Appl Microbiol Biotechnol (2020) 83:233–239 BIOTECHNOLOGIE ET PRODUCTION DE MOLÉCULES D'INTÉRÊT Évaluation de l’activité biocide chez Rhizopus microsporus à travers sa production d’exométabolites et criblage de ses enzymes d’intérêts Garcia Quentin & Antoine Andjel Reçu: 23 March 2020 / Revu: 13 April 2020 / Accepté: 15 April 2020 Résumé Dans cette étude, nous avons identifié et étudié la souche Rhizopus microsporus afin de voir si il demeurait des activités biocides sur les souches Escherichia coli , Staphylococcus aureus, Candida albicans et Cryptococcus neoformans. Dans un second temps, on a cherché à cribler les activités enzymatiques (amylase, lipase, laccase et protéase). Malheureusement, nous n’avons pu relever d’activité bactericide ou fongicide pour notre souche. Néanmoins, des activités enzymatiques du type amylase, lipase et protéase ont pu être mis en évidence. Cette étude laisse envisager une possible utilisation de cette souche dans le milieu médical et agroalimentaire. Mots-clés Rhizopus microsporus • Lyase • Mucorales • natural products • antifungal • antibacterial 1. Introduction Le monde fongique est un monde vaste, composé de nombreux taxons extrêmement diversifié possédant une grande diversité d’espèces. Chacune d’entre elles possède des propriétés, des activités et des caractéristiques qui lui sont propres. De ce fait, chaque souche sera susceptible de présenter un intérêt bien spécifique lors de son utilisation dans les domaines pharmaceutique, environnemental et industriel. Dans le but d’accroître et diversifier l’utilisation de sources fongiques dans la production de molécules d’intérêt, des études sont réalisées sur un grand nombre d’espèces afin de comprendre le fonctionnement et les caractéristiques spécifiques de chacune d’entre elles. Nous avons décidé de nous concentrer sur le champignon Rhizopus microsporus , appartenant à la division des zygomycètes. Les zygomycètes sont proches des champignons supérieurs (ascomycètes), mais ils ne développent pas d'asques, mais de grosses spores à parois épaisses : les zygospores.On distingue trois classes de zygomycètes. R. microsporus appartient plus particulièrement à la famille des mucorales. Il s’agit d’un champignon phytopathogène qui infecte le maïs, le tournesol et le riz. Il peut également provoquer une infection nosocomiale et une nécrose de la zone infectée, particulièrement fréquente chez les prématurés. Ce champignon contient l'endosymbiote bactérien Burkholderia rhizoxinica qui produit la rhizoxine, un médicament antitumoral. On peut donc se questionner sur sa capacité à produire des métabolites d’intérêts ayant des activités antibiotique, antifongique ou encore même antiviral. Dans la littérature, très peu d’articles étudient les potentielles activités antibactériennes ou antifongiques de R. Microsporus. Certains scientifiques se sont penchés sur sa capacité à produire une amylase (Vijayaraghavan. P et al . 2005), d’autres sur la production de protéase (Sarao L. K et al 2010), sur la production de lipase (Masumeh A. 2015) ou même sur une activité antifongique ciblée via des chitinases produites par le champignon (Nam N. V. et al. 2007). Néanmoins, nous allons cribler les exométabolites produits par notre champignon afin de déterminer s’il demeure une activité antibiotique gram négatif ( E. coli ) et/ou gram positif ( S. aureus ), une activité fongicide sur ascomycète ( C. albicans ) et/ou basidiomycète ( Cr. neoformans ). U n e r e c h e r c h e s u r l e c i b l a g e d e s e n z y m e s extracellulaires sera aussi réalisée pour observer les potentielles activités amylases, laccases, lipases et protéases de notre souche. 2. Matériels et méthodes 2.1 Présentation de la souche Nous avons décidé de travailler sur la souche R. microsporus var. rhizopodiformis qui a pu être isolé puis identifié à partir des sols. 2.2 Mise en culture de la souche L’organisme a été maintenu à 45°C sur des tranches d'aliments solides à base de farine d'avoine à 4 %. Après avoir obtenu environ 3.10 5 spores/ml de cultures en 15 jours, on les a inoculés dans des flacons Erlenmeyer de 125 ml contenant 80 ml de milieu liquide Carvalho Peixoto (CP) : 0,8 % d'extrait de levure (p/v), 0,3 % de KH2PO4 (p/v) et 0,05 % de Mg2SO4Æ7H2O (p/v), 1,5 % d'amidon (p/v) ou une autre source de carbone, pH 6,0. Les cultures ont été incubées à 45°C, dans un agitateur rotatif à 100 tr/min pendant 72 h. 2.3 Récupération du milieu de culture Après une semaine, le contenu de l’erlenmeyer a été filtré à l’aide d’une gaze afin de séparer le mycélium et de récupérer seulement les 80 mL de milieu de culture dans un nouvel erlenmeyer. Ces 80 mL de milieu de culture obtenus ont été divisés dans deux tubes Falcon ; 40 mL servira à la recherche de l’activité biocide et 40 mL au criblage de l’activité enzymatique. 2.4 Recherche d’une activité biocide Les métabolites totaux contenus dans les 40 mL de milieu de culture précédemment récupérés sont extraits par extraction liquide-liquide. Le milieu de culture est placé dans une ampoule à décanter dans laquelle on effectue deux lavages successifs avec 40 mL d’acétate d’éthyle. On récupère la phase organique où se trouvent les métabolites. La totalité de la phase organique est déposée dans un ballon ensuite placé dans l’évaporateur rotatif. Après le séchage, les métabolites sont resolubilisés dans 2 mL d’acétate d’éthyle puis placés dans un tube à hémolyse. Les métabolites contenus dans ce tube sont ensuite déposés sur quatre disques antibiotiques. Chaque disque est imbibé de 50 μL de métabolites avant d’être séché. Cette étape est réalisée quatre fois afin de concentrer les métabolites dans le disque. Quatre cultures ont été réalisées : une culture d’ E. coli sur gélose LB incubée 24h à 37°C et une culture de S. aureus sur gélose Chapman incubée 24h à 37°C pour évaluer l’activité antibactérienne. Puis une culture de C. albicans incubée 48h à 26°C et une culture Cr. neoformans incubée 48h à 26°C pour évaluer l’activité fongicide. Le développement de ces cultures en présence des disques antibiotiques puis, la mesure de la zone d’inhibition de croissance permet l’analyse de l’activité biocide de notre champignon sur ces 4 espèces. La mesure (en mm) est réalisée 3 fois, une moyenne sera faite entre ces trois mesures, pour chaque disque antibiotique. Une moyenne de la taille de la zone d’inhibition sera donc obtenue pour chacune des 3 espèces. 2.5 Recherche d’une activité enzymatique Les activités enzymatiques (amylase, lipase, laccase et protéases) vont être étudiées à partir de 40 mL de nos milieux de culture restants qui seront utilisés sans extraction du solvant. Afin de déterminer l’activité amylase, d eux tubes à essai sont préparés, le premier sert de témoin et contient 2mL d’amidon à 1 %, 2,5 mL de solution tampon (composée de 2,5 mL de solution de Na2HPO4 à 11,88 g/L et de 97,5 mL de solution de KH2PO4 à 9,08 g/L) et de 0,5 mL d’eau distillée. Le second tube contient 2mL d’amidon à 1 %, 2,5 ml de solution tampon et 0,5 mL de milieu de culture des champignons. Après avoir laissé les tubes 15 min dans une étuve, 1mL de réactif iodé-acide est ajouté. S’il n’y a pas d’activité amylase, comme dans le tube témoin, la solution va être colorée en bleu foncé, en revanche, plus il y a d’amylase et donc d’amidon dégradé, plus le contenu du tube sera clair et moins bleuté. Concernant le criblage de l’activité protéase, nous allons utiliser trois tubes à essai. Le premier contient 1 mL de solution de caséine et 1 mL de solution tampon, il sera notre témoin négatif. Le second 1ml de solution de caséine et 1 mL de notre milieu de culture. Le dernier tube à essai contient 1 mL de solution de caséine et 1 mL de solution contenant une protéase à différentes concentrations dans chaque tube, ils seront donc notre gamme étalon. Chaque tubes à essai vont être incubé à 60° durant 10 min, la réaction sera ensuite arrêtée à l’aide de TCA (Acide trichloracétique). On centrifugera ensuite à 5000 tr /min pour séparer les précipités qui correspondent aux protéines dégradées, des protéines entières présentent dans le surnageant. Ainsi pour doser ses protéines nous utiliserons la méthode de Lowry (Lowry et al, 1951). Nous n’aurons plus qu’à comparer la densité optique à 750 nm de notre second tube avec nos témoins ce qui nous permettra de déterminer s’il y a une activité protéolytique du milieu de culture et donc savoir s’il y a bien présence de protéases. Au niveau du criblage de l’activité lipase, nous allons utiliser un principe presque similaire au criblage de l’activité protéique. Ainsi nous utiliserons le même nombre de tubes mais nous remplacerons le 1 mL de solution de caséine par 1 mL de solution contenant du palmitate de 4-nitrophényle. Ce palmitate de 4-nitrophényle sera donc présent dans chaque tube et s’il y a activité enzymatique, la molécule sera hydrolysée et donnera un produit de couleur jaune, le 4-nitrophénol, mesurable par spectrophotométrie à 410 nm. Le premier tube contiendra en plus de cela 1 mL de solution tampon, il sera notre témoin négatif. Le second, 1 mL de notre milieu de culture, et le dernier contiendra 1 mL de solution contenant une lipase, il sera donc notre témoin positif. Nous allons alors comparer la densité optique à 410 nm notre tube contenant le milieu de culture avec nos témoins ce qui nous permettra de savoir s’il y a bien présence de lipase. Pour détecter l’activité laccase, nous réaliserons un Botrytest à l’aide d’un kit industriel. On va introduire dans la seringue au moyen d’une pipette de 5 mL notre milieu de culture à tester. On va ensuite poser la seringue sur un tube Novotest et laisser percoler jusqu’à ce que la résine contenue dans la seringue soit mouillée jusqu’à la base pendant 10 minutes. On introduira ensuite le piston dans la seringue et on appuiera sur le piston dans la seringue légèrement et lentement. On récoltera le premier millilitre (jusqu’à la première marque) dans le tube. On ajoutera 1.4 mL de tampon fournis dans le kit (jusqu’à la deuxième marque) puis 0.6 mL de réactif « Botrytest laccase » (jusqu’à la troisième marque). On mélangera le tout en agitant le tube. Après trois minutes de repos, on pourra déterminer l’activité laccase en comparant la couleur développée avec celle de l’échelle colorimétrique associée au kit utilisé. 3. Résultats 3.1 Activité biocide Concernant les activités biocides, les résultats des antibiogrammes montrent une absence d’activité dirigée contre les bactéries et champignons testés dans notre étude. 3.2 Activité enzymatique Concernant les activités enzymatiques, on note la présence d’activités amylase, lipase et protéase mais pas d’activité laccase notable pour notre souche. Discussion Au vu des résultats obtenus, on peut conclure sur le fait que notre souche R. microsporus var. rhizopodiformis , seule, n’aura pas forcément d’application quant à ces effets biocides (par rapport à une activité antibiotique ou antifongique) mais pourra être utile d’autres domaines (industriel, médical, etc...). Néanmoins, on sait grâce aux travaux de Claudia R. et al (2014) que Burkholderia gladioli en coculture avec Rhizopus microsporus permettrait la biosynthèse de polycétides antifongiques et antibactériens. En plus de la production de la rhizoxine, médicament antitumoral. La production d’amylase pourrait être utilisée en industrie agroalimentaire (rendre les liquides fermentés plus clairs, éliminer et transformer l’amidon, ou accélérer la levée de la pâte à pain, etc...). Pour cela, il faudrait quantifier l’activité et probablement l’optimiser pour son utilisation industrielle. En effet, on s’attendait à ces résultats car l’étude de Vijayaraghavan. P et al . (2005) évoquait déjà que R. microsporus var. rhizopodiformis pourrait être considéré comme un producteur efficace d’amylases, utilisant des résidus bruts de faible coût comme substrats. Cette découverte est très importante compte tenu de l'importance des amylases pour l'hydrolyse industrielle. La production de lipase aurait aussi un intérêt potentiel, en effet les lipases forment une classe d’enzymes hétérogènes de par leur origine, qu’elles soient animales, végétales ou microbiennes, ce qui augmente encore leurs potentialités. Toutes ces propriétés ont conduit au développement de nombreuses applications aussi bien au point de vue industriel, notamment dans l’industrie agro- alimentaire et dans l’industrie chimique, qu’en médecine humaine. Références Simone C. Peixoto Æ Joa ̃ o A. Jorge (2003) Rhizopus microsporus var. rhizopodiformis : a thermotolerant fungus with potential for production of thermostable amylases Claudia R. Viktoria O. (2014) Biosynthesis of anti fungal and antibacterial polypeptides by Burkholderia gladioli in Coculture with Rhizopus microsporus Jennifer. J Kristian Fog N. (2005) Secondary Metabolite and Mycotoxin Production by the Rhizopusmicrosporus Group Somayeh D. Grit W. (2013) Diversity and delimitation of Rhizopus microsporus Vijayaraghavan. P Remya C.S. (2011) Production of alpha- amylase by Rhizopus microsporus using Agricultural By- Products in Solid State Fermentation Nam N. V. K. Kim Y. J. (2007) Antifungal Activity of Chitinases from Trichoderma aureoviride DY-59 and Rhizopus microsporus VS-9 Sarao L. K. Arora M. (2010) Production Of Protease By Submerged Fermentation Using Rhizopus Microsporus Var Oligospous Masumeh A. (2015) Extraction of lipase from Rhizopus microsporus fermentation culture by aqueous two-phase partitioning T. Duriez-Vaucelle,J. Fargues,P. H. Robert & R. Popeye Etude enzymatique comparée de champignons entomopathogènes des gens Beauveria et Metarhizium