B itcoin : L’infini divisé par 21 millions Knut Svanholm © 2022 Knut Svanholm Tous droits réservés. Traduction : Edouard Gallego, Gary Sablon, Laurent Waisman, Fanis Michalakis, Nicolas et Henry J.K.I. Young Édition en français : Henry J.K.I. Young Édition de l’œuvre originale : Jeff Booth, Mel Shilling et Niko Laamanen Design de la clé de l’infini : @FractalEncrypt Design de la couverture : Niko Laamanen Composition : Niko Laamanen et Henry J.K.I. Young Impression et distribution : Liberty Press ISBN 978-9916-6973-1-3 Konsensus Network https://konsensus.network Je dédie ce livre à mes collègues bitcoiners, y compris mais non limité à FractalEncrypt, Ioni Appelberg, Guy Swann, Jeff Booth, Volker Herminghaus, Daniel Prince et Hodlonaut. Je n’aurais pas pu faire un 21 millionième de ce livre sans vous les gars. iii Table des matières AVANT-PROPOS vii PRÉLUDE xv 1 TEMPS 1 2 ALCHIMIE 13 3 PROPRIÉTÉ 25 4 ÉNERGIE 41 5 MORALITÉ 55 6 MÉMÉTIQUE 75 7 SYMBIOSE 87 8 VIOLENCE 99 9 DÉFLATION 119 10 ADOPTION 135 11 TRANSITION 149 À PROPOS DE L’AUTEUR 163 v AVANT-PROPOS Tout commence en étant d’abord une idée, en concurrence pour notre attention, nos actions et notre temps. Une idée qui m’était venue de manière totalement spontanée, celle de rencontrer une per- sonne que je ne connaissais que par Twitter, Knut Svanholm, s’est transformée en une soirée incroyable où nous avons dîné, bu et joué de la guitare en famille dans le sud de l’Espagne. Une connexion pro- fonde s’est immédiatement formée entre nous. Ces interactions nous changent, souvent sans que nous en soyons conscients. Qu’importe où cela mène, je suppose que ce n’était que le début d’une longue amitié qui a démarré d’une idée. Nous sommes des machines à idées. Des bonnes idées, des idées médiocres, des mauvaises idées – notre monde entier en est consti- tué. Une matrice de pensées régit la façon dont nous interagissons avec les autres, avec notre économie et nos systèmes de gouvernance. La chaise sur laquelle vous êtes assis a rivalisé avec toutes les autres idées, tous les autres formats de chaise et toutes les entreprises qui en fabriquent afin de gagner votre attention et votre argent. Il en va de même pour votre voiture ou votre smartphone. La liberté d’expres- sion est une idée. Le communisme aussi. Nous sommes tellement attachés à nos idées qu’elles finissent souvent par nous définir. De ce fait, elles ont le pouvoir de nous unir, nous diviser... ou nous contrô- ler. C’est nous qui choisissons les idées qui nous conviennent, et la vie reflète ces choix. vii L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S Individuellement, nos pensées et nos actions forment notre propre réalité, et collectivement, elles s’additionnent pour former notre réalité commune. De notre point de vue étriqué sur ce que nous considérons comme étant une représentation exacte du monde, nous avons tendance à oublier que les autres vivent dans une réalité complètement différente de la nôtre, qu’ils jugent tout aussi exacte. Nous remarquons les défauts dans les idées d’autrui avec facilité, mais nous sommes complètement aveugles lorsqu’il s’agit de voir les incohérences dans nos propres idées. Nous sommes tellement sûrs de nos idées que nous nous battons pour les protéger, remplaçant le raisonnement et la logique par l’émotion afin de prouver notre point de vue, ce qui nous permet d’être facilement trompés. En essayant de défendre nos idées à un certain niveau, nous passons à côté des incongruités naturelles qui se trouvent au niveau fondamental et qui pourraient être l’élément déclencheur de ces idées. Par exemple, nous avons tendance à croire en la liberté des marchés tout en préconisant que les banques centrales fournissent des liquidités pour protéger le prix des actifs ou le marché boursier. Nous avons du mal à voir la contradiction et la dissonance cognitive engendrée par ces deux idées opposées. Nous ne pouvons pas prévoir le moment où une nouvelle idée ou une nouvelle vérité fera voler en éclats nos croyances antérieures afin de les remplacer par quelque chose qui fonctionne mieux. Nous pouvons nous battre pour une idée pendant des années, et complète- ment changer notre avis en un instant. Une fois que l’on a compris une idée, on ne peut pas la « décomprendre ». Pire encore, à partir de notre nouvelle illumination, il se peut que nous commencions à nous moquer des autres parce qu’ils ne comprennent pas cette nou- velle vérité. Le processus prend du temps, souvent des générations, pour une idée donnée de se propager à travers le monde entier. Je viii AVANT-PROPOS pense souvent à ce que Galilée pouvait ressentir vis-à-vis de la société dans laquelle il vivait. En regardant le ciel nocturne, il s’est rendu compte que la Terre tournait autour du Soleil, mais cela était consi- déré comme absurde et hérétique aux yeux de l’Église catholique et de son enseignement. Quelle que soit l’époque, ces « idées » constituent la force et la conscience individuelles et collectives de l’humanité. Toujours en concurrence pour trouver de meilleures voies, elles améliorent l’ex- périence humaine en conséquence. On pourrait considérer ces idées comme un apprentissage. Notre intelligence en tant qu’espèce a tou- jours été, au niveau fondamental, une croissance collective de l’infor- mation issue de cette compétition d’idées. Chaotique et désordonné. Les nouvelles idées doivent rivaliser avec les croyances qui se sont durcies dans nos esprits. Nous lâchons notre emprise sur nos idées un doigt à la fois, et comme nous faisons des prédictions à partir du point de vue de notre réalité actuelle, il nous est difficile d’imaginer comment un petit changement pourrait se répercuter sur les autres. Ainsi, lorsqu’une idée remet en cause une croyance antérieure, il est fort probable que nous l’ignorions ou que nous la combattions au lieu de l’étudier pour ses mérites. En économie, ce processus correspond à la destruction créatrice , un terme paradoxal inventé par Joseph Schumpeter en 1942 pour décrire le fonctionnement du capitalisme sur un marché libre. Les entrepreneurs innovent et créent de la valeur pour la société, et cette valeur gagnée par la société « détruit » souvent le pouvoir monopolis- tique ou l’« idée » en place. Généralement, l’ancien monopole ignore ou bien combat la nouvelle idée. Ce processus et son importance sont au cœur de la manière dont les économies modernes ont évo- lué et ont donné naissance à la plupart des avantages de la société ix L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S que nous considérons comme acquis aujourd’hui. Les nouveaux ga- gnants acquièrent tellement de valeur qu’ils perturbent le pouvoir ou les structures existantes du marché. Ce processus est mené par un flux quasi constant d’entrepreneurs innovants aux idées audacieuses, ayant le capital nécessaire pour les soutenir, remettant en question le statu quo, et ne réussissant que « si » ils créent de la valeur pour la société (nous). Pour que le processus fonctionne, l’échec est essentiel ! Tant pour les entrepreneurs dont l’activité ne fonctionne pas et les capitaux qu’ils détiennent, que pour les entreprises traditionnelles qui sont perturbées par leur activité, si ces entrepreneurs apportent une meilleure valeur à la société grâce à leurs innovations. Et si l’échec est difficile, l’empêcher est bien pire car cela perturbe l’équilibre délicat du marché libre. Ce qui semble être au départ une petite intervention finit par être encodé dans une forme de capitalisme dénaturé, avec une cascade d’interventions et de contrôles toujours plus importants pour protéger le marché global de l’effondrement. La fausse stabilité est remplacée par une instabilité croissante à mesure que les véritables signaux du marché s’évaporent et que les constructions sociales se dégradent. Sur cette voie, ce n’est pas seulement le marché libre qui est perdu. Rappelez-vous, le marché libre est composé de ces idées. Ces idées nous définissent et nous représentent. Le marché libre est la somme de nos pensées et de nos actions qui tentent de se démarquer des autres idées, avec l’intention d’apporter de la valeur aux autres. Elles forment l’économie car nous choisissons ces nouvelles idées, ou pas, en fonction de la valeur qu’elles nous apportent. Nous pouvons choisir de limiter les idées, de les réprimer, de les détruire au nom du contrôle, mais ce faisant, nous limitons à notre tour notre propre potentiel. x AVANT-PROPOS À un niveau d’abstraction plus élevé que le marché libre, ces ac- tions forment également le système par lequel nous gouvernons : permettre la prolifération des idées. Lorsque nous intervenons sur les marchés libres pour les contrôler, nous les dénaturons. À court terme, sur fond de concurrence pour l’emploi, la croissance et la pro- tection des marchés, ces décisions sont généralement saluées par le public et assurent des votes. Elles sont populaires, mais au fond, elles conduisent à ce que certaines personnes, certaines industries ou certains pays gagnent injustement au détriment des autres. Il peut s’agir de favoriser une entreprise au détriment d’une autre sur le plan national, ou de pays protégeant des industries vitales de la concur- rence. Cela n’a pas d’importance. La protection du marché s’étend et s’intensifie, privant le marché libre de travail et de capital. Les malin- vestissements 1 augmentent. Structurellement, ces choix doivent nous éloigner des nôtres et mener vers une consolidation toujours plus grande du pouvoir. Bien que cela puisse paraître comme étant dû à une négligence volontaire ou à des mauvaises intentions, le moteur principal n’est autre qu’un système à cercle vicieux tentant de préser- ver le statu quo et de sauver le système, qui autrement échouerait. Une plus grande centralisation du contrôle pour tenter d’éviter l’ef- fondrement inévitable empiète davantage sur le marché libre. Au fur et à mesure que les participants du marché comprennent comment le jeu se joue, ils deviennent plus nombreux à vouloir leur part du gâteau. À mesure que les distorsions s’aggravent, les gens votent littéralement contre leurs libertés et droits individuels en faveur de la centralisation et de la protection par l’État. Ils sont pleinement convaincus que le marché libre est à blâmer pour les inégalités crois- 1. Néologisme formé à partir du terme anglais malinvestment qui n’a pas d’équi- valent en français. Désigne un investissement dans de mauvaises lignes de produc- tion, qui ne répond pas aux vrais besoins à long terme de l’économie, ce qui conduit inévitablement à des gâchis et à des pertes. xi L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S santes, la division et le chaos sociétal, même s’il ne s’agit que des conséquences prévisibles de son abandon. C’est pourquoi bitcoin est une idée si importante. L’histoire prouve que si la monnaie peut être contrôlée pour donner un avantage à certains sur d’autres, elle le sera. En supprimant cette capacité, bitcoin fournit une alternative, passant d’un système incapable de se corriger à un système qui le peut. Un pont entre un système qui mène vers un futur dystopique, et un système qui mène vers un futur d’espoir. À mesure que le réseau émerge, plus il y a de personnes qui uti- lisent et construisent ce réseau, plus sa valeur continue d’augmenter pour tous les autres, ce qui accélère son adoption. Bien sûr, les pre- miers utilisateurs de bitcoin détiennent une plus grande part de richesse, comme cela devrait être le cas dans un marché libre où ils ont devancé les autres en termes de prévoyance, mais ce qui est important c’est qu’ils ne détiennent pas plus de pouvoir. À terme, la seule façon d’accumuler plus de bitcoins est de fournir de la va- leur aux autres, mesurée par ces derniers, dans un marché libre. La coercition est remplacée par la coopération à mesure que les gens prennent de plus en plus conscience du fait que contrôler les autres par le biais d’un réseau monétaire comme bitcoin nécessite de les payer en bitcoins, et donc de perdre ce contrôle. La chute des prix par extension de la valeur que nous fournis- sons aux autres est naturelle. Cela s’accélère à mesure que la tech- nologie continue de se développer et à s’occuper d’une plus grande part de notre travail. Les incitations s’alignent pendant que nous remarquons avec stupéfaction l’absurdité d’avoir vécu dans un sys- tème où les prix étaient manipulés afin d’augmenter. Nous prenons conscience d’une vérité qui nous était cachée : « l’abondance de la xii AVANT-PROPOS monnaie = la rareté dans tout le reste », et inversement, « la rareté de la monnaie = l’abondance partout ailleurs ». Ou comme Knut le décrit si bien... Tout ce qui existe, et tout ce qui existera, divisé par 21 millions. Cela se passe au fil du temps, comme toutes les nouvelles idées qui entrent en compétition avec les anciennes de manière chaotique et désordonnée. Je pense que c’est inévitable à mesure que de plus en plus de gens comprennent la valeur de cette idée. La valeur augmente et il devient plus difficile de l’ignorer. Parce qu’en vérité, le système, c’est nous. Chacune de nos actions et chacun de nos choix changent notre monde. C’est ainsi que les idées que nous ne pouvions autrefois concevoir deviennent réalité. Une personne à la fois. Jeff Booth, mars 2022 xiii PRÉLUDE Imaginez une espèce progressant d’un habitat troglodyte au voyage interstellaire. Comment s’y prendrait-elle? Il était une fois, cette espèce. Un genre de primate qui aimait catégoriser les choses, les étiqueter et les mettre dans des petites boîtes bien rangées. Ils se sont nommés « humains » et ont désigné les autres primates de « singes ». Plus tard, ils ont découvert qu’ils partageaient la plupart de leurs gènes avec ces singes. Ces humains prétendaient être « vivants » et « conscients », même s’ils ne pouvaient pas clairement définir ces mots. Le temps faisait partie de leur expérience, et ils théorisaient sa relation avec les autres dimensions qu’ils connaissaient, à savoir les trois dimensions spatiales. Pourtant, ils n’avaient pas encore compris ce qu’était le temps ni comment lui accorder sa juste valeur. Certains ont supposé qu’ils en avaient une quantité limitée sur cette Terre et se sont comportés en conséquence, tandis que d’autres ne daignaient même pas y accorder une seule pensée et se comportaient comme s’il s’agissait d’une ressource abondante. Certains croyaient en un ou plusieurs êtres surnaturels. Certains pensaient qu’il existait des humains ayant un droit divin de régner sur les autres. Tous étaient plus ou moins confus. Dans un premier effort pour organiser le temps entre eux, ils ont inventé une nouvelle façon de le concevoir : ils ont commencé à échanger du temps contre des biens de consommation, et ont appelé ce nouveau moyen d’interagir les xv L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S uns avec les autres « le travail ». Peu après, ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient se donner des choses en échange d’autres. Ils pou- vaient échanger les uns avec les autres : trois chèvres contre une vache, par exemple. Ils pouvaient également se spécialiser dans dif- férentes compétences et s’entraider en échangeant des faveurs. En faisant ainsi, ils pouvaient compter sur leur voisin pour faire sa part et permettre à la société de se former et de se développer. Une coupe de cheveux pouvait être échangée contre une soirée de baby-sitting, par exemple. Peu après, quelqu’un a fait remarquer qu’il n’y a pas de moyen facile de diviser une vache en trois parties – du moins, pas si on a l’intention de la garder en vie pendant le processus. De plus, personne (sauf peut-être les moines) ne voulait d’une demi-coupe de cheveux. Cette absence de divisibilité de la plupart des biens et services po- sait problème, en particulier pour ceux qui ne disposaient que d’une chèvre ou d’une vache. Les humains ont donc dû inventer un moyen de garder trace de ce qui appartenait à qui – que ce soit des vaches ou des chèvres, des coupes de cheveux, des pots ou des lances. C’est ainsi qu’est apparu le registre. Un registre est un livre de compte dans lequel les humains enregistrent les transactions. Les décou- vertes historiques indiquent que les registres sont le premier type d’écrits comportant des chiffres que l’homme ait jamais produit. Ces registres permettaient aux premières sociétés de savoir qui possédait quoi et qui devait quoi à qui. Les plus anciens registres connus sont des tablettes pictographiques; les Mésopotamiens les utilisaient il y a plus de 5 000 ans. Les humains ont également inventé le « jeton » pour garder trace de la propriété. Ils ont commencé à échanger des jetons, comme des coquillages ou des pierres précieuses, représentant une valeur particulière. Ces jetons étaient des phénomènes très locaux au début. xvi PRÉLUDE Au fil du temps, des pièces forgées dans des métaux précieux ont remplacé ces premières formes de monnaie. Au départ, il ne s’agissait que de pièces d’un métal particulier d’un poids déterminé ; peu après, le souverain autoproclamé d’une zone géographique revendiquait souvent le droit exclusif de les émettre. Il s’agissait généralement du même sociopathe qui avait volé toutes les terres de vos ancêtres à l’époque : le roi. Les pièces de monnaie présentaient de nombreux avantages par rapport aux autres moyens permettant d’exprimer la valeur. Elles constituaient un moyen d’échange pour le peuple, et elles conser- vaient assez bien leur valeur au fil du temps. Les gens semblaient aimer les métaux précieux, car il était facile d’en garder la trace et de savoir qui possédait quoi dans le village. En outre, ils offraient une excellente unité de compte pour l’émetteur. Ce système fonctionnait assez bien pendant un certain temps, jusqu’à ce que quelqu’un ait eu l’idée de pratiquer le rognage afin de récupérer des petits morceaux du métal précieux au bord de ces pièces. Cela profitait au rogneur, car la pièce conservait sa valeur aux yeux des autres, et le rogneur pouvait également vendre le métal récupéré. Ainsi, pour lui, chaque pièce prenait un peu plus de valeur. C’est la naissance de la contre- façon; une pratique qui, aujourd’hui encore, est au cœur de toute monnaie émise par un gouvernement. Mais les rogneurs n’étaient pas les seuls à se mêler de l’argent. En effet, les émetteurs de pièces ont rapidement trouvé de nouveaux moyens d’accroître leur position dans la hiérarchie du système com- mercial en développement. Alors que les rogneurs pouvaient réduire la quantité d’or ou d’argent contenue dans une pièce en retirant des morceaux de chaque pièce qui passait entre leurs mains, l’émetteur pouvait modifier le contenu de chaque nouveau jeton en rempla- çant l’or et l’argent par des alliages de métaux moins précieux. Cette xvii L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S forme ancienne d’avilissement massif enrichissait l’émetteur aux dépens de tous les autres. Malgré ces défauts inhérents, les pièces ont continué pendant longtemps à servir de moyen d’échange entre les individus. Ce, jusqu’à l’invention de la banque. L’invention de la banque s’accompagne de la création du billet de banque. Il s’agissait d’un morceau de papier indiquant la quantité d’or et d’argent qu’un client avait déposé dans la chambre forte de la banque. En d’autres termes, la somme que la banque devait au client. Un banquier pouvait également prêter de l’argent de la banque, et l’emprunteur rembourserait ensuite le prêt en sus des intérêts. Le prêt permettait au banquier de gagner sa vie, et le billet de banque donnait aux gens une nouvelle façon de commercer. Très vite, les gens ont commencé à échanger ces billets au lieu de pièces d’or, car les billets ne pesaient pas autant que les pièces et étaient plus faciles à transporter. L’échange de billets fonctionnait bien pendant un certain temps, mais le banquier a vite remarqué quelque chose de particulier chez ses clients : ils ne semblaient jamais retirer tout leur or en même temps. Son coffre-fort n’était jamais vide, mais rempli d’or à tout moment. Une idée a commencé à germer dans l’esprit du banquier. Et s’il rédigeait un reçu pour de l’or qui n’était même pas dans le coffre, et le prêtait à quelqu’un ? Cette personne devrait alors rembourser le prêt avec intérêts. Tant que les autres clients n’essaieraient pas de retirer tout l’or en même temps, ils ne le remarqueraient probablement pas. Le plan a fonctionné, et voilà comment la banque à réserves frac- tionnaires est née. La banque à réserves fractionnaires a rendu le banquier extrêmement riche, car à mesure qu’il prêtait plus de reçus pour des choses qui n’existaient pas, la dette totale qui lui était due augmentait de plus en plus. Ce processus a augmenté la demande pour encore plus de prêts, et le montant total dû par la société ne xviii PRÉLUDE correspondait plus au capital total disponible. Lorsque les gens se sont finalement rendu compte que le banquier ne jouait pas franc jeu, ils se sont indignés. Ils ont compris que s’ils essayaient tous de retirer leur or simultanément, le banquier serait obligé d’avouer sa super- cherie. C’est ainsi qu’est née la panique bancaire . La panique bancaire a mis certaines banques en faillite, mais elle a également conduit les banques survivantes à devenir encore plus imaginatives. Elles se sont regroupées pour combattre leurs clients de manière encore plus agressive. Ce faisant, elles ont donné naissance à l’institution la plus sinistre jamais connue de l’homme : la banque centrale. Une banque centrale fonctionne comme un prêteur en dernier ressort pour toutes les autres banques : elle peut empêcher les pa- niques bancaires en renflouant les petites banques. Pire encore, cette pratique est essentielle au bon fonctionnement d’un système mo- nétaire fiat 2 . Sans banques centrales, il est fort probable que les gens se révoltent, ce qui conduirait à des guerres civiles. Comme l’a dit Henry Ford, « Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au système bancaire et monétaire. Car, si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une révolution avant demain matin. » Une banque centrale possède également le mono- pole de l’augmentation de la masse monétaire d’un pays – un moyen de s’enrichir et d’enrichir l’État pour lequel elle travaille. En d’autres termes, un moyen de garder les citoyens du pays sous contrôle. Celui qui contrôle la masse monétaire contrôle la nation. Le contrôle de la planche à billets offre un pouvoir semi-divin, et le contrôle de la planche à billets maîtresse rend omnipotent. Il devient possible de 2. Fiat : Mot latin signifiant décret, ordre ou autorisation. Couramment em- ployé sous l’expression « monnaie fiat » pour désigner la monnaie fiduciaire ou monnaie d’État. NB : Le mot « fiduciaire » provient du mot latin fiducia (confiance) ; ces mots ne sont donc pas tout à fait équivalents dans leur nuance. xix L’ I N F I N I D I V I S É P A R 2 1 M I L L I O N S lancer d’énormes projets sans jamais avoir à les payer. Des efforts de guerre malavisés deviennent soudainement abordables et même lu- cratifs. En diluant la valeur du temps et des efforts de tout un chacun, une banque centrale contrôle tout. C’est là que se trouve actuellement l’espèce qui progresse de l’ha- bitat troglodyte au voyage interstellaire. L’inflation est une force qui enchaîne tous les humains : elle nous oblige à faire du sur-place en perpétuité tel des hamsters dans une roue afin de payer nos dettes. La monnaie est créée de la même manière aujourd’hui qu’aux pre- miers jours de la banque à réserves fractionnaires, mais à une échelle beaucoup, beaucoup plus grande. Les billets de banque dans votre portefeuille ne sont pas des reçus pour quoi que ce soit ; vous ne pou- vez rien réclamer à la banque en échange de ces billets, car ils ne représentent rien d’autre que des dettes. Chaque billet dans votre poche, chaque chiffre sur votre relevé bancaire en ligne, représente une dette. Toute monnaie fiat est une promesse de remboursement d’un prêt garanti par un actif qui n’existait même pas au départ. Le système est entièrement frauduleux. Une arnaque totale, un système pyramidal à grande échelle. Comprendre cela est un prérequis à la compréhension de ce qui se passe dans le monde en ce moment. Pour- quoi y a-t-il tant de troubles civils et tant de polarisation? Pourquoi les gouvernements prennent-ils des mesures de plus en plus dures pour contrôler leur population? Durant cette première moitié du XXI e siècle, nous vivons tous le changement de paradigme sociétal le plus critique de l’histoire de l’humanité. L’hyperbitcoinisation 3 Peut- être qu’une période tumultueuse nous attend, mais elle aurait été bien pire sans l’airbag financier que constitue bitcoin. 3. Processus similaire à l’hyperinflation dans la mesure où toute monnaie fiat sera éventuellement démonétisée. Le résultat final est une transition volontaire et mondiale d’une monnaie inférieure (fiat) à une monnaie supérieure (bitcoin). xx