 6 janvier, 28 mars, 2 avril, 19 avril, 20 mai, 25 décembre. Néron naquit à Antium un 25 décembr e. Cette date était la grande fête annuelle des sectateurs de Mithra .............. 5 5 7 Jésus, ou le mortel secret des Templiers Sommaire V. Les frères de Jésus. – Matthieu et Luc don nent deux généalogies d ifférentes et contra dictoires. Le fils de Joseph et de Marie est un « premier né ». Impossibilité pour Joseph d'avoir d'autre enfant avant Jésus. Les ori - ginaux grecs des Evangiles sont formels, il s'agit de frères et de sœurs au sens familial du terme, e t non de cousins et de cousines ...... ..................................... 66 VI. Le frère jumeau de Jésus. – Thomas didyme, en grec, signifie en fait « jumeau - jumeau ». En hébreu, jumeau se dit taôma et en grec : didumos. Preuves scripturaires de son exis tence. Les « Actes de Thomas ». L'Evangile de Barthélemy. L'Histoire de Saint Thomas. L'Histoire apostolique d'Abdias. Voyage et martyre de Thomas l'apôtre. Son rôle ap rès l'exécution de Jésus ................ 7 4 VII. Les clés de l'énigme. – Les personnages du nom de Simon dans les Evangiles. De Kêpha (le rocher), à Kipahâ (la palme). Sim un Pierre, dit Simon barjonna (l'anarchiste), le zélote (J'extrémiste), le Kanaéen (idem), l'ishka rioth (le sicaire). Il est le père de Juda Ishka rioth, le frère de Jésus, et des autres enfan ts de Marie. II cède sa primauté à Jacques. Ils seront crucifiés tous deux à Jérusalem, en 47, à l'issue du premier synode en cette ville, d'ordre de Tibère Alexandre, procurateur, « pour brigandage et parce que fils de Juda de Gamala ». Jésus, leur frère aîné, est donc lui aussi fils de Juda de Gamala. Témoignage confirmatif de l' Apocalypse ............... ........................................ 86 VIII. Le nid des Aigles : Gamala. – Son importance historique et stratégique. Juda de Galilée y fonde le mouvement zélote. Son père E zéchias, crucifié par Hérode, est défendu par Hyrcan. Ils sont tous deux de lignée davidique et royale. Importance de la Galilée. Gamala, la mystérieuse « montagne » des Ecritures ..... ......................................... 1 12 IX. Pour donner l e change : Nazareth. – Cette ville est inconnue avant le quatrième siècle, époque de nos originaux grecs. Elle appa raît seulement et matériellement au huitième siècle. Preuves administratives et témoigna ges de Julien l'Apostat, cité par Cyrille 'Alexandr ie, et de Marcion, cité par Tertul lien 8 Jésus, ou le mortel secret des Templiers Les scènes décrites par les Evangiles comme s'étant déroulées en la Nazareth ac tuelle ne peuvent s'y être déroulées. Impos sibilités géographique s. Les descriptions ne concordent pas. Les pseudo - témoins matériels: la maison de la Sainte - Famille et l'atelier de saint Joseph ........................... .............................. 12 1 X. Le mystérieux Joseph et la « sainte famille » – Ses généalogies sont totalement différentes , selon Luc et selon Matthieu. Caractère évanes cent du personnage mis en scène sous ce nom. Impossibilités légales et physiologiques de ce que lui attribuent les apocryphes. Marie de Magdala, mère des « sept tonnerres » ............. 131 XI. Les ann ées obscures de Jésus. – Les révoltes zélotes : Juda de Gamala. Archélaüs contesté, puis déposé. Dans une parabole, Jésus reprend à son compte le rôle d'Archelaüs. Les exé cutions d'otages à la sortie de Jéricho. La pre mière attaque contre Jérusalem. Dét ermination de l'époque exacte de cet épisode............................................. .......................... 140 XII. Jésus au milieu des docteurs. – La « Bar Mitzva », banal examen religieux de tout jeune Juif en sa douzième année. Jésus y est soumis comme tout le monde. Indifférence de Joseph et de Marie lors de sa disparition. Leur tardive préoccupation ..................... ................ 150 XIII. Jean, le Précurseur et le Baptiste. – Les contradictions du récit. Jean a - t - il réellement rencontré Jésus, l'a - t - il reconnu, l'a - t - il bap tisé, ou en a - t - il simplement entendu parler « en sa prison • ? Les doutes de Jean sur le messianisme de Jésus. Le curieux « prologue. de l'Apocalypse. La mort violente de Zacharie, père du Baptiste, « entre le Temple et l'Au tel " en 6 de not re ère, lors de la révolte du Recensement. La véritable nature des activités de Jean. Hérodiade ou Salomé? Les circons tances réelles de la décollation. De Tibériade à Machéronte ...... ................................................... 1 53 9 Sommaire XIV. La magie dans la vie de Jésus. – Proscription sévère de la magie en Israël. Permanence de la croyance générale en un Jésus magicien. Jésus utilise des techniques différentes de gué rison selon les cas. Il n'ignore pas la phar macopée antique. Le possédé de Gerasa. Jésus pratique la nécromancie. Evocation de Moïse et d'Eli, au sommet du Thabor. Il utilise les hallucinogènes. Ivresse de Simon - Pierre. Evo cation de « son père » aux Oliviers. Incohé re nce du récit. Le mystérieux « compère » de cette mise en scène. La démonologie dans la vie de Jésus. Parmi ses aïeules, on trouve qua tre prostituées célèbres : Tamar, Rahab, Ruth, Bethsabée 1 69 XV. Le roi des Juifs. – Les illusions de Jésus. Fils des rois de la terre, ou fils du roi du ciel? Caractère général de ce surnom. Pour les Romains comme pour Israël, Jésus est le « roi des Juifs ». Ce serait le principal motif de sa condamnation par les Romains. Jésus a failli être proclamé roi. Tibèr e voulut lui confier la tétrarchie de Philippe. Faillite des promesses de « l'ange Gabriel »............... ............................................. 1 86 XVI. La dîme messianiste. – Situation et discrédit des péagers et des prostituées en Israël. Jésus les impose et les taxe. Organisa tion et preuves du racket messianiste. Jésus préside le ban quet des « gens de mauvaise vie » chez Levi - Matthieu, le péager. Indulgence de Jésus pour les prostituées et les publicains. Importance de Judas Ishkarioth, cependant « homme de meur tre » et « v oleur », Simon - Pierre continue les exactions; meurtre d'Ananias et de Saphira. Jésus a attaqué le Temple de Jérusalem à plu sieurs reprises. Il vise non seulement les mar chands et les changeurs mais aussi les pèle rins. Existence d'un énorme trésor zélote attes tée par les manuscrits de la mer Morte. L'épi sode du poisson au statère : la vérité sordide sur un pseudo - miracle. La mort de Jacques le Mineur. Des voleurs bien mystérieux ..................... 196 10 Jésus, ou le mortel secret des Templiers XVII. La fuite en Phénicie. – Jésus va se dissimuler à Tyr, puis à Sidon. Il y arrive pour les fêtes de la résurrection d'Adonis. Episode de la femme cananéenne. Frappé par le symbolisme de la religion tyrienne, Jésus imagine de trans poser le myt he à son profit. Par la suite, les scribes chrétiens emprunteront généreusement aux liturgies d'Adonis et de Mithra .............................. .. 22 3 XVI. Les énigmes du dernier jour. – Incohérences et contradictions. Les anonymes rédacteurs des Evangiles ignoraient les usages rituels juifs. Impossibilité du récit officiel de la Passion. Ce que signifiait la « robe éclatante » imposée à Jésus par Hérode Antipas ...... ............................................. 2 32 XIX. L'acte d'accusation de Jésus. – Les Juifs n'ont jamais tenté de l'arrêter. Seuls les Romains le recherchent. Quels crimes avait - il commis à leurs yeux? Se prétendre roi. Prélever des impôts et des dîmes, tel un roi. Pratiquer le brigandage, attaquer les marchands et les pèle rins. Avoir ordonné des meurtres à Jéricho et à Jérusa lem. Pratiquer la sorcellerie (mau dire des villes, un figuier, etc.) et ainsi vio ler la loi romaine des Douze Tables. On lui donna à boire pour l'achever et lui épargner une agonie dans la fosse infâme, car crucifiés et empalés mouraient instantanément s i on leur donnait à boire. La vérité sur Joseph d'Arimathie ............ ...... 2 42 XX. Le maléfice sur Jérusalem. – Le pardon et son rôle occulte de nuisance en magie an cienne. Impossibilité de la clameur votive des Juifs devant le prétoire. Dernières par oles de Jésus, l'appel à Eli, sa véritable signification. Les rites de nuisance dans les « Epitres de Paul » ........................ .................................. 2 59 XXI. L'exécution de Jésus. – Quelle fut la véritable sentence prononcée contre lui? Les diverses formes de la crucif ixion pénale et celles de la fustigation ou de la flagellation préliminaires. Crucifixion tête en haut pour les esclaves re belles et les malfaiteurs. 11 Sommaire A - t - il été crucifié au Gol gotha ou aux Oliviers? Problème posé par les Acta Pilati. Son importance et ses consé quences. Le texte d'Isaïe, et les surprises de ceux de la mer Morte. Ce qu'était en réalité Gethsémani ............ .......................................... 2 72 XXII. La pseud o - résurrection. – Les croyances juives de l'époque. L'histoire de Jonas et la naïveté de Jésus. L'enlèvement du cadavre et son transfert discret en Samarie. Le secret de la poudre, Connu des Sanhédrites. Julien l'Apostat fait détruire les restes de Jésus e n 362. Té moignages probants de l'existence d'un cadavre de Jésus, chez Julien d'Halicarnasse et Sévère d'Antioche, évêques en 402. Témoi gnage de Celse et son Discours de Vérité ........................ ..... 296 XXIII. Apparitions et ascension de Jésus. - Incer ti tudes et contradictions des textes évangéli ques sur les circonstances et les lieux des ap paritions. Contradictions dans la durée de la période séparant la résurrection de l'ascension. Rôle du jumeau de Jésus dans ces manifesta tions, aussi discrètes que prudentes. Sa vente finale à un marchand d'esclaves, stratagème pour quitter la Palestine ......... ............... 3 18 XXIV. La Rédemption. - L'ironie logique de Victor Hugo. Différence entre l'eschatologie chré tienne et l'eschatologie judaïque. Négation du péché originel dans l'Ancien Testament. Jé sus n'a jamais présenté sa mort, inévitable et prochaine, comme un sacrifice expiatoire universel. Emprunts à la liturgie de Mithra. Contradictions fondamentales entre la théolo gie de l'Ancien et du Nouveau Testament. Unité absolue de Dieu ou pluralité ternaire ? ... ................................. 329 12 XXV. L'exécution de Judas. – Juda Ishkarioth, fils de Simon - Pierre. Une petite armée romaine investit les Oliviers. Juda conduit le tribun des cohortes, et non les Juifs. Ceux - ci ne furent pour rien dans les poursuites contre Jésus. Exécution rituelle de Judas par les Zélo tes. Ce rite était encore en usage en Grande - Bretagne au XVIIIe siècle. Il est encore évoqué dans le grade maçonn ique d'Elu des Quinze. La corporation artisanale des tailleurs de pier re et charpentiers, à laquelle appartenait Jésus. Les motifs de la trahison de Juda. L'Evangile de Barthélemy et la sentence rituelle contre Juda. Sa femme et son enfant furent égalemen t mis à mort ......... ........................ 3 36 XXVI. Jésus et les femmes. – Obligation de se marier très jeune en Israël. Jésus ne semble pas s'être jamais marié. La personnalité équivo que de Jean. Les anomalies sexuelles consta tées à la mort de l'Evangéliste . La Cène finale n'est pas conforme à la rituélie juive. Etran ge éloge de l'eunuque volontaire. Condamna tion de la procréation et éloge de la stérilité féminine par Jésus. L'amour de Salomé révélé par l'Evangile de Thomas ............ .............................. 3 55 XX VII. Epilogue : le Bûcher. – Condamnation des grands - officiers du Temple. Rétractation de Molay et Charnay. Leur mort dans les flammes le 11 mars 1314. L'appel de Molay à la justice divine. Le châtiment du pape et du roi. Du drame à la légende ...... .............................. ....................... 3 74 13 NOMS BANALISES ET NOMS HEBREUX DANS LE NOUVEAU TESTAMENT NOMS BANALISÉS NOMS HÉBREUX SIGNIFICATIONS Adonis Adôn Seigneur Ananie Hanania Dieu lui est propice Anne Hanna Favorisé (ée) de Di eu Barthélemy Bar - Talmaï Fils de Talmaï Barnabé Bar - Nabi Fils du Voyant Caïphe Kaïapha Devin Céphas Kepha Rocher Clopas Kalpaï Toute gloire Elie Eliyahou Iahvé est mon Dieu Elisabeth Elischeba Celle qui jure par EL (Dieu) Gabriel Geber - El Héros de Dieu Gamaliel Gamliel Celui que EL (Dieu) rétribue Ishkarioth Ish - sikarioth Homme de meurtre Jacques Iaäkob Supplanteur Jean Iôhanan Favori de Iahvé Jean Baptiste Iôhanan - bar - Zekarya Jean fils de Zacbarie Jean I'Evangéli ste Iôhanan - bar - Zebadya Jean fils de Zébédée Jésus Ieschoua Sauveur Ioachim Ichoyakim Dieu est son aide Josèphe lossef Ajouté par Dieu Jude ou Juda Iehouda Zélateur de Dieu Lazare Eléazar Celui que EL (Dieu) assiste Lévi Levi Attachement Madeleine Magdalaenne Qui est de Magdala Marie Myrhiam Elevée (ou Princesse) Marthe Tamar Palme Matthieu Matatbiah Don de Dieu Ménahem Ménahem Consolateur Salomé Schalomé Heureux Saül Schaoul Demandé Simon Shiméon Qui écoute et obéit Simo n Bar Jona Shimëon barjona Simon le bors - la - loi Suzanne Schoschanna Lys Thadée Thaddaï Louangeur Thomas Taôma Jumeau Zacharie Zekarya Mémoire de Dieu Zachée Zakkai Celui dont Dieu se souvient Zébédée Zabdai Serviteur de Dieu 14 Avertissement L'hypothèse de Jésus, fils de Juda de Galilée (Actes: V,37), alias Juda de Gamala, ou Juda le Gaulonite, le héros juif de la révolte du Recensement, n'est pas nouvelle. Elle gênait déjà dans les premiers siècles du christianisme, puisque Luc, rédigeant les Actes, le situe après Theudas, autre révolté, qui se souleva entre 44 et 47 de notre ère, alors que Juda de Gamala se souleva en 6. Elle gêne toujours, puisque les historiens rationalistes qui veulent faire. de Jésus un mythe solaire, se gardent bien de la citer. Ernest Renan, en sa « Vie de Jésus ", publiée en 1863, y fait une vague allusion, car son siège est fait, il veut un Jésus idyllique et à la manière de Jean-Jacques Rousseau. En fait, ce fut Daniel Massé, qui, dès 1920, et pendant un quart de siècle, au long de quatre ouvrages consacrés au sujet, la défendit courageusement. Malheureusement, il ne sut se fixer des bornes précises et ses extrapolations imprudentes ont servi ses adversaires. Historiens catholiques et protestants ignorèrent volontairement son œuvre; et Daniel -Rops se garde bien de le citer parmi ceux qui ont la faveur de ses répliques 1 ------------------ 1. Au catalogue de la Bibliothèque nationale, il est impossible de retrouver les ouvrages de Daniel Massé consacrés à l'Enigme de Jésus-Christ. Sur quatre fiches d'identification, trois ont disparu, arrachées ... Jésus, ou le mortel secret des Templiers 15 Mieux encore, sur les cartes géographiques qui accom- pagnent parfois les travaux des historiens catholiques ou protestants, les diverses localités situées aux bords du lac de Génézareth : Capernaüm, Tibériade, Magdala, Tarichée, Hippos, Kursi, Bathsaïda, sont toutes mentionnées. Il n'en manque qu'une seule : Gamala! Depuis les travaux de Daniel Massé, la cité zélote, la « Ville des Purs », le nid d'aigle d'où descendit un jour Juda le Gaulonite, la véritable « nazareth » où naquit Jésus-bar-Juda, Gamala a disparu des cartes géographique Pour la situer, il faut se reporter aux cartes antérieures. L'auteur de la présente étude ne prétend donc point avancer, en ces pages, une hypothèse originale et nou- velle, puisque les exégètes autrichiens et allemands du milieu du dix-neuvième siècle ne l'ont pas ignorée. Son seul mérite est d'avoir découvert la preuve de cette identité de Jésus, dit « de Nazareth », et en réalité fils de Juda de Galilée. Cette preuve est fort simple, elle consiste en un très banal syllogisme . Encore fallait-il en rassembler et ordonner les éléments. C'est là tout le pourquoi de cet ouvrage. Un dernier point reste à préciser. Dans l'étude du christianisme et de ses origines, nous pouvons considérer trois courants : a) le courant surnaturaliste, groupant les fidèles des diverses églises, croyant en un Jésus « fils de Dieu » mort, ressuscité, puis monté au ciel; b) le courant naturaliste, groupant les partisans d'un Jésus on ne peut plus humain, et soit chef d'un mouvement politique anti- romain (les Zélotes), soit simple mystique de type plus ou moins essénien; , c) le courant mythiste, groupant les partisans d'un Jésus totalement imaginaire, dont la légende s'est élaborée peu à peu par le mélange de traditions appartenant à des gnoses diverses, et par la fusion d'éléments historiques appartenant à plusieurs personnages du nom de Jésus. Avertissement 16 C'est dans la seconde catégorie que la présente étude doit être classée, évidemment. Et voici la principale de nos raisons. Dans le « Dictionnaire rabbinique » de Sander (Paris, 1859), et à la fin, est une étude biographique consacrée à ceux que la tradition juive considère comme les « princes de la Thora ». Et concernant le grand Gamaliel, cité dans les Actes, nous lisons ceci : « Rabban Gamaliel Ier , dit l'Ancien, petit-fils du grand Hillel, succéda à son père, Siméon, dans la qualité de Naci. « Il fut le premier à prendre le titre de rabban, que portèrent après lui ses descendants et successeurs jusqu'à Gamaliel III, fils du rabban Iehuda-le-Naci, Il eut de fréquents rapports avec les généraux et les membres du Gouvernement romain. « Ce fut sous sa présidence que Samuel, surnommé le Petit ou le Jeune, composa la formule de prière contre les Apostats et les traîtres, formule qui fut reçue et conservée dans la liturgie. Selon plusieurs chroniqueurs, Rabbi Gamaliel mourut dix-huit ans avant la destruction de Jérusalem par les Romains. « Avec lui, nous dit la Mischna, se sont éteintes la gloire de la Thora, la pureté et l'austérité de la vie religieuse. » (Sota : ch. IX, 15). Par ailleurs, la même étude nous révèle que Samuel le Petit, ou le Jeune (ainsi nommé pour le différencier du prophète de ce nom), mourut avant Gamaliel. , Récapitulons donc : Jérusalem fut détruite par les Romains en ........................ 70 Gamaliel 1"' mourut dix-huit ans avant, soit en ............ 52 Samuel le Jeune mourut avant Gamaliel 1"', soit au plus tard en ..................................................................... 51 C'est lui qui composa la formule de prière contre les apostats et les traîtres, soit au plus tard en .................................... 50 17 Jésus, ou le mortel secret des Templiers Quels sont ces Apostats? Ceux qui, évidemment, ont apostasié la loi de Moïse et abandonné les pratiques religieuses juives, en un mot ce sont ceux que l'on nomme déjà, depuis 40, à Antioche, des chrétiens 1 Il nous paraît bien étonnant que le Sanhédrin ait attendu dix ans (en 50) pour prendre des sanctions liturgiques contre ces Apostats. C'est donc entre 40 et 50, qu'il faut situer cette mesure. Or, si entre 40 et 50, le Judaïsme sanctionne les disciples d'un certain Jésus, qui aurait été crucifié en 34, soit quelques années avant ces sanctions, il nous paraît bien difficile d'admettre que ledit Jésus n'ait pas existé. Enfin, inutile de souligner que la rigueur de sa vie religieuse exclut par avance la véracité du pseudo-évangile dit « de Gamaliel », et la possibilité pour le petit-fils du grand Hillel de s'être finalement converti christianisme. ---------------------------- 1. Cette formule d'exécration est résumée par les trois lettres initiales de ses termes essentiels : I.S.V. (en hébreu : Iod-schin-vaw ), Ces termes sont : « Ymah Schemo V'zikro », soit en français : « Que s'effacent son nom et sa mémoire ... ». Or, chose étrange, on a retrouvé ces trois lettres « I.S.V. » des tombes de « compagnons » appartenant à la branche du « Devoir de Liberté », ou encore « Enfants de Salomon ». Elles y avaient pour signification ésotérique : « Ici, Salomon Veille. On y pouvait également voir une abréviation de Jésus, à l'intention du monde profane. A moins que cette même phrase ne revête, en hébreu, une seconde signification : « lthgadal Schemo Vithkadasch », soil français : « Que son nom soit sanctifié et exalté ... ». Ce qui justifierait un peu l'échec de cette exécration ! 18 1 Avant-propos « Le silence est l'arme la plus puissante du MAL... » Maurice MACRE: Le Sang de Toulouse. Une haute fenêtre ogivale laisse à peine entrer un jour gris. Nous sommes le 21 octobre 1307, dans une haute salle voûtée du vieux Louvre de Philippe Auguste, que la fumée des torches murales obscurcit un peu plus encore. Derrière une table de bois rude, des hommes en robes lourdes, le visage tendu et crispé de haine, les « légistes » de Philippe IV le Bel, écoutent une voix basse et triste qui monte d'un paquet de hardes cras- seuses et maculées de sang, affaissé devant eux. Derrière, des sergents chemisés de cuir et de mailles, au masque impassible, tanné par les campagnes. L'homme qui parle est un Templier. Il a nom Geoffroy de Charnay, et il fut commandeur de Normandie. Aujourd'hui, après avoir été « travaillé » à chaud durant plusieurs jours par les bourreaux du Palais, il raconte les circonstances de sa réception en l'Ordre du Temple, et c'est toute sa jeunesse, éprise de chevauchées guerrières et de courses maritimes au grand soleil méditerranéen, qui lui monte en mémoire ... Sans doute, malgré la souffrance atroce des jambes que l'on a enduites lentement d'huile bouillante durant des heures, a-t-il nié farouchement l'homosexualité, un des premiers griefs qui lui furent allégués. Sans doute a-t-il affirmé qu'il ignorait tout de l'adoration rituelle d'un chat noir, ou d'une mystérieuse « tête », en un reliquaire d'argent ou de vermeil. Mais sur le reniement de la divinité de Jésus, il a avoué, il a même donné des détails : 19 Jésus, ou le mortel secret des Templiers « Après m'avoir reçu et imposé le manteau, on m'apporta une croix où il y avait l'image de Jésus-Christ. Le frère Amaury me dit de ne pas croire en celui-là dont l'image était peinte, car c'était un faux prophète, ce n'était pas Dieu... » Le commandeur qui imposait cette abjuration au jeune Geoffroy de Charnay, futur commandeur de Normandie, se nommait Amaury de la Roche, et il était l'ami et le favori de Saint Louis ... L'aveu de Geoffroy de Charnay confirmait celui d ’un autre chevalier du Temple. A celui-là, le commandeur qui venait de procéder à sa réception, avait déclaré, devant son recul horrifié : « Ne crains rien, mon enfant, celui-ci n'est pas le Seigneur, ce n'est pas Dieu, c'est un faux prophète... » Bien d'autres aveux semblables complètent le dossier. Dans un des plus complets ouvrages qui furent consacrés au procès, celui de M. Lavocat 1 , l'auteur résume les questions posées aux Templiers par les inquisiteurs telles que les fait apparaître le dossier lui-même : « On se trouvait en face d'un réquisitoire d'information et d'inculpation établi à toutes fins (système trop commode), dressé par des juristes versés dans la science des hérésies ayant affligé l'Eglise. Les prélats instructeurs étaient chargés de rechercher si les Templiers étaient des gnostiques et des docètes, pis encore, des manichéens 2 divisant le Christ en Christ supérieur et en Christ inférieur , terrestre, passible, inféodé, vivant et captif dans la Matière, dont il était pour eux 1'Organisation 3 Ne faisaient-ils pas partie de ces anciennes sectes dites libertines, des gnostiques carpocratiens,nicolaïstes et manichéens ? ------------------------------- 1. Cf. « Procès des Frères et de l'Ordre du Temple », d'après des pièces inédites publiées par Michelet, et des documents anciens et nouveaux, par M. Lavocat, Conseiller honoraire à la Cour d'Appel de Rouen. Paris 1888, E. Plon, Nourrit et Cie. 2. Allusion à l'hérésie cathare, ayant filtré dans le Temple. 3. Allusion aux Logia Agrapha des premiers gnostiques, faisant de Jésus une sorte d'âme universelle des choses : « Soulève la pierre, tu m'y trouveras; fends le bois, je suis dedans ... ». 20 Serment de l’ évêque-élu , au jour du sacre, avec l’al lusion au « secret », (au singulier). Extrait du « Sacre d'un Evêque selon le Pontificat Romain », avec notes et traduction. (Desclée & Cie, Imprimeurs du Saint-Siège & de la Sacrée Congrégation des Rites, Paris-Tournai-Rome, Imprimatur 1933). Jésus, ou le mortel secret des Templiers