Handicap à l’école: «Il faut faire de la dentelle pour chaque enfant, un challenge pour les professeurs» Par Caroline Beyer et Agnès Leclair - Publié hier à 18:59. Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, en juillet 2022. BERTRAND GUAY/AFP ENTRETIEN - Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, évoque les avancées de l’école inclusive, quisont «considérables» selon elle. Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, entend «la grogne» des parents et reconnaît «le challenge» pour les professeurs. Alors que l’acte II de l’école inclusive sera présenté au printemps prochain, elle défend une montée en puissance progressive.LE FIGARO. - Pourquoi cette rentrée semble encore plus tendue que les années précédentes? Geneviève DARRIEUSSECQ. - Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, et moi avons fait le constat qu’en cette rentrée nous sommes à 430 000 élèves en situation de handicap accueillis à l’école, soit une augmentation de 30% depuis 2017. C’est une avancée majeure. Mais je sais aussi que nous avons encore des enfants sans solution. Nous réunirons un comité de suivi de l’école inclusive fin novembre pour faire le point. Nous sommes face à une équation complexe: la montée en puissance rapide de l’inclusion et la difficulté de recrutement des AESH, particulièrement en cette rentrée, dans un contexte tendu pour l’emploi. 4000 AESH supplémentaires ont été recrutées et 4000 autres le seront en 2023. Ce que l’on ne peut pas prévoir, ce sont les notifications des MDPH qui évaluent le besoin d’accompagnement des jeunes, et la disparité des pratiques de notifications entre les départements. J’ai entendu la grogne des parents et je la comprends parfaitement. Cette montée en puissance de l’école inclusive est-elle trop rapide pour quel’école puisse suivre? L’école inclusive, c’est un grand défi pour l’éducation nationale, et je sais que Pap Ndiaye y est lui aussi très attentif. Nous partons de très loin en France. Depuis la loi de 2005, le mouvement s’est mis en marche progressivement et s’est accéléré ces cinq dernières années. Tous les enfants avec un handicap n’ont pas forcément besoin d’un AESH, d’ailleurs c’est ce que soulignent les associations et les parents. Certains enfants n’ont besoin que d’aide technique, d’autres d’une pédagogie adaptée. Il y a toute une palette de solutions à mettre en œuvre. Il faut faire de la dentelle pour chaque enfant. Je reconnais que c’est un défi pour les professeurs. Nous sommes encore dans une phase de transition vers l’école inclusive et une bascule a été réalisée. Mais dire que tous les enfants en situation de handicap rejoindront l’école ordinaire à la rentrée prochaine est illusoire. Tout cela monte en puissance progressivement. De plus, la diminution du nombre d’élèves par classe, lié à la démographie, permettra des conditions d’accueil plus favorables. Il faut accentuer l’effort sur le repérage des troubles dès lapetite enfance Geneviève Darrieussecq À l’école primaire, nombre de professeurs se disent confrontés à des enfants non diagnostiqués ou insuffisamment accompagnés, et à des parents dans le déni… Il faut accentuer l’effort de repérage des troubles dès la petite enfance. La mise en place de plateformes pour favoriser le diagnostic précoce des troubles du neuro- développement chez les enfants de moins de 7 ans a permis de repérer 30 000 enfants et de les accompagner. Agir le plus tôt possible, c’est préparer au mieux ces enfants à l’école. Le budget 2023 prévoit d’élargir ce repérage aux 7- 12 ans, dont certains passent à travers les mailles du filet, notamment pour les troubles dys. Au-delà du repérage, comment aider concrètement les enseignants? Nous envisageons de développer les unités médico-sociales à l’intérieur de l’école. Les unités d’enseignement en maternelle ou en élémentaire autisme sont de bons exemples de cette démarche. Ces classes spécialisées peuvent permettre aux élèves d’aller progressivement vers la classe «ordinaire», en fonction de leurs capacités. Il y a aussi des réussites de l’école inclusive! Une directrice d’école maternelle m’a récemment confié que les professionnels du médico-social apportaient aux enseignants des clés pédagogiques pour les autres enfants. Le moment est venu de faire un bilan sur la montée en puissance de ces dispositifs pour savoir où sont les besoins et quelles sont les solutions qui ont le mieux fonctionné. Certains handicaps très lourds nécessiteront toujours des établissements spécialisés. Ce qui est important, c’est de savoir ce que veulent les parents Geneviève Darrieussecq Pendant la campagne présidentielle, il y a eu une polémique sur l’obsession de l’inclusion et la nécessité de maintenir des établissements spécialisés du secteur médico-social (IME) pour les enfants handicapés. Ces établissements doivent-ils être renforcés ou s’effacer pour laisser place à l’école inclusive? Certains handicaps très lourds nécessiteront toujours des établissements spécialisés. Ce qui est important, c’est de savoir ce que veulent les parents. Ces établissements devraient faire partie d’un parcours de l’enfance, avec des allers- retours vers le système scolaire. Il faut plus d’agilité et d’ouverture. J’ai en tête des expérimentations départementales pour intégrer des IME à l’intérieur de collèges. Que prévoyez-vous pour simplifier les démarches auprès des MDPH? Et que dire des aides attribuées, très variables d’un département à un autre? «C’est trop compliqué, trop long et très hétérogène». Voilà la première chose que j’ai entendue lorsque je suis arrivée dans ce ministère. Les familles qui déménagent d’un territoire à un autre ne comprennent pas pourquoi elles ont besoin de refaire un dossier et reçoivent des notifications totalement différentes par rapport au département précédent. Il y avait autant de systèmes informatiques que de MDPH! L’homogénéisation numérique, qui a été lancée, est la clé de la cohérence, pour réduire les délais à moins de quatre mois et simplifier les dossiers, notamment entravaillant sur les droits à vie.
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