declIC & des claques R E C U E I L D E P O E S I E P A R S A M I A M A N E L Les mots sont comme un bout de fil sur lequel on tire pour dénouer la boule d’émotions entremêlées qui grandit en nous à chaque rencontre, chaque déception, chaque expérience que nous vivons. Je me suis aperçue, au fur et à mesure de tirer dessus, que ce fil était également attaché à autrui, et donc, à toi. Plus je me comprends, et plus je te comprends. Je t’offre alors mes mots pour que l’on se comprenne ensemble. On passe une grande partie de notre temps à essayer de contrôler nos émotions, à les trier, les emballer, les recycler, mais surtout, à s’empresser de jeter à la poubelle celles qu’on juge négatives, celles qu’on fuit à en devenir esclave de notre propre peur. Le fil s’enroule alors autour de nous, nous voilà les pieds et poings liés. J’ai bâti un empire en papier, des châteaux de cartes et des tours en carton. Il a suffi de quelques larmes pour humecter les fondements, affaiblir les piliers et faire tomber les murs un par un. Moi, en revanche, j’étais encore debout. Après m’être tenue une énième fois devant les ruines de ma vie, j’ai compris qu’aucune émotion n’était à fuir, et qu’elles ne devenaient négatives que lorsqu’on ne les comprenait pas. C’est ce que ce je veux t’apporter à travers ce livre. Une occasion d’ouvrir les portes que tu as cadenacées pour ne pas avoir à faire face à tes émotions les plus profondes, les plus douloureuses, mais surtout, les plus légitimes, et t’accompagner dans leur libération. Introduction : CHAPITRE I Sois. Dès la naissance, on nous met dans une boite. Une boite à la taille standard, aux couleurs prédéfinies et surtout, sans possibilité de modification. Il est totalement prohibé d’y apporter sa touche personnelle, après tout, toute la communauté y a mis son grain de sel, tout le monde a son mot à dire et puis, c’est malvenu de refuser un cadeau, c’est connu. Au début, la boite ne te gêne pas, c’est même tout le contraire; C’est un cocon douillet où tu grandis paisiblement, un repère qui vient nourrir ton besoin d’appartenance et qui te permet de te sentir à ta place, obéissant(e), légitime. Et puis vient le jour où tu commences à grandir, et là, les parois se resserrent, la boite commence à devenir trop étroite pour toi, en plus, la déco n’est pas vraiment à ton gout. Alors tu commences à apporter un peu de changement, tu y accroches des rêves ici et là, des ambitions, des projets... et hop ! Du jour au lendemain, le cocon se transforme en prison. Tu suffoques, ne t’épanouis plus, et finis par exploser la boite. Ca ne sera pas par choix, ni par rébellion, mais simplement parce que l’ordre naturelle des choses veut que l’individu existe , que la société le veuille, ou pas. Car ton identité n’a jamais été innée, rigide ou inchangeable, c’est quelque-chose qui se construit jour après jour, qui se cherche, qui se raisonne, qui se choisit, qui peut se réinventer à tout moment, et évoluer selon ta propre conception du monde. Mais la communauté n’a pas l’habitude de voir des gens sortir de cette boite, ils le vivent comme une insulte, un rejet. Pour eux, seuls les traitres choisissent de cultiver leur individualité, ils te prendront pour un(e) clochard(e) qui mendie une identité qui n’est pas la sienne, ils t’obligeront à choisir entre ta liberté d’être, et ta place parmi eux. C’est comme si cette dernière ne se méritait qu’en payant le prix fort de te dépouiller de tout ce qui fait de toi ce que tu es, et d’en faire offrande à la société. Mais en réalité, la société n’est qu’un amas d’individus distincts qui semble homogène vue d’en haut. Mème si des choses se passent à l’intérieur de chacun, des choses se passent. Alors dans cette homogénéité, choisis ta difference, choisis tes irrégularités, choisis-toi. Tu verras. Tu verras ta personne se faire et se défaire un bon millier de fois. Tu verras ton âme se tordre, ce beau désordre, en qui on perdra foi. On criera à la guerre, tu perds, en gagnant des bouts de toi. Tu auras le luxe d'être humain, et puis tant pis si l'on te déçoit. Tu peineras à déployer ces ailes en papier que tu bricoles. Tu peineras à te détacher des maux qui te maintiennent au sol. On te jettera des pierres, te ramènera sur terre lorsqu’enfin, tu décolles. Mais ça n'est que sans ce qui te pèse que tu prendras ton envol. Tu affronteras ceux qui prétendront être les architectes de ton être. Tu affronteras les regards de ceux qui te jugeront au millimètre. On te voudra enchaîné(e), pour une pauvre histoire de paraître. Mais dis-moi, qui peut t'empêcher d'être ton propre maître ? Assez. Elle a le regard vitreux la peau sèche et les yeux cernés. Cernés malgré les mots qui pèsent sur elle tu n'as su la cerner. Prosternée, elle s'est prosternée sous le poids de tes désirs. Consternée, car tu sais, elle se perd souvent pour ton plai- sir. Vois-tu, elle dessine sa vie comme un peintre sur sa toile. Elle ne veut pas la lune, non, elle veut briller parmi les étoiles. Elle est passionnée, humaine, elle a des rêves plein la tête. Crois-tu vraiment qu'elle a le temps ni même l'envie d'être parfaite? Elle sait se relever, et tant pis si elle tombe ! Tant pis si tu ne vois pas la force au lieu des balafres sur ses jambes. Je l'ai vu courir dans tous les sens et se cogner à des murs. Je l'ai vu grandir maladroitement, sans armes ni armures. Je l'ai vu chercher des refuges, ici et là et sans raison. J'ai vu sa silhouette s'effacer à travers les couleurs de l'horizon. Je l'ai vu payer parfois de son sang l'acceptation d'autrui. Je l'ai vu ramper derrière un idéal qui l'a finalement détruit. Je l'ai vu, se dévêtir de ce qui fait la beauté de son être. Pour les yeux d'un inconnu qui ne voit pas plus loin que le paraître. Je l'ai vu mutiler cette personne qu'on lui a appris à haïr. Graver les tombes à l'encre de vie des rêves qu’elle a dû trahir. Je l'ai vu s'empoisonner sans relâche avec ces peurs qu'elle sème. Je l'ai vu chercher cet amour qu'elle aurait dû se donner à elle-même. Légitime. Sache, avant que tu te perdes dans les abymes. Qu'il y a des pensées que ton cœur abrite et bien des émotions anonymes. Petite tendance à tout cacher, de ce qui t'anime, à ce qui t'abime. Combien de silences faut-il encore pour que tu te juges enfin légitime ? Il est des sourires que tu ne penses pas, des douleurs que tu freines. Des visages que tu portes, et des rires schizophrènes. Regarde ! Regarde comme de tes mains tu t'enchaines. On connait tous tes éclats de rire mais, qui diable connait tes peines ? Aime toi. Car on ne peut servir d'une assiette vide. Même l'amour devient invivable lorsque le cœur est trop aride. Kintsukuroi. Il y a un art japonais où l'on répare les porcelaines brisées avec de l'or. Les cassures se transforment alors en de magnifiques fissures dorées qui les rendent encore plus jolies qu'avant. C'est un art qui croit que les choses ne perdent pas de leurs valeurs parce qu’elles ont été cassées, mais qu’en prenant le temps de les réparer, de les soigner, elles deviennent au contraire, encore plus belles et plus précieuses qu’elles ne l’étaient auparavant. Et si on portait le même regard sur nous-mêmes ? Et si nos cicatrices étaient la preuve que nous avions survécu à quelque-chose de douloureux, et si on les portait comme un badge ? Je te mentirais si je disais que tu pouvais éviter la douleur. Cette sensation d'être en chute libre à partir de la seconde où la vie te foudroie. La vie, le temps, enfin, on ne sait jamais d'où ça vient. Si je te disais que tu n'allais pas un jour te retrouver par terre à essayer de ramasser les millions de morceaux de toi qui ont éclaté en entrant en collision avec le sol parce qu'en plein vol, la réalité les a rattrapés. Je te mentirais si je te disais que les gens te traiteront avec autant de respect que toi, qu'ils t'aimeront aussi fort qu'ils le diront, que ta bonté apaisera leurs ardeurs et adoucira leurs griffes. Je te mentirais si je te disais qu'on n'utilisera jamais ça contre toi et que tu ne te feras plus jamais prendre. D'ailleurs, on voit bien que ça t'est déjà arrivé. Je les vois, tes cicatrices. Mais je te mentirais si je te disais que cela n'avait pas fait de toi quelqu'un de plus beau, et que ça n'en valait pas la peine. Sois comme cette porcelaine. Le défi de la vie, c'est d'apprendre à recoller tes morceaux avec ce qu'il y a de plus beau, et d'en devenir meilleur, à chaque fois qu'elle te brisera. Répare-toi avec de l’or. Derniers vers. De l'encre sur sa peau, des larmes teintées de noir. Elle baisse son drapeau, en attendant l'espoir. Elle se tient debout inerte et fait face à la foule. Elle évalue les pertes en sortant de son moule. Ce monde est trop avare, elle ne sait plus donner. Ne veut plus des « au revoir », des coups à pardonner. Sa peur la freine tant quand elle veut lever l'ancre. Noie sa peine dans le temps et le confort du cancre. La vie n'a plus de sens, alors elle la façonne. Ne veut plus de complaisance, et n'attend plus personne. J'écrirais sa douleur, des strophes pour sa colère. Qu'elle s'enivre des mots et boive ces derniers A toi, ma sœur. Parties du mauvais pied. A présent je ne peux me taire. Les tabous nous ont estropiées. A trop avoir les genoux à terre. Vois-tu, dans cette jungle qu'est le monde, on nous dépouille de la raison. Pour faire place à la haine de l'autre, et au vice de la comparaison. Comme une infection, un virus que l'on nous injecte dès l'enfance. De troubles de l’égo, de valeurs abjectes, et de culte de l'apparence. Je l'ai vu, quand les langues se délient entre deux tasses de thé. Ce mélange de fausses droitures et de concours de chasteté. Cette tendance à faire du mariage une union que l'on profane A parler d'argent, de prestiges, de bijoux, et de membrane. Cette obsession des autres, et l'angoisse du qu'en-dira-t-on. Cette énergie que l’on gaspille pendant cette course contre le temps. On nous a présentées comme des rivales mais je la dégueule moi, cette haine. Cette haine, si aveuglante que je n'avais même pas vu nos chaines. Je n'avais pas vu qu'elles arrangeaient ceux qui veulent qu'on se dévore. Je n'avais pas vu ces industries qui couleraient si un jour, on aimait nos corps. Je n'avais pas vu, je t'assure, et si seulement j'avais su J'aurais cessé de perdre mon temps et de l'offrir à ces sangsues. Et puis j'ai vu ceux qui portent faussement notre drapeau pour créer de faux débats. J'ai même vu nos propres sœurs tenter de nous tirer vers le bas. Mais tu sais, je t'ai vu toi, aussi, sans strasses ni artifices. J’ai vu ta lumière, ta différence, ta pierre à l’édifice. On peut encore se retrouver, changeons de devise. Oublions ce qu’on croit savoir et refusons qu'on nous divise. Lis. Le temps défile, un léger malaise, c'est bizarre. Tu es assis(e) sur cette chaise, tu ne sais plus trop ce que tu t'apprêtes à voir. Un livre ouvert, des mots aléatoires. Des pages qui défilent, et puis des rêves illusoires. Tu ne contrôles rien de ce que tu écris et pourtant, c'est bien ta main sur cette plume. Ferme les yeux, respire, comme pour avancer malgré la brume. Il y a des pages qui s'écrivent vite, d'autres qui se dessinent. Certaines sont mal écrites mais elles sont toutes à l'encre de Chine. Je sais, ce livre est terrifiant, il est bourré de mystère et de signes. Mais tu verras, sa beauté est une métaphore qui ne se lit qu'entre les lignes. Comme c'est difficile d'être seul, vulnérable sans refuge. As-tu tourné assez de pages pour pouvoir être ton propre juge ? Cours Vous avez déjà fait ce rêve où quelqu'un cherche à vous nuire, que vous essayez de courir mais vos jambes ne bougent pas ? Dans la vie, c'est parfois la même chose ; Il y a parfois ce moment où vous avez l'impression que le monde va trop vite et que vous êtes les seuls à tourner au ralenti, comme un dérèglement, un bug dans la matrice. Vous voyez la foule qui avance autour de vous et vous bousculer au passage, vous sentez le vent qui semble souffler plus fort dans votre direction. Vous tombez, votre corps ne coopère pas, des silhouettes familières qui s'arrêtent sur leurs chemins et essayent en vain de vous aider à vous relever. Certaines essayent deux minutes et vous oublient toute une vie, d'autres restent et essayent au moins de vous dépoussiérer le visage. Tout le monde semble avoir trouvé le truc, l'astuce, la clé pour garder le rythme face à cette chose que vous ne comprenez pas et qu'on appelle "la vie". "Je dois être un échec, un(e) raté(e), pour être seul(e) à continuer à me heurter contre le sol pendant que les autres sont déjà arrivés à destination." Vous regardes derrière vous et, c'est comme dans le rêve ; il y a quelqu'un derrière vous qui semble ne remarquer que vous et qui cherche à vous attraper, vos jambes restent inertes et vous êtes paralysés par la peur. Qui est cette per- sonne ? Qu’attend-elle de moi ? Que se passera-t-il si elle m'attrapait ? Regardez-la bien la prochaine fois, regarde son visage, vous comprendrez. Vous comprendrez que cette personne n'est pas à fuir, qu'il vaudrait mieux l'avoir comme alliée que comme ennemi, et vous comprendrez surtout, que vous vous fuyez vous-mêmes. CHAPITRE II Comprends. Oui, à un moment donné, l’humain a décidé qu’il était suffisamment intelligent pour être le garant absolu de la morale et des bonnes mœurs ! Et quand je dis l’humain, attention, je ne parle pas de l’humain qui innove, de l’humain qui crée des choses, de l’humain qui guérit, non ! Je parle plutôt de l’humain qui orne les rues de ses regards accusateurs et qui, entre deux crachats, se permet de juger la première femme qui passe pour le moindre bout de peau, la moindre courbe qui a le malheur d’entrer dans son champ de vision. C’est bien la raison pour laquelle je me suis toujours méfiée des certitudes, elles sont rigides, dangereuses, et arrogantes. Le doute, lui, est flexible, il laisse place au questionnement, à l’humilité, et surtout, à la vérité, à toutes les vérités. En tout cas, les codes sociaux, aussi bénéfiques soient-t-ils, sont outrageusement infestés de certitudes, et ça passe par des idées reçues, des expressions ou même de simples mots qui paralysent la réflexion et ferment les débats. Conte de Faits. Il était une fois, un soupire, un frisson auquel on songe. Des vérités que l’on maquille, un espoir nourrit de mensonges. L’oreille très attentive, les petites filles se laissent bercer. Par un nuage de fausses promesses que la vie finit par percer. Toujours la même histoire, ce prince avec lequel on nous bassine. Cet apollon qui à travers sa mèche transperce ta rétine. Il doit être fort ! Beau ! Et toujours payer l’addition ! Sans une belle gueule et un gros portefeuille, c’est connu, il n’y a pas de friction. Le poids de nos attentes irréalistes qui pèsent sur leurs épaules. Ne se ressentirait peut-être que si on inversait les rôles. Que la valeur des princes soit mise ailleurs que dans leurs muscles ou dans leurs poches. Et que les princesses se lèvent un peu plus tôt, sans at- tendre qu’on les galoche. Que les princes puissent être sensibles, sans que cela fasse d’eux des sous-hommes. Que les princesses arrêtent enfin de mordre dans la mauvaise pomme ! Les princesses sont considérées comme des objets, à qui la faute ? Quand pour épouser la femme qu’on aime on leur parle encore de dot ... Qu’on arrête de critiquer les princes car beaucoup veulent bien être nos égaux. Mais hélas, il n’y a pas de plus méchantes sorcières, que notre propre égo. Hchouma. Ce terme qui ne veut rien dire mais qui englobe tout. Ce terme que l'on brandit comme une fierté, comme un atout. Ce terme abject qu'on fait porter à ceux qui existent. Qui bloque l'intellect et n'est que le premier d'une longue liste. Ce terme sous qui on cache la honte d'une nation. Ce terme qui crache sur la morale mais qu'on évoque avec passion. Ce terme à deux syllabes qui scellent les lèvres des victimes. Ce terme qui en un ton rend tous les maux illégitimes. Ce terme qui prétend seul savoir ce qu'est l'honneur. Ce terme qui écrase et qui étouffe les cris d'horreur. Ce terme qui fait mal et qui t'empêche de dire NON. Qui plante ses griffes sur ta peau et qui s'accroche à ton nom. Ce terme qu'on devrait s'approprier, lui donner le sens qu'il a mérité. Car il n'y pas de plus grande Hchouma que de dépouiller ses enfants de leur dignité. Gêne éthique. J'ai laissé ma plume baigner dans mes maux, ce soir, je les laisse la teindre et infuser. C'est encore à l'encre de mes yeux que je t'écris, car main- tenant, j'ai décidé de refuser. Comment te dire, je refuse de croire que ma valeur soit dé- finie par la biologie Et s'ils brandissent le bâton de "leur" morale, je refuse d'en faire l'apologie. Je refuse la loi du silence, la peur du qu'en-dira-t-on. Trop de choses hurlent en moi et il y a ma dignité qui m'at- tend. Je refuse que l'opprobre soit jeté sur moi lorsque je refuse de me taire. Me tiendrais face aux doigts qui me pointent et défendrai mon droit sur cette terre. Coupable. Je suis coupable, coupable de ma différence. Comme un péché ambulant, je suis coupable de leurs er- rances. Je suis coupable, quoi que je fasse, car je vis ardemment. Et pour ma famille, hélas, je ne suis qu'une bombe à retardement. Scrutée, surveillée, je suis une épée de Damoclès. Ou cette bougie qui détruit les maisons de ceux qui la dé- laissent. A jamais je plaide coupable, de ma grasse, et de mes formes. Coupable de mes idées qui ne rentrent pas dans les normes. Je suis coupable, oui, de ma voix et de mon corps. De ses courbes et ses rondeurs qui ne m'appartiennent pas encore. Et puis, coupable car je sais, dans la rue mon corps dérange. Je suis coupable des pulsions de ceux dont les mains démangent. J'ai pourtant longtemps appris à marcher la tête basse. Car la plus digne des femmes est celle qui se fond dans la masse. Ce moule est trop étroit pour celles qui veulent changer les mœurs. Dois-je vraiment m'effacer, suis-je coupable de leurs ardeurs ? Je suis coupable mes sœurs, quand tout bêtement je cherche à plaire. Coupable pour ces fois où contre mon corps je pars en guerre. Je suis coupable, et je ne serais jamais assez belle. Coupable car pour ça je passe parfois sous le scalpel. Ne voient-ils donc en moi que mon enveloppe terrestre ? Ne voient-ils donc pas la mère, la sœur, et tout ce que je peux être ? Alors je suis coupable, et ce dès ma naissance. Coupable mais tellement fière, malgré les coups et les différences. Fatma. Fatma, toi, qui as les larmes casanières Toi, qui as le sourire, comme une brise printanière. Un jour ou l'autre ça brûlera moins, tu oublieras ce qui te mutile. Ta peau oubliera tout, un jour cette peine te sera utile. Un jour elle retrouvera son éclat, le temps effacera les coups. Les bleues ne seront plus là ni même les larmes au creux de ton cou. Ton corps oubliera tout, remplacera chacun de ces atomes. Seulement vois-tu, je sais ton mal va bien plus loin que les hématomes. Comment te dire.. Tu as pu panser, effacer tes cicatrices. Mais j'ai cru comprendre que la parole était bien plus dévastatrice. Celle qui ne marque pas la peau, non, mais qui se colle entre ses pores. Celle qui te suit pendant la nuit, celle qui fait que le jour tu t'évapores. Comme une obsession, ton esprit te repasse en boucle cette scène. Mais tu n'as ni rage, ni colère depuis que tu te refuses à la haine. Relève toi Tu as la force de l'univers qui brûle entre tes os. Tu as le cœur aussi large que toutes les terres, et toutes les eaux. Un jour ou l'autre ça brûlera moins, tu oublieras ce qui te mutile. Ta peau oubliera tout, un jour cette peine te sera utile. Exister. Faut-il encore que je m'excuse dis-moi, combien faut-il que je t'implore? Faut-il encore que tu m'accuses, dois-je être celle que l'on déplore? Celle qui taille sur le tas, qui tranche des bouts de sa personne. A croire qu'au fil des ablations je serais digne qu'on me pardonne. Qu'on me pardonne de vouloir être, de vouloir dire, de vouloir faire. De vouloir penser par moi-même, sans étouffer de ma colère. C'en est presque pathétique, j'en viens à me noyer dans le vide. A cause d'une loterie génétique, où c'est le gagnant qui décide. Dis-moi, Te sens-tu puissant ? Combien faut-il encore que j'en verse? Quand tu cultives mes faiblesses pour en faire un champ où tu t'exerces. Faut-il encore que je t’explique, peut être qu’un jour ça prendra du sens. Peut être qu'un jour tu comprendras que tu ne peux teindre mon essence. Ni même venir me reprocher d'en avoir peut-être un peu trop fait. Regarde, souviens toi, je ne serais jamais une femme trophée.