Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) RETRO COSMOS Personne n’a jamais vraiment su à partir de quel mélange obscur était composé le nutrigel. La version officielle prône une mixture à base de tholin récolté dans le système extérieur et de dépôts gélifiés des fermes à protéines. Une explication plus fantasque suggère l’implication de jus de cafard ou de personnes âgées recyclées pour le bien commun. Façonner des aliments à partir de cette compote en tube était un art. Un art si difficile à maîtriser que la plupart des cantines stellaires proposaient directement le nutrigel et ses dérivés sous forme brute. Soit généralement, un pavé de gomme couleur émeraude au goût indéterminé et à la consistance ne pouvant se placer sur aucune charte du connu. Cela dit, les chefs cuisiniers des stations perdues de 1/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) l’autoroute spatiale s’étirant de la Terre à Saturne savaient en tirer des plats dignes de ce nom. Sushis, burgers et tartiflettes ; tout était pourtant imaginable avec le nutrigel, car façonnable à souhait. À l’aide de quelques épices et de condiments du marché noir, il était même possible de retrouver les saveurs de jadis ; quand les humains s’entassaient sur la planète bleue. C’est néanmoins avec une profonde tristesse que je me délectais souvent de ces mets si raffinés comme, ce jour-là, une pizza aux huit fromages. Car, hélas ! Mon estomac de chat ne pouvait me permettre de l’avaler dans sa totalité. « Quelle injustice ! Quelle misère ! Quelle cruauté ! » Ma dernière part à l’ananas gisait devant moi, immaculée ; à portée de patte et pourtant si loin. « Tu monologues encore tout seul dans ta tête, Lee ? » Ainsi avais-je donc laissé échapper la conclusion de ma complainte. Mais que pouvait-elle y comprendre elle ? Elle mangeait gloutonnement, en ce moment même, de quoi nourrir un équipage de supercargo. Des miettes recouvraient sa combinaison noire et elle avait de la sauce jusque dans ses cheveux blonds qui lui tombaient sur les épaules. Son estomac n’était qu’un trou de ver sans fond. Moi, pendant ce temps, j’étais vaincu par quelques faux morceaux d’ananas sur une tranche de faux pain malgré un vrai appétit. « Ma vie n’est que douleur », conclus-je en me laissant 2/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) rouler sur la table sale du diner, face à cette triste traverse. J’étais morose. La rondeur impériale de mon ventre bien trop rempli était néanmoins plus en cause que mon habituelle dépression existentielle. J’ai en effet toujours le blues quand j’ai trop mangé. Ma partenaire eut pitié de moi. Ou bien étais-je décidément trop mignon pour la laisser indifférente ? Elle se lava les mains d’un coup de lingette à l’odeur d’essence et en profita pour caresser mon gris et soyeux manteau. Après avoir gratté mon menton de poils blancs, il était temps, selon elle, de plier bagage. « Mais, Ali… Il reste deux parts ! » Elle me fusilla de ses yeux bleus. Nous voilà de nouveau à gaspiller alors qu’il y a quelques jours encore nous mourrions de faim en orbite de Phobos, l’une des lunes de Mars. Nous parcourions le système depuis des semaines à la recherche d’un ancien pirate en défilade. Selon des informations marchandées lors de notre passage à Cérès, dans la ceinture, il se trouvait près de la planète rouge. Hélas, il s’avéra que celui-ci n’y avait jamais mis les pieds. La frustration s’ajoutait désormais à l’épuisement. La patience n’était pas le fort de ma partenaire. « Ne va pas en faire tout un cirque… » Mon humaine rajusta difficilement sa ceinture velcro qu’elle 3/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) avait desserrée par précaution. Elle la laissa finalement ouverte, dévoilant, avec l’opposé de la grâce, caleçon boxer blanc et nombril à travers le pertuis de sa combinaison. Ce soir-là, le trou noir avait atteint ses limites. Il y avait enfin une justice dans ce froid univers. Sa veste en plastique rose de retour sur les épaules, Ali jeta nonchalamment quelques billets sur la table où ils restèrent collés sur une tache de sauce tomate. Puis elle prit un chewing-gum mis à disposition et nous partîmes. Le restaurant du relais à cargos était maintenant presque vide à cette heure tardive. L’horloge à aiguilles indiquait 3h00 martienne, mais cela n’était pas d’une grande d’aide, car dehors la nuit était éternelle. Nancy Sinatra chantait à travers la radio par-dessus les infopubs dispensées du poste de télévision couleur. Le refrain de Bang Bang couvrait à peine la discussion de quelques pilotes dans un box près des toilettes. Plus loin, un commercial au costume et à la cravate piano usés, qui devait séjourner au motel adjacent, essayait d’écouler ses babioles électroniques à un groupe de touristes crédules. Du personnel, il ne restait en salle qu’une serveuse au gloss orange, occupée à nettoyer l’antique machine à café. Elle nous salua d’un signe de tête, faisant rebondir ses bajoues ridées et son dentier qui maintenait fermement une cigarette roulée. Sa 4/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) peau était si blanche que cela ne m’étonnerait pas qu’elle n’ait jamais vu le véritable soleil de sa trop longue existence. Ici, sur la route vers la ceinture d’astéroïdes, ses rayons s’étaient déjà perdus dans le vide. Un peu comme nous tous. « On dirait un vampire cette pauvre femme, plaisanta Ali. — Tu es médisante. » Avec mon élégance habituelle, je m’étais positionné sur son épaule gauche, couvrant toujours ses arrières quand nous quittions un lieu public. J’avais pris cette habitude depuis notre première rencontre, des années auparavant. Mais au moment où nous atteignîmes enfin les battants de plexiglas, ceux-ci refusèrent de s’ouvrir. Nous étions enfermés. « Mince ! La serveuse a déjà verrouillé la porte avant ? Quelle heure est-il ? » Demanda Ali, confuse. C’était ridicule. Ces diners ne fermaient jamais. À travers la vitre, je jetai alors un coup d’œil à la poignée extérieure. Cette dernière avait été récemment trafiquée à l’aide de gomme acidifiée. Malheureusement, je n’eus pas le temps de répondre, car quelqu’un cria derrière nous. « Tout le monde reste à sa table bien sagement ! Ceci est un hold-up, messieurs-dames ! » Le malfaiteur se tenait debout sur le comptoir, les jambes arquées pour ne pas récolter son lot de toiles d’araignées. Ses cheveux bruns et gras, plaqués en arrière par de la laque de 5/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) mauvaise qualité, brillaient sous les plafonniers. Son blouson en faux cuir dégageait une forte odeur de transpiration perceptible à travers la pièce. Celui-ci était agrémenté de divers écussons délavés de vétérans. Il était rentré par l’autre porte donnant sur le motel ; ou bien par l’arrière-cuisine. Pendant que nous retournions à notre box, l’homme continua sa plaidoirie, ponctuée de quintes de toux. Claquant des bottes, il menaçait la serveuse d’une lame qui sortait de sa paume. Celle-ci ne devait pas en être à son premier vol à main armée, car elle ne témoignait d’aucun signe de panique. Ou bien ces derniers étaient imperceptibles sous le maquillage et les rides. Les clients, quant à eux, réagirent différemment et commencèrent à s’agiter, voire, pour les touristes, à filmer la scène avec leur caméscope récemment acquis. « Et que personne ne moufte ou je la refroidis ! Aucune hésitation ! hurla-t-il. Je suis recherché sur la totalité des lunes du système extérieur, pour vous dire à quel point il ne faut pas me provoquer ! » Les néons qui surplombaient son crâne menaçaient d’enflammer la laque et illuminaient de rouge son visage. Il avait l’air d’un fou furieux et plus personne ne bougea après ce nouvel avertissement. « C’est intéressant ça… » Murmurai-je à Ali en revenant à 6/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) notre table. Je m’étais allongé contre le porte-serviette vide. Ce dernier reposait sur le haut de la banquette poussiéreuse, juste derrière mon humaine qui avait repris sa place. « Attends. Je vérifie », me marmonna-t-elle en ayant en bouche l’une des ultimes parts désormais froides. Elle pianotait sur les touches de son terminal ; console à l'écran monochrome, incrustée dans la chair de son avant- bras gauche. Je crus d’abord que l’homme devait posséder des implants auditifs, car il tourna aussitôt la tête vers nous. Heureusement, il s’avéra qu’il cherchait juste à passer le temps pendant que la serveuse finissait de remplir d’argent liquide un large caisson de métal. « Je vois que quelqu’un ici ne perd pas d’appétit à traverser l’espace, fit-il après avoir quitté son perchoir. Quel est donc ton prénom, blondinette ? » Il avait ce ton suffisant d’importun, envenimant cette tentative d’approche aussi maladroite que démodée. Pire encore ! Il m’avait totalement ignoré. Moi, la plus mignonne frimousse du système. Étant tapi au-dessus du dossier de la banquette, ne m’avait-il pas vu ? Ou bien était-ce là un défi ? Je me devais bien entendu d’intervenir. C’était une question d’honneur féline. 7/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) « À qui pensez-vous parler ? Ne voyez-vous pas que vous importunez mon humaine de premier rang ? » À en croire ses yeux écarquillés, il n’avait visiblement jamais entendu de chat parler avec tant d’éloquence. Peut-être n’en avait-il jamais entendu parler tout court, d’ailleurs. « Je te demande pardon, petit rongeur impertinent ? Citoyen… De rang quoi ? — Rongeur ? Impertinent ? miaulai-je. Je me trouve être un Maine Coon. Je suis à un gène près de l’impitoyable puma. » Les oreilles en arrière, je fulminais. Sa lame brillait sous les plafonniers crasseux. De la pointe, il s’apprêta à nous subtiliser les restes de mon repas. « Écoute, le mutant… Je cause à la gonzesse au décolleté indécent, mais bigrement appétissant. Pas à son Teddy Ruxpin couvert de puces », poursuivit-il. Ou plutôt conclut-il. Car son mou discours de gros dur fut interrompu par un fracas et le doux parfum de la poudre. La balle avait traversé la table et l’assiette tellement vite que c’est à peine si le dernier morceau de pizza qui y reposait avait tremblé. Elle avait pénétré à travers sa pomme d’Adam puis continué jusqu’à l’exacte jonction de la colonne et de la base du crâne. Il n’y eut pas de cri ni de saut en arrière comme ce qu’on pouvait voir dans les mauvais films en VHS. Juste quelques 8/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) spasmes et un hoquet étouffé. Son corps possédait encore un soupçon de vie quand il s’effondra sur le sol, suivant la douce loi de la gravité, même artificielle. Les quelques molaires ayant pris la tangente et la balle qui par miracle, n’était pas ressortie, avaient transformé son cerveau anémique en gelée. En moins d’une seconde. Déception ; il n’y eut pas non plus de grande gerbe de sang repeignant les murs décrépis du restaurant. George Orwell disait : Vous ne possédez rien, en dehors des quelques centimètres cubes de votre crâne. C'était vrai. Du moins jusqu’à que ce que ce cornichon refroidi ne vide entièrement le contenu de sa boîte crânienne sur le carrelage turquoise en rendant son ultime souffle. « C’est malin ! » M’exclamai-je en me laissant tomber sur le sol. J’atterris à quelques centimètres d’un morceau de langue et de la mare de liquide pourpre à l’odeur ferreuse. Les regards des derniers clients qui n’en avaient pas profité pour déguerpir par les cuisines ou le motel s’étaient retournés vers notre table. Encore une fois, ma sapiens offrait un spectacle navrant de notre profession. « Il était à deux doigts de nous voler la dernière part, se défendit Ali en ramassant la douille expulsée de son Desert Eagle calibre .50 aux reflets irisés. Donc, je plaide la légitime 9/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) défense. — Mais nous nous moquons de la légitime défense ! » Lui répondis-je. Notre sixième prise de bec de la journée fut interrompue par le cuisinier. Cet homme gras au cou de taureau devait vraisemblablement dormir dans l’arrière-cuisine à en croire les marques de plis sur son visage bouffi. Il avait finalement rassemblé son maigre courage pour intervenir une fois la menace écartée. « Excusez-moi, Madame… » Commença-t-il en replaçant le cran de sûreté de sa carabine. Ma partenaire souleva son veston pour ranger son arme à feu dans le holster sous l’aisselle gauche, lui dévoilant son badge : une petite plaque en palladium de la taille d’une pièce de monnaie. « Madame la chasseuse de prime… — Nous préférons le terme d’auxiliaire de justice », répondis-je avant mon humaine en bondissant sur la table, là où les billets reposaient encore dans la sauce tomate séchée. Ali me fit taire d’une tape sur la tête. C’est la seule personne autorisée à le faire. Et par « autorisée », j’entends bien que je le cautionnais avec répercussions diplomatiques mineures. Le cuisinier put reprendre en se grattant la gorge : « Certes… Enfin… Pourriez-vous, s’il vous plaît, vous hâter de 10/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) récupérer son identifiant. Nous aimerions disposer du corps… Cela ne nous fait pas une superbe publicité. — Oui… Oui… Tout de suite », répondit Ali poliment, ses tennis blanches baignant dans le sang qui commençait à coaguler. L’identifiant, ou le FID pour « Finger IDentification », dans la langue de Sir Christopher Lee, était un petit anneau visible qui remplaçait la première phalange de l’auriculaire gauche. Un implant de plastique et de métal, ancré en vous et contenant vos informations administratives, bancaires et médicales. Non totalement infaillible, c’est cependant ce que les chasseurs de primes récupèrent pour prouver la réalisation d’un contrat. Toujours plus agréable que de se promener avec une tête dans un bac à glaçons à travers le cosmos. Du point de vue des sapiens en tout cas. Ma partenaire sectionna sommairement le doigt de notre cible, un agitateur et meurtrier recherché pour C10'000 sur Phœbé, du nom de Joey Neill. C’est donc là-bas que nous devions aller quérir notre récompense. La finalisation du contrat devait en effet se faire en main propre : pas d’envoi postal ni d’holoconférence. Nous avons su garder l’esprit Far West par-delà la ceinture. Que n’en déplaise à mon humaine. « Je t’entends déjà fulminer à l’idée de faire un tel voyage, lui fis-je remarquer alors qu’elle plaçait le FID dans une boîte métallique spécifique. Regrettes-tu d’être intervenue ? 11/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) — C’est tellement loin ! Pourquoi le système extérieur ne fonctionne-t-il pas simplement comme les planètes médianes ou intérieures ? Je déteste les road trips ! — Tu parles d’une chasseuse de prime ! Je pense qu’il est de toute façon temps de retourner là-bas, dis-je en grimpant sur son épaule alors que nous quittions la salle. Au fait, as-tu remis un gracieux pourboire pour la mare d’hémoglobine que nous avons laissé ? Et le trou dans la table ? — Je ne savais pas qu’il fallait tip avant la ceinture. C’est tellement dépassé comme système. » D’un coup de pied, elle fit sauter de ses gonds la porte que la gomme corrosive maintenait fermée. La violence du coup renversa le cendrier et son contenu sur le trottoir d’asphalte. « Tu plaisantes ? La maudis-je. Encore un établissement où je ne pourrai plus revenir ! » Par miracle, les battants retournèrent se claquer contre le montant tordu, mais la vitre en plexiglas se scinda en deux. « Cela tombe plutôt bien. Je commence à en avoir marre des pizzas. — Mais que dit cette humaine ? » Miaulai-je sur le coup. Je posai l’une de mes pattes sur sa tempe. Mon coussinet ne détecta pas de fièvre. Elle était des plus sérieuse. « Tu changeras d’avis dans moins de vingt-quatre heures, comme d’habitude », préméditai-je à raison. 12/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) Dehors, comme le témoignaient les LED vertes au sol, le parking des arrêts courts était presque vide. Mais il n’allait pas tarder à se remplir. Déjà, de l’autre côté du globe d’atmosphère artificielle, se dessinait une dizaine de points lumineux mauves et bleu. Ces derniers clignotaient dans la nuit infinie. C’était certainement un convoi de supercargos en route, comme nous, pour Cérès. Ils allaient s’arrêter ici pour quelques heures ou jours de repos. Les voyages à travers l’espace n'étaient pas longs en soit mais consommaient beaucoup d’énergie que ce soit pour les hommes ou les vaisseaux. Le manque de soleil et le confinement pouvaient venir à bout du plus robuste des esprits. Ali et moi-même avions trouvé notre parade : les fast food et les Betamax. Et nous n’étions pas les seuls. Les chaînes comme PizzaDroïde ou Blockbuster constellaient les autoroutes invisibles et attiraient la faune locale ou en transit ; tout comme les criminels. Les grandes distances avaient engendré un nouvel essor de l’âge de la contrebande et de la piraterie. « Le plein de liquide de refroidissement est-il fait ? » Demanda Ali au jeune garçon aux cheveux roux qui somnolait à côté du hangar principal. Somnolant contre l’une des immenses pompes thermiques, il 13/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) ouvrit finalement les yeux et enleva le casque de son walkman. « Hein ? Oui ! Pleine charge de Bleu, balbutia-t-il en nous voyant nous approcher. Sacrée pièce de musée que vous avez là ! » Sous ses boutons d’acné, sa peau tournait au rouge vif. Encore un que ma sapiens faisait chavirer. C’était la même chose partout où elle allait. Sa combinaison noire ne laissait ses courbes à aucune marge d’imagination. La gravité artificielle faisait délicatement flotter ses cheveux d’or ainsi que sa veste aussi légère que la soie, lui donnant un air féerique ou du moins, une présence surnaturelle. Et un tel sourire en faisait tourner plus d’un. Du rouge cramoisi, ces prétendants passaient cependant généralement au blanc des plus blêmes quand elle soulevait son haut pour dévoiler son badge et le holster de son bien trop volumineux calibre afin d’attraper son portefeuille. « Vous… Vous êtes un auxiliaire de justice ? bégaya-t-il en ordonnant à un robot d’ouvrir la porte du hangar. — Tout juste, répondit mon humaine qui comme moi, nota ici la bonne utilisation du terme. — Incroyable ! Vous devez traquer les pires criminels pour être en mesure de vous payer une carcasse pareille ! » Il actionna les projecteurs et l’intérieur du hangar s’illumina d’une lumière bleue blafarde. Au centre se tenait le Kitty, 14/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) merveille à la confluence du design et de la technologie. Un chasseur militaire Swallow-II « Hirondelle » des anciennes Nations Unies, reconverti en frégate solitaire. Douze tonnes d’alliages et de céramique à la peinture corail écaillée, héritage d’un triomphant passé. Une carlingue terrienne à la forme de l'oiseau éponyme entourant un véritable moteur post-nucléaire Baltimore-IV dernière génération d’il y a seize générations. Niveau armement, pas de rayons laser certes, ni de jouets électroniques, mais de bonnes mitrailleuses de 40 mm à l’avant et une tourelle de 200 sous le ventre. Rouillées, mais efficaces. La classe rétro comme l’humain n’en faisait plus. Enfin, je vous passe les détails sur l’ordinateur de contrôle et la puissance de son processeur 16bits de 50 MHz. Impressionné ? Arrêtez ! Vous me faites rougir. « Et ça se laisse magner ? plaisanta le jeune garçon qui, comme vous pouvez désormais vous en rendre compte, abusait de sarcasmes malvenus face à cette splendeur du temps jadis. — Ce bougre de boutonneux à face d’astéroïde se moquait donc du vaisseau ! Marmonnai-je entre mes babines. — Je ne sais pas. Je ne pilote pas, répondit Ali. — C’est moi le pilote ! Espèce de… » Fulminai-je avant que cette dernière ne me stoppe en me prenant dans ses bras. Ce vaurien fut sauvé, car je m’apprêtais faire de lui du pâté 15/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) en boîte. Tant pis pour lui. Il ne saura jamais comment un chat pouvait piloter un chasseur lourd. Ce pompiste restera ignorant jusqu’à la fin de sa pathétique existence raccourcie par les radiations de réacteurs nucléaires. Mais le grattage de menton fut promptement interrompu par un message qui s’afficha sur le terminal de ma partenaire. Ce dernier venait de se synchroniser avec l’ordinateur du vaisseau. « Nouveau contrat ? demandai-je. Enfin ! » Ma sapiens ouvrit le corps de l’annonce d’un geste de la main et fronça des sourcils. « C’est une capture dans la ceinture. C’est sur notre chemin, mais… pas d’homicide autorisé. » Je laissai échapper un gémissement de déception. « Cap sur Cérès et la ceinture dès demain, conclus-je. Nous verrons en chemin pour d’autres contrats et s’il est possible de glaner de meilleures informations sur ce misérable pirate d’Oswald Avery. » Ali avait déjà jeté l’annonce dans la corbeille virtuelle et nous montâmes à bord du Kitty. La clé cryptée dans le contact, je fis mugir les pompes à refroidissement. Le réacteur enclencha son cycle puis le tableau de bord s’alluma en même temps que la radio. L’accent martien de Desireless fit vibrer les enceintes 16/17 Quentin RAFFOUX KITTY | KITTY (Version découverte) acoustiques au son de Voyage Voyage. Les coussinets sur les commandes, nous décollâmes vers le ciel étoilé. Back to business ! RETROUVEZ LE VOLUME 1 INCLUANT RETRO COSMOS ET 7 AUTRES HISTOIRES COURTES SUR AMAZON.FR VOLUME 2 : LE BAL DES ROBOTS, DISPONIBLE LE 1er JUILLET 2020 ! 17/17
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