Vincent Couric — avril 2020 Christine Lagarde à la BCE : quelle incidence sur la politique monétaire de la zone euro ? « Il y a eu trois grandes inventions depuis le commencement des âges : le feu, la roue, la Banque centrale » William Rogers 1 « La monnaie est une chose trop importante pour être lai s sée entre les mains des banques centrales » Milton Friedman 2 Introduction L a politique monétaire de la zone euro , produit d’ un rapport de force s De jure , la BCE est une institution indépendante du pouvoir politique en vertu l’article 128 du TFUE , jouissant donc d’une autonomie décisionnelle dans sa conduite de la politique monétaire. Cette indépendance est en outre reconnue de facto par une grande partie de la recherche sur la question 3 , si on la compare à la FED ou à la Bank of Japan par exemple, pourtant légalement indépendantes du pouvoir politiqu e 4 L’indépendance des banques centrales s’est progressivement imposée dans le débat économique co mme une garantie vis - à - vis du clientélisme politique 5 . Nous n’en discuterons pas le bien - fondé, mais constaterons simplement que l’indépendance de la BCE vis - à - vis d es pouvoir s politique s nationaux ne signifie pas que ce s dernier s n’y exerce nt aucune influen c e. Bien que les missions, objectifs et instruments des banques centrales soient majoritairement inscrits dans l eur statut , l’étude de la nomination et de la prise de décision en son sein témoigne d’un rapport de forces permanent , à tous les niveaux. Nous ne mettons pas en cause la rationalité des décisions qui y sont prises au vu des objectifs d éfinis dans le TFUE et le statut de la BCE , mais affirmons simplement celle - ci reste limitée par les intérêts contradictoires de chacun des acteurs . Aussi le futur de la politique monétaire dépend - il largement de l’évolution des rapports de force internes à la BCE, sur lesquels nous fonderons notre prospective Nous nous attacherons d’abord à poser les bases conceptuelles et in stitutionnelles permettant d’analyser ce rapport de force (I), avant d’en venir au parcours de Christine Lagarde elle - même (II) et à sa place parmi les forces en présence au sein de la BCE (III). Nous procéderons ensuite à une analyse de l’env ironnement économique international (IV), avant de dresser plusieurs possibilités d’orientation de la politique monétaire sous sa mandature (V) , en fonction des différent s agencement s possibles entre le rapport de force interne et les évolutions de l’écono mie mondiale. 1 Cité par Norbert OLSZAK dans son Histoire des banques centrales (Paris, PUF, Que sais - je ? , 1998). 2 Inflation et systèmes monétaires , Paris, Calmann - Lévy, 1976, p.191. 3 Voir, entre autres, QUAGLIA, Lucia. Central Banking Governance in the European Union : A comparative Analysis , 2008, Londres, Routledge, 208p. 4 PATAT, Jean - Pierre. « L’indépendance des banques centrales à l’épreuve », CEPII , 3 avril 2013. Consultable en ligne à l’adresse : http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=200 5 Milton FRIEDMAN, bien que réticent à l’idée d’une banque centrale coupée de tout contrôle politique, compile les critiques classiques adressées à l’idée d’une soumission de la poli tique monétaire au pouvoir politique, dans son article « Should There Be an Independant Monetary Authority? », publié en 1962. Il s’agit surtout d’éviter les politiques monétaires clientélistes e n période d’élections, qui s’avèrent dangereuses lorsqu’il s’ agit de préserver la stabilité macroéconomique d’un É tat. Vincent Couric — avril 2020 La BCE : espace institutionnel , espace social Concepts et mécanique institutionnelle 1) La BCE comme « champ relativement autonome » 6 : un espace social international Nous avons plus haut souligné l’autonomie théorique de la BCE vis - à - vis des É tats. Cela ne signifie pas pour autant que les agents qui y évoluent ne répondent pas à des intérêts étatiques particuliers. En effet, la structure institutionnelle de la BCE lais se une grande place à la représentation des É tats, bien que le personnel de l’UE soit, théoriquement, absolument détaché de la défense des intérêts nationaux de son É tat d’origine 7 . Une bonne part de l’étude sociologique des institutions européennes s’att arde sur la place non négligeable des « habitus nationaux » 8 , particulièrement pour les postes de nomination, comme ceux des membres de la BCE 9 . Si le Conseil européen est bien le seul espace officiel de représentation des intérêts nationaux, nous tiendrons pour acquis que la BCE est un espace largement dominé par des luttes étatiques , ce dont sa composition atteste (I 2) : autrement, pourquoi institutionnaliser une telle représentativité, reproduisant l’égalité formelle des É tats reconnue p ar le dr oit international public ? Par fonctionnement autonome de la BCE, nous voulons donc concrètement signifier que les représentants évoluent au sein d’un espace social cl os , avec ses règles et ses rapports de forces , lesquels correspondent en réalité aux chocs des intérêts contraires des É tats Nous pouvons donc légitimement conceptualiser la politique monétaire européenne comme un two - level game , selon l’expression introduite par Robert Putnam 10 et développée à l’échelle de l’UE par Andrew Moravcsik 11 . I l s’agit de penser la politique monétaire comme un croisement entre les politiques nationales, c’est - à - dire leur expression au sein d’un espace international où des représentants viennent défendre les intérêts de chaque É tat. Une double contrainte pèse don c sur les mandataires au cours des négociations, entre d’un côté les exigences des mandants, et leur compatibilité avec celles que représentent les autres mandataires Le schéma ci - dessous représente les dynamiques propres à cette forme particulière de jeu : - Les membres du niveau I, les mandataires, doivent trouver un terrain d’entente sur le sujet qui les intéresse. Ils sont donc dans une situation de « collusion », c’est - à - dire qu’il existe un intérêt commun à ce que leurs négociations soient fructueuses pour satisfaire le niveau II , dont ils tempèrent les ardeurs et les requêtes au sein de l’espace de négociation (« cut - slack »). 6 L’expression se trouve dans BOURDIEU, Pierre. Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire , Paris, Seuil, « Libre examen », 1992. 7 Les paragraphes suivants sont tirés de « Structure institutionnelle et administrative de la BCE », CVCE.eu. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.cvce.eu/education/unit - content/ - /unit/7124614a - 42f3 - 4ced - add8 - a5fb3428f21c/3ec0574f - c96a - 4c5c - 9286 - 2e8b9065d1c3#sdfootnote1anc 8 Voir notamment ELIAS, Norbert. La société des individus , Paris, Fayard, 1991, 301p (publié en allemand en 1987). 9 Par opposition aux postes électifs, où les clivages politiques internes favorisent notamment les intérêts partisans transnationaux. Il ne faut néanmoins pas tomber dans un déterminisme national o u politique dans l’un ou l’autre des cas, mais garder à l’esprit que les statuts officiels ou les guides de déontologie sont des idéaux - types parfois très éloignés de la réalité. A ce sujet, voir GEORGAKAKIS, Didier. « Le concept de champ à l’épreuve de l ’Europe » In SIMEANT, Johanna (dir.), Guide de l’enquête globale en sciences sociales , CNRS éditions, p.197 - 217, et plus globalement les différents articles du recueil d’articles Le Champ de l’Eurocratie : Une sociologie politique du personnel de l’UE , Par is, Economica, 2012, 356p. Sur le cas spécifique de la BCE, voir FONTAN, Clément. « Une banque centrale au - dessus des nations ? Faire peser les intérêts nationaux au sein de la Banque Centrale Européenne », Revue française d’administration publique , vol. 1 58, n° 2, 2016, pp.491 - 504. 10 PUTNAM, Robert D. « Diplomacy and Domestic Politics : The Logic of Two - Level Games », International Organization , 1988, vol. 42, n° 3, p.427 - 460 11 MORAVSCIK, Andrew. « Preferences and power in the European Community : A liber al intergovernmentalist approach », Journal of Common Market Studies , vol. 31, n04, 1993, p.473 - 524. Vincent Couric — avril 2020 - L es membres du niveau II, soit dans le cas qui nous intéresse les opinions publiques et les gouvernement s (à l’or igine de la nomination), entretiennent également des relations qui déterminent largement les incitations des mandataires (« transnational alliance »). Ils bornent le champ des possibles du mandataire en déterminant sa marge de manœuvre (« tie hands »). Sc héma 1 : Intérêts et entrelacements des intérêts dans un jeu à deux niveaux Source : SERVENT, Aridna Ripoll , 2014 12 2) Organisation et fonctionnement de la BCE 13 : la lettre et l’esprit des institutions a) Mécanique institutionnelle La BCE est une institution diarchique dans la prise de décision , avec d’un côté le directoire, de l’autre le conseil des gouverneurs. Nous ne mentionnerons pas les services internes , qui assurent des fonctions de conseil , de recherche et de pilotage sectoriel des activités de la BCE. Le directoire est le responsable de la gestion au jour le jour de la BCE . Il coordonne à cette fin l’activité des services . Composé de 6 membres disposant d’un mandat de 8 ans, ils sont nommés par un accord entre les ch efs d’ É tat et des gouvernements, sur recommandation du Conseil et après consultation du Parlement européen. Les décisions s’y prennent à la majorité simple, chaque membre disposant d’une voix valant autant que les autres. En cas d’égalité, la voix du prési dent prévaut. Vient ensuite le conseil des gouverneurs. Composé des membres du directoire et des gouverneurs des banques centrales nationales de l’Eurosystème , élus pour 5 ans, leurs modalités de désignation relèvent 12 « The role of the European Parliament in international negotiations after Lisbon », Journal of European Public Policy , 2014. Consultable en ligne à l’ad resse : https://www.researchgate.net/publication/292606618_ripoll_The_role_of_the_European_Parliamen t_in_international_negoti ations_after_Lisbon_oa 13 Les paragraphes suivants sont tirés de « Structure institutionnelle et administrative de la BCE », CVCE.eu. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.cvce.eu/education/unit - content/ - /unit/7124614a - 42f3 - 4ced - add8 - a5fb3428f21c/3ec0574f - c96a - 4c5c - 9286 - 2e8b9065d1c3#sdfootnote1anc Vincent Couric — avril 2020 des É tats. Les décisions s’y prennent à la majorité simple 14 , mais le système de répartition des voix est complexe, car tournant mensuellement. Les cinq pays les plus importants de la zone euro (aujourd’hui Allemagne, France, Italie, Espagne, Pays - Bas) se partagent quatre votes : tous les mois , l’un d’eux ne peut pas voter. Pour le reste des États membres, au nombre de quatorze, ils se partagent onze droits de vote. En cas d’égalité, la voix du président prévaut. Au niveau institutionnel, on constate donc plusieurs phénomènes issus de cette or ganisation récente (réforme de la BCE en 2015) : - L es « petits É tats » sont favorisés par rapport aux « grands » : la banque centrale maltaise pouvait voter autant de fois que la Bundesbank par exemple, bien que leur capitalisation ne puisse souffrir aucune comparaison. La répartition des droits de vote selon l’importance économique de chaque É tat aboutirait à un écrasement des « petits ». - Le droit de vote permanent du directoire confère à s es membres un pouvoir supérieur à celui des gouverneurs. - Le président de la BCE est l’arbitre en cas d’égalité, lui conférant une certaine prééminence en cas de fracture interne Nous reviendrons sur cette organisation institutionnelle quand nous abordero ns la composition actuelle de la b anque centrale, pour en tirer d es analyses partielles sur les rapports de forces internes (III 2 et III.3 ) b) L’esprit de la BCE : un processus décisionnel consensu el remis en cause depuis Mario Draghi Les décisions de la banque centrale se prennent traditionnellement au consensus, aucun vote n’ayant officiellemen t lieu 15 , afin de garantir l’efficacité de la communication de la banque centrale La présidence Draghi a largement infléchi ce modèle, donnant lieu à de nombreuses passes d’armes sur la place publique à cause de la perpétuelle mise en minorité des faucons au sein du conseil . Lorsque Mario Draghi a lancé son fameux « whatever it takes » le 26 juillet 2012 , il a officiellement in stauré un rapport de forces avec ses pairs opposés à sa politique monétaire Il a concrètement signifié qu’il ne tiendrait pas compte de leur point de vue et exercerait une tyrannie de la majorité, pour reprendre l’expression de Tocqueville À titre d’exemple, il critiquera régulièrement la politique du « non à tout » défendue selon lui par l’ Allemagne, l’Autriche et les Pays - Bas ( « nein zu allem », dans le texte) 16 On constate donc que l’esprit de la BCE est remis en cause lorsque Christine Lagarde en prend la tête, ce qui ne manquera pas d’avoir une incidence sur sa gestion des affaires. 14 Des exceptions sont néanmoins prévues pour les sujets suivants : c apital de la BCE, clé de répartition pour la souscription au capital, transfert d’avoirs de réserve de change à la BCE, répartition du revenu monétaire des banques centrales nationale s, répartition des bénéfices et des pertes nets de la BCE, dérogation à l a répartition du revenu monétaire des banques centrales. Sur ces sujets, le vote exige une majorité qualifiée de deux tiers des seuls gouverneurs des banques centrales. Leur vote est pondéré par la clé de souscription du capital de la BCE. 15 FARVAQUE, E tienne. « IV. Le Conseil des gouverneurs et la prise de décision au sein de la BCE », dans La Banque centrale européenne , Paris, La Découverte, « Repères », 2010, p.51 - 66. Consultable en ligne à l’adresse : https://www - cairn - info.ezpaarse.univ - paris1.fr/la - banque - centrale - europeenne -- 9782707164612 - page - 51.htm 16 « La BCE mobilise tout son arsenal pour soutenir le crédit », Reuters, 10 mars 2016. Consultable en ligne à l’adresse : https://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN0WC1KS Vincent Couric — avril 2020 Christine Lagarde à la BCE : é léments de parcours et arrivée à la BCE 1) Avant la BCE Christine Lagarde est nommée présidente la Banque Centrale Européenne (BCE) le 20 octobre 2019, pour prendre la succession de Mario Draghi. Elle prend ses fonctions le 1 er novembre, après le discours d’adieu de l’ancien p résident de la BCE. Un bref retour sur sa personne nous semble utile pour mieux situer sa formation intellectuelle et sa compatibilité avec l’horizon d’attente spécifique de ses collègues. Avocate de formation, elle a exercé au sein d’un des plus grands cabinets d’avocats d’affaires du monde, Baker & McKenzie , dont elle devient président exécutif en 1995. Elle travaille également au sein du prestigieux Center for Strategic and International Studies (CSIS), un think tank améric ain comptant entre autre s dans son conseil d’administration deux des plus grands stratèges américains de la Guerre froide, Henry Kissinger et Zbigniew Brzezinski Elle entre en 2005 dans le conseil de surveillance du néerlandais ING, spécialisé dans la ban cassurance. Elle travaille ensuite au sein du gouvernement français, et obtient successivement les portefeuilles du commerce extérieur, de l’agriculture et de la pê che, et enfin de l’économie et des finances. Elle défend une politique de l’offre marquée par une certaine austérité budgétaire , tournée vers le travail, ce qui lui vaudra plusieurs rappels à l’ordre du Premier m inistre François Fillon 17 Sa réaction à la crise des subprimes laissera un souvenir amer, déclarant le 20 août 2007 que le « gros de la crise est derrière nous » 18 , un peu plus d’un an avant la faillite de Lehman Brothers La même année, l’arbitrage de l’affaire Tapie – Crédit Lyonnais est rendu sous son autorité, lui valant une condamnation pour « négligence » tout en étant dis pensé de peine par la Cour de justice de la République en 2016 19 Refusant un poste de Premier m inistre en 2010, elle quitte le ministère de l’ É conomie en juin 2011 après la démission de Dominique Strauss - Kahn de la présidence du FMI pour occuper sa place. Elle prend ses fonctions dans un contexte difficile, à commencer par la crise des dettes souveraines en Europe. Elle intervient directement dans les négociations au sujet de la crise grecque, et se montre finalement plus magnanime que les autres acteurs de la Troïka quant à la restructuration de la dette grecque 20 Elle prend régulièrement position en faveur d’un soutien budgétaire à la croissance par les É tats des « économies avancées » 21 et appelle à la souplesse monétaire 22 Réélue en 2016, elle suscite un certain consensus à la tête du FMI, notamment grâce à sa réforme de l’institution en vue de diminuer 17 « Les quatre bourdes politiques de Christine Lagarde », Challgenges , 13 juin 2011. Consulta ble en ligne à l’adresse : https://www.challenges.fr/monde/les - quatre - bourdes - politiques - de - christine - lagarde_351603 18 « Christine Lagarde estime qu e le gros de la crise est derrière nous », L’Obs, 21 août 2007. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.nouve lobs.com/economie/20070820.OBS1150/christine - lagarde - estime - que - le - gros - de - la - crise - est - derriere - nous.html 19 « Affaires Tapie : Christine Lagarde reconnue coupables de négligences mais dispensée de peine », France Info , 19 décembre 2016. Consultable en lig ne à l’adresse : https://www.francetvinfo.fr/politique/affaire/bernard - tap ie/affaire - tapie - christine - lagarde - est - reconnue - coupable - de - negligences - mais - dispensee - de - peine_1976843.html 20 D’après Frédéric LEBARON, elle incarne la frange pragmatique des acteurs de la « « révolution néolibérale européenne ». Voir son article « Dogmatiques et pragmatiques dans la révolution néolibérale européenne. Un conflit central », Savoir/Agir , vol. 22, no. 4, 2012, pp. 5 - 8. Consultable en ligne à l’adresse : https:/ /www.cairn.info/revue - savoir - agir - 2012 - 4 - page - 5.htm 21 Voir, entre autres, son entretien accordé au Financial Times en août 2011 https://www.ft.com/content/3 15ed340 - c72b - 11e0 - a9ef - 00144feabdc0#axzz1VIQEeXBR 22 « Christine Lagarde pour une recapitalisation substantielle des banques européennes », La Tribune , 27 août 2011. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.latribune.fr/actualites/20110827trib000644944/christine - lagarde - pour - une - recapitalisation - substantielle - des - banques - europeennes.html Vincent Couric — avril 2020 la place des É tats - Unis dans les quote s - parts , au profit des BRICS notamment et de la Chine en part iculier 23 2) Nomination à la BCE : le s implications tacites d’un compromis franco - allemand La nomination de Christine Lagarde à la BCE est globalement interprété e comme un compromis franco - allemand pour se répartir deux postes clés , à savoir la présidence de la Commission européenne et celle de la Banque centrale européenne. Le résultat final témoigne de ce compromis : la Française Christine Lagarde s’occupera de l a BCE, et l’Allemande Ursula von der Leyen de la Commission. La nomination d’Ursula von der Leyen a à ce titre été perçue comme une reculade du Président Emmanuel Macron, qui se présente et est présenté comme le chef de file de la rénovation de l’Union eu ropéenne 24 Vu la place prépondérante de l’exécutif européen dans l’initiative de la loi, on comprend qu’il aurait été stratégique pour la France d’y avoir un représentant partageant le s vues réformatrices du Président. La nomination d’Ursula von der Leyen traduit à l’inverse la volonté de l’Allemagne d’avoir une personne de confiance à la tête de l’institution , après le véto français sur le Spitzenkandidat Manfred Weber , principalement pour des raisons politiques propres à la scène européenne 25 Personne de confiance, Ursula von der Leyen l’ est sans aucun doute, en sa qualité de s eule ministre de la Chancelière Angela Merkel à avoir siégé dans tou s ses gouvernements. Membre de la CDU, elle se distingue souvent du conservatisme sociétal de son parti, tout en gardant la confiance de la Chancelière 26 Emmanuel Macron a donc cédé sur ce point, et concéd é un « don » à l’Allemagne, lequel appelle logiquement un « contre - don » pour que l’équilibre relationnel subsiste entre les deux pays 27 La nomination de Christine Lagarde est le « contre - don » de l’Allemagne. Il était déjà de notoriété publique que la directrice du FMI partageait les vues du Président de la BCE Mario Draghi, qui n’a pas fait l’unanimité parmi ses pairs au cours de son mandat, comme en témoigne l’ire du chef économiste de la BCE Jürgen Stark et d’Axel Weber , président de la banque centrale allemande et donc membre du conseil des gouverneurs de la BCE, qui démissionne nt en décembre 2011 après la mise en place d es programmes de rachat de dette souveraine. La démission surprise de Sabine Lautenschläger en septembre 2019 , « the most senior Germa n official at the European Central Bank » 28 selon le Wall Street Journal , confirme la prédominance de l’orthodoxie monétaire des représentants de l’Allemagne au sein des institutions européennes ; en interne, le très respecté Conseil allemand des experts économiques multiplie les rapports critiquant les choix monétaires du président de la BCE La politique de taux 0 et les achats massi fs d’obligations d’ É tat ont mécaniquement réduit les marges des banques (taux d’intérêt 23 « Dr oits de vote : la Chine, grand vainqueur de la réforme du FMI », Le Figaro , 20 décembre 2015. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/12/20/20002 - 20151220ARTFIG00025 - droits - de - vote - la - chine - grand - v ainqueur - de - la - reforme - du - fmi.php 24 Le volontarisme du chef de l’ É tat français s’est entre autres manifesté à l’occasion de son discours de la Sorbonne, prononcé le 26 septembre 2017. 25 On le voit notamment à la phrase du Président français : « Mon adversa ire au niveau européen, c’est le PPE, qui représente l’Europe actuelle, marquée par l’immobilisme ». Voir « Européennes : Manfred Weber pris en étau entre Orban et Macron », Le Point , 22/02/2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel - berretta/europeennes - manfred - weber - pris - en - etau - entre - orban - et - macron - 21 - 02 - 2019 - 22 95234_1897.php 26 « Ursula von der Leyen, une fidèle de Merkel désignée à la tête de la Commission européenne », Le Monde , 3 juillet 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lemonde.fr/international/article/2019/07/03/ursula - von - der - leyen - une - fidele - d - angela - merkel - a - la - tete - de - la - commission - europeenne_5484603_3210.html 27 L a théorie de Marcel Mauss, développée dans son Essai sur le don , paru en 1923 - 24, implique que tout rapport social fonctionne selon une mécanique rigoureuse, donner, recevoir, rendre, afin de garantir la stabilité d’une société, ici celle d es É tats. 28 « G ermany’s Lautenschläger Resigns From ECB Board », The Wall Street Journal , 25 septembre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.wsj.com/art icles/germanys - lautenschlager - resigns - from - ecb - board - 11569435363 Vincent Couric — avril 2020 pratiqué par rapport au taux refi de la BCE) et, dit l’Allemagne, porté atteinte aux épargnants en tirant vers le bas l’ensemble des rendements financiers (immobilier , ac tion ) De l’autre côté, la politique accommodante de Draghi a permis à des É tats comme la France de financer leur déficit public à peu de frais, limitant le coût social de s réformes potentiellement douloureuses qui auraient dû être mises en place en cas de politique monétaire restrictive. Aussi, on imagine aisément que la nomination d’une héritière de la politique de Mario Draghi a suscité des craintes en Allemagne, comme le montre la réaction irritée du prési dent de la banque centrale allemande Jens Weidmann à l’annonce de la reprise du programme de rachat d ’obligations par Mario Draghi 29 Christine Lagarde n’hésite d’ailleurs pas à critiquer les choix économiques de l’Allemagne et des Pays - Bas avant 30 et après 31 sa prise de fonction le 1 er novembre , les invitant à soutenir l’action de la BCE par la relance budgétaire pour en maximiser les effets. En définitive, le marchandage franco - allemand place l’avenir de la politique monétaire européenne sous le signe de la tension : indépendante du pouvoir politique, une configuration adéquate du champ monétaire permet trait à la BCE de jouer la confron t ation avec certains États memb res , à commencer par l’Allemagne et les Pays - Bas Que pouvons - nous dire de cette configuration ? 29 « BCE : Draghi « a dépassé les bornes » en relançant les rachats d’actifs, selon le patron de la Bundesbank », Le Figaro , 13 septembre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lefigaro.fr/flash - eco/bce - draghi - a - depasse - les - bornes - en - relancant - les - rachats - d - actifs - selon - le - pa tron - de - la - bundesbank - 20190913 30 « Relance budgétaire : Christine Lagarde tance l’Allemagne », L’Express , 30 octobre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://lexpansion.lexpress.fr/actualite - economique/relance - budgetaire - christine - lagarde - tance - l - allemagne_2105269.html 31 « BCE : Christine Lagarde livre un discours plus politique que monétaire », Les Echos , 22 novembre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lesechos.fr/finance - marches/marches - financiers/bce - christine - lagarde - livre - un - discours - plus - politique - que - monetaire - 1150091 Vincent Couric — avril 2020 Christine Lagarde au sein du champ monétaire européen : entre idées et autorité monétaires 1) Les positions personnelles de Christine Lagarde : un draghisme plus ou moins assumé Christine Lagarde n’est pas économiste de formation, et ne dispose p as d’une expérience préalable à la tête d’une banque centrale nationale : il est donc difficile d’entrevoir dans ses travaux académiques ou sa pratique passée une certaine orientation. Décrite comme pragmatique bien qu e relativeme nt orthodoxe intellectuellement lorsqu’elle était au FMI 32 , elle ne semble pas encore prête à jouer directement la confrontation avec un camp ou l’autre à la BCE. Ainsi, entre colombes et faucons, Christine Lagarde dévoile à un journal allemand qu’elle aspire à être « une chouette » 33 , sans donner davantage de préc ision . On devine néanmoins aisément ce que cette pirouette rhétorique dissimule , eu égard à s es précédentes prises de position en faveur d’une relance budgétaire des pays de la zone euro dégageant des excédents budgétaires et ne présentant pas un risque d’endettement massif une fois le doigt mis dans l’engrenage La présidente de la BCE est donc dans son rôle de représentant e française, défendant une politique monétaire accom modante favorable à son pays eu égard à la stratégie du pouvoir en place. Une étude de son discours inaugural à la BCE est à ce titre éclairante, puisqu’il s’agit de sa première prise de parole en fonction 34 Outre le contexte économique international sur lequel nous reviendrons, Lagarde se montre bien moins centriste que la précédente métaphore animalière ne le laiss ait penser É lément important sur lequel nous reviendrons, Lagarde mentionne brièvement la prochaine « strategic review » de la politique monétaire, déjà évoquée lors de son audition devant le Par lement européen lorsqu’elle promet de « clarifier le cadre de sa mission » et de « mener une analyse coûts - bénéfices » des instruments déployés 35 : on voit déjà apparaître une ambition de redéfinition des règles gouvernant le champ , sans pouvoir encore déterminer son contenu réel. L ’essentiel est ailleurs cependant. En effet, le discours de la présidente de la BCE traite, dans sa grande majorité, de sujets extramonétaires, qui dépassent donc sa compétence institutionnelle. Il s’insère dans la continuité des déclarations de Christine Lagarde concernant l’investissement des É tats aux budgets excédentaires , qu’il s’agisse : - De référence directe à la dépense publique : « one key element here is the euro area fiscal policy, which is not just about the aggregate stance of public spending, but also in its composition. Investment is a particularly important part of the response to today’s chal lgenes, cause it is both today’s demand and tomorrow’s supply ». - De référence indirecte aux É tats concernés , en mentionnant le « paradox of thrift » 36 La priorité accordée aux épargnants par ces mêmes pays est directement mise en cause : le paradoxe de l’épargne soutient qu’en voulant épargner , les ménages font chuter la demande (l’utilisation de 32 Sa modération sur la crise grecque ne doit pas être surinterprétée : outre le bi lan social de extrêmement lourd pour la Grèce, Lagarde est restée fidèle à l’orthodoxie méthodique de l’institution, issu e du Consensus de Washington : réformes structurelles contre restructuration de la dette et prêts. 33 « Lagarde (BCE) ne se voit ni fau con, ni colombe, mais « chouette » », Challgenges , 6 novembre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.challenges.fr/monde/lagarde - bce - ne - se - voit - ni - faucon - ni - colombe - mais - chouette_683407 34 Le discours complet est disponible à l’adresse : https://www.ecb.europa.eu/press/key/date/2019/html/ecb.sp191122~0c1f115db0.en.html 35 « Christine Lagarde promet aux eurodéputés une BCE plus accessible », La C roix , 4 septembre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.la - croix.com/Economie/BCE - Christine - Lagarde - grill - Parlement - europe en - 2019 - 09 - 04 - 1301045114 36 Formulée, entre autres, par Keynes au chapitre 23 de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie , intitulée « Notes sur le mercantilisme, les lois contre l’usure, la monnaie estampillée, et les théories de la sous - consommation ». Vincent Couric — avril 2020 l’argent n ’admettant que deux formes, que sont l’épargne et la consommation) , entraînant dans son sillage la production et les salaires A utrement dit, la volonté des ménages de faire s’accroître leur épargne est vouée à l’échec car elle met en péril leur capacité à épargner. On comprend dès lors mieux la position difficile de Christine Lagarde : assumant l’héritage de Mario Draghi , elle comprend parfaitement que la politique monétaire, en l’état de la zone euro, est un jeu à somme nulle , et que les gains des uns sont les pertes des autres. Pour autant, la question se pose également des marges de manœuvre restant encore à la disposition de la BCE : les différences avec la politique de Draghi ne pourront désormais plus être que quantitativ es, et non qualitatives, par exemple en dépassant le seuil des 33% de rachat de la dette totale de chaque É tat On peut dès lors expliquer l ’ attention portée aux sujets extramonétaires : c omme elle le souligne au micro de RTL le 30 octobre , les banques cen trales « étaient un peu seules à la manœuvre » à partir de 2010 - 2011 , et les pays en excédent budgétaire « n’ont pas vraiment fait les efforts nécessaires » 37 Emboîtant encore le pas à Mario Draghi dans son discours final à la tête de la BCE , elle déplore également l’absence de budget de la zone euro tandis que Paris et Berlin s’accordent sur un embryon de budget à hauteur de 55 milliards d’euros 38 , froidement accueilli par les Pays - Bas. Ainsi, bien que la pensée de Christine Lagarde ne soit pas toujours explicite , on comprend aisément qu’elle se positionne du côté des colombes, mais que des considérations stratégiques la poussent à modérer son pro pos afin de ne pas afficher la division au sein de la BCE : il s’agit d’éviter de br ouiller l’efficacité de la future forward guidance pour ne pas faire décrocher les anticipations des acteurs des choix finaux de la BCE. L’élément français d’Emmanuel Macron semble pour l’instant jouer son rôle, au sein d’un champ qui ne lui est toutefois pas acquis 2) La composition de la BCE a. Le directoire Le directoire compte actuellement 5 membres dont Christine Lagarde, en l’attente du remplac ement de Sabine Lautenschläger. De même, Benoit Coeuré doit quitter la BCE en janvier 2020 pour rejoindre la Banque des Règlements Internationaux , et Yves Mersch quittera le directoire pour intégrer le conseil de surveillance prudentiel de l’institution Le remplacement de ce dernier reste une inconnu e importante , tant les voix des membres du directoire pèsent sur les orientations de la BCE. Chef économiste de la BCE , Philip Lane est un économist e de renom , ancien gouverneur de la banque ce ntrale irlandaise entre 2015 et 2019 . D écrit comme « pragmatique », « sans dogmatisme » 39 , il est un partisan de Draghi lorsqu’il siège au sein du conseil des gouverneurs Créatif, il a proposé la création de produits financiers adossés à des paquets de différentes obligations d’ É tat, pour diversifier, répartir, et 37 Matinale, « L’invité de RTL », 30 octobre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=vbqzaUeGvmk&t=276s 38 « La proposition a minima de budget de la zone euro fait débat », Euractiv, 27 février 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.euractiv. fr/section/economie/news/the - franco - german - proposal - for - a - eurozone - budgetary - instrument - in - detail/ 39 « Philip Lane devient chef économiste de la BCE », Le Monde , 5 juin 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/06/05/philip - lane - devient - chef - economiste - de - la - bce_5471720_3234.html Vincent Couric — avril 2020 pondérer les risques : son projet a été retenu par la Commission en mai 2018 40 Il se situe du côté des colombes, et sa compétence technique est institutionnellement reconnue 41 Luis de Guindos est le vice - président de la BCE depuis juin 2018. Il travaille à l’origine au sein de la haute administration du ministère de l’ É conomie espagnol, avant de travailler dans le privé pour des établissements de renom : président exécutif de Lehmann Brothers pour l’Espagne et le Portugal, il rejoint ensuite PricewaterhouseCo o pers, l’un des quatre plus grands cabinets d’audit et de conseil financier s du monde. Ministre de l’ É conomie pendant sept ans sous les gouvernements Rajoy I et II , il ne fait pas l’unanimité lors de son audition par la commission des Affaires é conomiques et monétaires du Parlement européen , qui lui préfère Philip Lane, plus technicien et académiquement légitime. Partisan de Draghi mais plus modéré que ce dernier sur les effets des taux négatifs , il est décrit comme un orthodoxe du point de vue budgétaire , mais déclare en f évrier 2019 que « la politique monétaire n’est pas toute - puissante » et que « la politique budgétaire et les réformes structurelles sont tout aussi importantes pour soutenir l’activité » 42 : toujours est - il qu’il représente en Espagne l’austérité des années Rajoy Concernant la réforme de la BCE et son implication dans des sujets ex tramonétaires, Luis de Guindos reste un grand défenseur de l’indépendance des banques centrales, et se prononce contre un volontarisme vert de la BCE, pourtant soutenue par Christine Lagarde 43 Remplaçant Benoît Coeuré au sein du directoire à partir de janvier 2020, Fabio Panetta est l’actuel numéro 1 de la Banque centrale d’Italie É conomiste universitaire de formation, c’est un habitué de la BCE, qu’il a déjà fréquenté aux côtés de Mario Draghi entre 2004 et 2012. Technicien, il a contribu é à la mise en place des LTRO ( long - term r efinancing o perations ) mises en place par Mario Draghi entre 2011 et 2012. Il semble a priori se rattacher aux colombe s , dans la continuité de Draghi , s’apparentant à un « pragmatique » , en cela qu’il acte la réalité d’un phénomène et adapte sa doctrine en fonction. Il évoque ainsi un « new normal » de l’économie européenne : un monde économique de taux bas, de croissance faible, d’inflation faible, le tout à long terme (« low for long e nvironment », écrit - il en octobre 2019 ) en parlant d’une nécessaire acceptation du « new normal » 44 , soit un monde monétaire de taux bas, de croissance faible et de faible inflation, le tout à long terme ( low - for - long environment » , écrit - il) Yves Mers c h est un luxembourgeois membre du directoire de la BCE depuis 2012 , et désigné pour poursuivre sa carrière au sein du conseil de surveillance prudentielle de l’institution Il critique dès 2010 les politiques monétaires non - conventionnelles de Jean - Cl aude Trichet, avant d ’appuyer Mario Draghi en ce sens 45 . Il est présenté comme « an anti - inflation hawk in the mould of Stark and Jens Weidmann and Axel Weber, the current and former presidents of the Deutsche Bundesank », tenant d’un « ordliberalismus » traditionnel, c’est - à - dire restrictif en politique budgétaire autant qu ’ en politique 40 LANE, Philip. « Macro - financial stability under EMU », n°1, ESRB Working Paper Series, European Systemic Risk Board, 2016. Concernant l’application politique, voir « Titrisation des dettes d’ É tat : Bruxelles dévoil e son plan », Les Echos, 23 mai 2018. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lesechos.fr/2018/05/titrisation - des - dettes - detat - bruxelles - d evoile - son - plan - 990955 41 L’index IDEAS/RePEc le classe en octobre 2019 parmi les 10% des économistes les plus influents à l’échelle mondiale en octobre 2019 : https://ideas.repec.org/top/top.p erson.all.html 42 « Luis de Guindos : « Le protectionnisme est le principal risque sur la scène internationale », Le Monde , 19 février 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/02/19/luis - de - guindos - le - protectionnisme - est - le - principal - risque - sur - la - scene - internationale_5425269_3234.html 43 Ibid. 44 « Workshop on “Monetary Policy in the New Normal : Strategy, Instruments and Transmission », Banque des règlements internationaux, 11 octobre 2019. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.bis .org/review/r191014b.pdf 45 « Yves Mersh — Memory Man », Politico , 4 mars 2013. Consultable en ligne à l’adresse : https://www.politico.eu/article/memory - man/ Voir FONTAN, Clément. « Une banque centrale au - dessus des nations ? Faire peser les intérêts nationaux au sein de la Banque Centrale Européenne », Revue française d’administration publique , vol. 158, n°2, 2016, pp.491 - 504. Vincent Couric — avril 2020 monétaire . Son soutien à Draghi n’est pas inconditionnel, en témoigne son refus d’appuyer le dernier paquet de mesures de l’Italien 46 Que peut - on reten ir de la composition temporaire de ce directoire ? outre Christine Lagarde, il semble que Philip Lane et Fabio Panetta soi en t le s seul s membre s assimilable s à de réelle s « colombe s », tant les positions des autres paraissent irréductibles à des catégories immobiles . Le directoire est donc d’ores et déjà divisé , et aucune réelle majorité ne se dessine en faveur de Christine Lagarde , qu’il s’agisse d’Yves Mersch, réputé faucon , favorable à Draghi mais pas à s a dernière décision de reprise des achats de titres ; de Benoît Coeuré, farouchement favorable à Mario Draghi tout au long de son mandat et s’opposant finalement à sa dernière décision ; ou encore Luis de Guindos, plus proche de la ligne de Christine Lagarde sur ce point, mais a priori fermement opposé à un activisme politique des banques centrales . Le renouvellement sera crucial pour analyser les rapports de force exacts au sein de la future BCE : l’arrivée de Fabio Panetta p eut s’analyser comme un atout important, eu égard à sa collaboration étroite avec Draghi dans le travail technique entourant certaines mesures non conventionnelles. b. Le conseil des gouverneurs Une description de l’ensemble des banquiers centraux serait fastidieuse, et il nous semble préférable d’opter pour la constitution de blocs probables de votes. Nous reprendrons la distinction faucon - colombe pour la clarté de l’exposé , do