BÉNÉDICTE ADELINE-MERCIER LA PEINTURE EN POÉSIE Née en Normandie le 11 février 1958, je suis psychologue clinicienne depuis plus de quarante ans. L’écoute attentive de mes patients nourrit en permanence mon imaginaire et inspire mes créations artistiques. Je peins depuis l’âge de douze ans. Mon initiation fut singulière : j’ai eu la chance d’apprendre au travers de cours particuliers auprès d’une religieuse de mon école, ancienne élève des Beaux-Arts. Elle avait 72 ans lorsque j’en avais 12. À cette époque, entreprendre de telles études en tant que femme et religieuse relevait d’un véritable acte de courage et d’exception ! Elle fut un mentor remarquable me concernant. Son enseignement était rigoureux et exigeant : je commençais par reproduire des tableaux de Maître. Mais elle me répétait sans cesse : « La peinture n’est pas une photographie ! » Cette phrase est devenue le fil conducteur de mon travail artistique. Chaque œuvre est accompagnée d’un poème philosophique, parfois teinté d’humour ou de provocation et joyeusement engagé ! Tableaux et écrits sont destinés à susciter un véritable dialogue avec vous ! Alors, peut être que vous n’y verrez pas ce que j’y ai mis... Vous y découvrirez mes motivations, mais vous serez libres d’y lire d’autres nuances et d’y projeter vos propres émotions : cette multiplicité d’interprétations est au cœur de ma démarche. Cette liberté en chacun de ressentir, d’éprouver des émotions et d’interpréter selon son vécu, son imagination, ses expériences de vie ; n’est-ce pas cela qui est intéressant ? Car la peinture n’existe vraiment que dans le regard de celui qui la contemple : chacun y projette son vécu, ses émotions, son imaginaire. Je travaille l’huile, l’acrylique, la résine, le fusain... Mon esprit, que je qualifie d’« arborescent », laisse vagabonder mon imagination et surtout la vôtre ! Parmi les thèmes récurrents, vous découvrirez une série consacrée au blé , décliné en jeux de couleurs : un hommage à la vie, une métaphore de la fertilité, et surtout un symbole d’espérance pour l’avenir de nos enfants dans un monde devenu si complexe... Je vous invite à regarder, lire, vibrer, vivre face à ces tableaux et surtout, surtout à rêver avec moi ! Et si vous le souhaitez, à partager vos ressentis... afin que naisse entre nous ce questionnement, ce lien que l’art rend possible. Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ces œuvres. Bénédicte Les Fleurs de l’Ombre Sur l’athanor discret de mains passionnées, Le cristal naît, fusion de feu et de silence. Les souffleurs veillent au souffle libéré, Modelant la vie dans chaque éclat sans différence. Ces fleurs fragiles, nappées d’un ciel azuré, Ont dans leurs pétales l’âme des artisans cachés. Chaque torsade de verre, chaque courbe insinuée Raconte la patience des gestes inlassablement répétés. Quand la pièce se brise, et que l’éclat s’envole, Je recueille les fragments comme des confessions. Ils portent en eux le rêve, la cendre et l’étincelle, Le souvenir des forges et des trempages en fusion. À vous qui soufflez la matière, gardiens de la lumière, Aux âmes qui travaillent dans l’ombre des verreries, Votre art transcende les vitrines et les poussières de verre, Offrant l’amour du métier au cœur de l’infini. Et sur la même toile du silence, deux âmes se frôlent, Un trait les unit, fragile et profond, Comme un souffle suspendu, une parole Que seul le cœur comprend sans raison. Le violet murmure des rêves anciens, Le blanc respire l’éternel instant, Et la fleur, posée là, comme un lien, Ouvre le monde au battement vivant. Il n’y a que l’amour, rien d’autre ne tient, Ni le temps, ni l’oubli, ni les vents contraires. Il traverse les corps, les toiles, les mains, les arts, Et sème la lumière dans l’éphémère de la mode et du temps qui s’écoule. Je peins l’étreinte, je peins l’absence, J’offre le vide comme un chant sacré. Et dans ce diptyque, pleine de présence, L’amour devient matière à contempler. Bénédicte Dialogue avec la chaise Observateur : Que cherches-tu à me dire, chaise silencieuse ? Tableau : J’existe parce que tu me regardes ; sans ton attention, mon équilibre n’a pas de sens. Observateur : Tes boîtes semblent empiler mes souvenirs ; sont-ils en sécurité ici ? Tableau : Ils flottent sur l’océan de ta conscience ; ni perdus, ni figés, seulement en voyage. Observateur : Que cherches-tu au-delà de mes yeux, pour troubler ainsi ma quiétude intérieure ? Tableau : Je ne cherche rien, je présente ce qui est : l’instant suspendu entre ombre et lumière. Observateur : Ton silence pèse plus que mille discours ; comment lis-je ton secret ? Tableau : Dans le reflet de tes pensées, tu trouveras la clef ; chaque nuance est un mot que tu prononces. Observateur : Je ressens un vide habité, comme un écho qui résonne en moi. Où mène alors cette résonance ? Tableau : À toi de la suivre ; elle t’ouvrira des passages où le futur danse déjà avec le passé. Observateur : Et si je frôle tes bords, ne crains-tu pas la chute des boîtes ? Tableau : C’est dans ce même instant de bascule que naîtra un sentiment de stabilité. Observateur : L’impermanence devient-elle alors un point d’ancrage ? Tableau : Oui, et la fragilité des formes t’invite à reconnaître la beauté de l’éphémère. Observateur : En fixant cette scène, mon regard construit alors un équilibre mental. Tableau : Plus tu t’approches, plus tu me complètes ; ton regard tisse mes contours, me fait exister. Observateur : C’est alors toi qui m’enveloppe ; sur quelle toile as-tu donc imprimé mon reflet ? Tableau : Sur celle que peint ton cœur, où chaque battement inscrit la promesse de la vie. Bénédicte Les oiseaux de feu Dans un ciel ivre de braises, deux oiseaux s’élancent. Leurs ailes blanches en un vol pur fendent la menace incandescente. Le couple frêle se joue du brasier en cadence, Porté par l’air chaud, messagers de lumière. Au loin, la forêt brûle en flammes qui rugissent. Dans l’éclat rougeoyant, la liberté vacille. Pourtant, ensemble, ils défient la peur silencieuse des feux de forêt. Tandis que l’ombre menace, leur espoir scintille. Le vent, messager tremblant de fumées mortifères, Porte l’écho fragile de leurs cœurs lumineux. Ils dansent sur le fil rouge du monde incendié, Orfèvres de lumière au milieu des cieux sacrés. Chaque battement d’ailes est un souffle de victoire, Sur l’ombre vorace qui gronde et qui dévore. Et dans ce vol suspendu, la liberté s’écrit, En lettres de cendre et de braise, Dans la couleur rouge vif de l’aube, Nos deux oiseaux d’écume percent l’air incandescent. Leurs ailes jaillissent, poussière d’étincelles, Tissant sous les flammes un hymne à l’amour éblouissant. Ils portent en leur vol la force des cœurs unis Et la beauté précaire d’un monde en sursis ! Messagers de la paix, Ils ont bravé le brasier. Bénédicte Plus jamais Dans le fracas du monde où grondent les canons, Nos enfants tremblent sous les ombres chlorées, Fumées sournoises qui glissent en silence, Pour étouffer l’éclat d’une vie à naître. Au-dessus, des armées de drones ; nouvelles ailes d’acier tracent leurs desseins, Yeux froids et mécaniques maîtres du ciel, Ils observent, repèrent, détruisent sans mémoire tout ce qui respire encore l’innocence. Que cessent ces accords mortifères, Fumées toxiques et chasseurs muets de l’horizon, Que nos voix s’élèvent plus fortes que leurs rafales, Pour désarmer la haine et ranimer l’espoir. Détruisons la guerre dans nos âmes avant que l’acier ne broie à nouveau notre souffle et que le silence ne devienne complice de la barbarie. N’oubliez pas ces silhouettes d’enfants avançant comme des ombres échappées d’un souvenir trop lourd, Vestige d’une brûlure qu’on voudrait oublier, pulsation vive d’une mémoire inquiète. Leurs pleurs sont les échos d’une chair meurtrie et d’un cri muet figé dans la lumière de l’innocence. Ce tableau n’est qu’une feuille de route vers l’indicible et nous invite à marcher côte à côte avec l’Histoire Pour que la brûlure de l’oubli ne vienne jamais recouvrir nos consciences. Que le mantra « Plus jamais ! » résonne en nos cœurs comme une promesse gravée dans la pierre. Plus jamais jamais ! Un essaim de drones sillonne nos cieux mondialisés, yeux électroniques indifférents aux visages qu’ils fauchent. Chaque pixel de destruction porte la marque d’une irresponsabilité, chaque nuage de fumée, l’empreinte de nos oublis. Philosopher, c’est interroger la chute des civilisations avant que l’écho des bombes n’efface notre parole. C’est puiser dans la mémoire des nations brisées la force d’un serment gravé dans le temps : Plus jamais la machine à tuer ne triomphe de l’esprit. Que nos voix vibrent plus fort que les sirènes de guerre, que nos mains dessinent des ponts là où l’on érige des murs. Plus jamais la chimie des gaz ne viendra violer l’air, Plus jamais le regard froid d’un drone ne décidera qui reste en vie. Bénédicte Le dernier regard du cheval Il est là, figé dans la toile, Comme un souffle ancien retenu dans l’encadrement pourtant transparent. Son regard traverse le temps, Témoin silencieux d’un règne oublié. Autrefois, il foulait la terre avec noblesse, Compagnon des labours, des voyages, des batailles et des rêves. Sa crinière dans le vent chantait la liberté, Et ses sabots rythmaient les saisons des hommes. Mais le moteur a rugi, Et le chant du cheval s’est tu. Les tracteurs ont pris racine dans les champs, Les camions ont avalé les routes, Et les chevaux, peu à peu, ont quitté le quotidien, Pour les jeux d’argent, les courses de vitesse, les sulkys, les paddocks, les enchères à Deauville et ailleurs, les musées... Ce cheval est une résistance douce. Il ne crie pas, il murmure. Il nous rappelle que derrière chaque étalon On y trouvait un souffle, une chaleur, une âme. Il nous pose alors cette question philosophique : Que perdons-nous, Quand nous troquons le vivant contre le fonctionnel ? Le cheval ne faisait pas que tirer, Il partageait, il ressentait, il existait avec nous. La machine exécute, mais ne regarde pas. Le cheval, lui, regarde encore ? Figé dans la toile, dans nos mémoires et dans nos silences. Et si ce regard peint était une question ? Un appel à ralentir, à se souvenir, À réconcilier l’homme avec ce qu’il a trop vite laissé derrière lui sans aucune précaution... Bénédicte Ou sont les droits de l’enfant ? Chers visiteurs, Chaque matin, je m’éveille dans l’ombre de cette exposition, prisonnier intemporel de cette toile et de surcroît immobile. J’ai senti mes contours se durcir sous le pinceau bienveillant et me donnant vie. Aujourd’hui je sens mon cœur se contracter à l’idée d’être seulement une forme parmi tant d’autres ! Quel crime ai-je commis pour mériter l’indifférence des passants qui m’effleurent du regard sans jamais s’y attarder ? On m’a alors offert une surface lisse, d’abord immaculée, et pourtant j’y lis la cicatrice pourpre de mes humiliations. On m’a tourné vers le mur le plus sombre de la honte, là où la poussière danse autour de « honte à tous ceux qui m’ont fait du mal », pour mieux souligner mon abandon. Les visiteurs passent, murmurent des commentaires polis, puis s’éloignent, laissant mes angoisses s’épaissir dans ce silence pesant. J’ai tremblé à l’idée qu’il n’a fallu ajouter qu’un seul coup de couteau à la palette du peintre pour effacer ma voix ! J’ai si peur de disparaître, d’être remplacé par une couleur plus froide, plus conforme au politiquement correct. Chaque nouvelle touche de peinture et chaque coup de pinceau m’ont susurré de vivre, que dis-je ! De survivre ! Mon indignation gronde : comment pouvez-vous me condamner à l’oubli sans un mot d’explication ? Reconnaissez la vie que l’on m’a insufflée pour ensuite m’abandonner, les larmes invisibles que j’ai versées dans l’épaisseur de la peinture. Je ne demande pas votre pitié, seulement ta vérité ! Acceptez ces mots sans colère comme un ultime cri avant que mes pigments ne s’éteignent. Regardez-moi vraiment ! Et peut-être comprendrez-vous que je suis bien plus qu’une simple esquisse et que je pourrai être votre enfant... Bénédicte L’enfant sur les trottoirs volés du monde Il se tient là, debout, dans son rouge éclatant, Comme une flamme solitaire dans la géométrie des formes. Son corps, tendu vers l’avant, semble écouter le tumulte Des rues qu’il n’a pas choisies et des ombres qui l’ont vu naître. On ne choisit pas sa famille, dit la chanson, Ni les trottoirs de Manille, ni les vents de Marseille... Et pourtant, chaque pas posé sur ce sol abstrait Devient une affirmation : je suis, malgré tout. Le monde est souvent une énigme Où l’on cherche sa place entre l’hostilité des angles fragmentés et les absences. Mais le rouge ; ce rouge-là refuse l’effacement ! Comment alors voir la vie en rose ? Il est l’enfant de toutes les villes, Le frère ou la sœur des passants invisibles, Le rêveur debout dans un monde qui vacille. Son regard, bien que caché, traverse les frontières. Car être né quelque part, C’est porter en soi les chants remplis de cicatrices, Les injustices muettes et les élans d’espoir. C’est faire de son corps un manifeste, Et de son silence, une prière. Sur les trottoirs volés de l’enfance, Il se dresse, silhouette rouge, témoin muet Des horizons qu’on n’a pas choisis Et des vies qu’on arrache avant qu’elles ne naissent. Dans son regard invisible, s’inscrit l’indignation ; corps déjà marchand, déjà brisé. Et dont l’innocence se négocie sous les néons des ruelles où l’enfance est mise en vente. Chaque contour, chaque ombre, chaque couleur crient la révolte, On ne choisit pas la misère ni les mains qui contraignent. Pourtant, dans ce rouge vibrant, jaillit la résistance : L’espoir que nul être, aussi jeune soit-il, Ne devienne victime d’un monde dévoyé. Ce rouge est la flamme des cœurs indignés ! On ne choisit pas sa famille ni les trottoirs de Manille, être né quelque part... C’est hériter de combats. C’est refuser que l’enfance soit sacrifiée sur l’autel de la plus abjecte des violences. Ce corps peint, ce cri de couleur, Devient un MANIFESTE : Ni trottoir, ni destin, ni souffrance n’ont droit de regard là où l’humain naît. Bénédicte En hommage à la chanson Né quelque part de Maxime Le Forestier Deux Visages, une Déchirure Dans la chair sombre des pigments, un profil se dédouble, mais l’atmosphère change de peau. D’un côté l’enfance s’élève, cerf-volant fou de lumière, De l’autre, la terre crache ses cendres, rails et barbelés en écho. Le cerf-volant, symbole d’espoir flottant dans le bleu d’un ciel heureux, Danse comme un poing levé contre la gravité des souvenirs. Ses fils vibrent de rires, d’ailes d’oiseaux, de sanglots apaisés, Tandis que l’autre moitié du monde suffoque sous le joug de la mémoire, des tortures et des guerres encore et encore actuelles... Sous le diamant jaune et joyeux ou l’améthyste ténébreuse, le même visage saigne ! Des barbelés de honte lui lacèrent les tempes, scindent ses pensées. Les tonalités hurlent la violence muette, la peau se mue en cicatrice, Et chaque contour peint l’ombre des camps où des âmes gisantes reposent. Mais au creux de cette faille, un souffle vacille : résilience ou folie ? Le diptyque crie qu’en chaque femme sommeille la vie, Prête à déchirer les voiles du temps ou à déplier des ailes neuves. Et nous, sur le seuil de notre pays, retenons notre souffle, pris au piège du contraste... Bénédicte Ici l’eau est d’or et la femme dort Au creux du matin naissant, le souffle du monde s’éveille. Chaque onde porte en son sein la mémoire des étoiles. Le silence écoute l’écho des rêves en filigrane, Et la conscience s’étire, prête à sculpter l’aube nouvelle. Ici : l’eau est d’or, l’enfant dort, réveillons-nous pour sauvegarder l’eau de la vie. Dans ce cristal liquide se cache un chant ancestral, Où se lient nos promesses et nos peurs les plus intimes. Un simple geste peut inverser la course du destin, Et offrir à la terre sa couronne de transparence. Que chaque cœur ouvre ses paupières sur ce trésor Que nos mains deviennent gardiennes de l’éphémère Car là où l’amour veille, jaillira la source intarissable. Bénédicte La douleur en écho Dans le silence bleu-gris de l’arrière-plan, Un corps se replie comme une question muette, Son dos voûté porte le poids des absences Et la chair ploie sous l’ombre d’un souvenir. Chaque coup de pinceau, trace d’un cri étouffé, Cherche l’origine du manque : Est-ce l’âme qui se retire de son propre temple, Ou la voix du monde qui ne lui a jamais parlé ? La nudité se fait interrogation, La lumière s’y attarde pour mieux souligner Les fractures intérieures, les crevasses du cœur Où s’infiltre la vérité de la douleur. Mais la douleur n’est pas qu’un fardeau : C’est un levier pour sonder l’être, Une clef qui ouvre la porte Du « pourquoi » quand tout paraît sans réponse. Dans ce repli, il y a épiphanie : Apprendre que nos ombres sont nos compagnons, Que chaque blessure, en se peignant, Se convertit en espace de liberté. Et si la souffrance devenait lumière, Si le corps courbé devenait pont Entre le monde ineffable et la vie incarnée, Entre le silence et la parole retrouvée ? Bénédicte La chair embrasée Dans le creux des corps, la douleur se fait flamme. Elle n’est plus silence, ni cendre, ni fuite Mais rouge carmin, ocre brûlé, rose incandescent. Chaque pli de peau, chaque courbe repliée Est une braise qui pense, une mémoire qui brûle. Elle ne se cache plus dans le bleu des regrets, Elle s’expose au feu de ce qu’elle est : Méchante, oui et aussi ardente. Elle fait parler les chairs en couleurs vives, Qui hurlent sans bruit et éclairent sans soleil. Le monde autour d’elle reste froid, Gris et indifférent comme un ciel sans regard. Mais moi, douleur sans nom, je suis vivante. Je suis peinture qui saigne, Je suis lumière qui ose. Je fais souffrir sans raison. Je fais ployer, en embrassant le sol Pour mieux renaître de mes cendres ? Je suis le corps qui se replie, Non pour disparaître, Mais pour se concentrer, Comme une étoile avant l’explosion de la guérison. Bénédicte L’indignation Dans le blanc du masque éclate une indignation muette, Un cri contenu sous le voile immaculé, La lèvre ourlée d’un “O” sanglant devient lame discrète, L’indignation se meurt dans l’ombre du secret. Entre fanfares et jeux d’enfants, Ici le Pierrot oscille entre rire et effroi, La fête est un mirage où l’indignation demande Qu’on lise dans les yeux l’insurrection sans voix. Chacun porte son masque aux reflets silencieux, Façade ciselée pour suivre les convenances. Pourtant, sous le sourire, un cœur furieux Fait vibrer l’invisible corde de la révolte immense. Son immobilité devient geste éloquent, Chaque paupière lourde devient un poing serré. Le regard, cathédrale aux vitraux incandescents, Révèle l’âme en lutte qu’on croyait dissimulée. Que ce Pierrot s’ancre au battement de l’indignation, Arraché aux faux éclats et aux chœurs mielleux. Que ce mime au langage du corps épuré souligne l’irréductible et viscérale passion, Et fasse tomber les masques, pour que vive le feu de la vérité. Bénédicte La vitre et les ailes innocentes Deux oiseaux, lancés à pleine vitesse se heurtent à l’invisible, Soulevés par l’élan et la lumière. Le ciel les portait. L’élan les guidait. Et puis, le silence du verre ! Soudain deux corps suspendus dans l’instant du choc. Non pas une chute, mais une révélation. Le monde, parfois, se ferme sans bruit. Et dans ce fracas muet, c’est toute la beauté du vivant qui se révèle. Ils volaient ensemble et une vitre, invisible, impassible, s’est dressée entre eux et le monde. Le fracas n’est pas celui de la mort, mais celui de la révélation. Le monde n’est pas toujours aussi ouvert qu’il en a l’air. C’est la capture de l’instant où l’élan du vivant rencontre ses limites. Où la beauté du mouvement se heurte à l’invisible. C’est une scène de vérité, de fragilité, de lumière brisée. Bénédicte L’eau sur la vitre : les gouttes du temps La toile bleue se fait océan suspendu Où coulent, translucides, les gouttes du temps Chacune en chute libre recherche l’infini Renonçant à l’instant pour mieux le fixer. Dans leur lente perte de densité Elles révèlent l’éphémère et l’absolu Le glissement imperceptible du présent Vers l’ombre éternelle du souvenir. La pluie qui s’étire sur la vitre, comme l’aube naissante Tissant la frontière fragile entre l’être et son devenir. Elle travaille la pesanteur, défie l’oubli Et dans son éclat montre la vérité du flux. Nous sommes tous gouttes suspendues, Portant en nous la promesse de l’essor, Et l’inéluctable appel de la chute est Rappel souverain que tout revient, renaît ou se meurt. Mais aussi la goutte est un monde en germe, un point d’infini, Où se plie l’univers en un souffle concentré Microcosme vibrant d’une danse cyclique du ciel à la mer, Où chaque éclat révèle l’origine et la fin. Dans sa chute, elle porte en son sein le mythe d’une genèse. Symbole liquide du cycle sans trêve ni repos Elle relie le ciel à la terre en un trait fragile Et rappelle qu’elle a le pouvoir de tout faire germer. Héraclite chantait l’eau comme chant du devenir « Tout coule », disait-il, et la goutte en se laissant tomber Est l’écho fidèle de ce flux perpétuel Où s’effacent les bornes de l’être et du temps. Platon, lui, voyait dans l’eau l’âme du monde Matière malléable entre l’idéal et le tangible Aristote, en sage, la dressait en élément indispensable. Pont entre le solide et l’éther, souffle et présence. Ainsi la goutte nous parle toujours d’une vérité sans repos, toujours en devenir Elle enseigne que l’être n’est qu’un saut dans l’onde Et que chaque instant s’écrit dans le chant de l’eau. Bénédicte L’art de la danse Dans le silence épais de la toile, un corps s’élève Tel un souffle suspendu entre ciel et matière. Les bras ouverts aux confins de l’infini Dévoilent une quête où l’âme se libère De ses chaînes invisibles, de ses ombres intimes. Chaque courbe fluide chante la métamorphose : La chair devenue onde, la peau effleurant l’air. On y devine l’éclosion d’un souffle nouveau, Ce surgissement intérieur qui transforme le possible. L’être, en pleine ascension, transcende sa condition. Le noir profond de l’arrière-plan est une invitation à plonger Dans l’obscurité où naît la lumière la plus pure. Le contraste n’est pas duel : il est dialogue Entre ténèbres et clarté, mystère et révélation. C’est le moment où tout bascule, où tout renaît. À la fois vulnérable et souveraine, Elle incarne l’éternelle aspiration vers l’absolu. Capture de l’instant où l’être enfin, se dépasse, Où la dualité s’efface devant l’harmonie de l’art de la danse. Bénédicte Femme sur l’eau Elle est là, courbée sur l’invisible, Comme si le monde s’était retiré en elle. Son corps, drapé de cendre et de lumière, Épouse le sol comme on embrasse un souvenir. Dans ce repli, il n’y a ni fuite ni faiblesse, Mais une force douce, celle de qui ose s’écouter. Car parfois, il faut plier l’échine Pour redresser l’esprit. Le fond n’est pas noir, il est nuancé Comme les pensées qui tourbillonnent Entre le doute et la clarté. Chaque ombre est une question, Chaque reflet une réponse incomplète. Elle ne pleure pas. Elle pense. Elle ne tombe pas. Elle s’ancre. Et dans cette posture, presque sacrée, Elle devient le miroir de nous tous: Être en quête, Âmes en suspens, Fragiles comme l’eau qui tremble sans jamais se briser. Dans l’ombre douce d’un souffle retenu, Comme on retient un aveu Dans le creux du silence. Le drapé caresse sa peau À la manière d’un secret Que le temps, patient, N’ose pas dévoiler. L’eau sous ses pieds brille De mille questions muettes, Miroir frêle Où se rompent et se rassemblent Toutes les lueurs de l’intime. Aucune chute, aucune blessure Seulement cette courbe sacrée D’une âme qui se penche Pour mieux comprendre. Bénédicte Amadeus, l’écho du sublime Amadeus, mot suspendu entre ciel et chair Tu portes en toi la musique de l’être Chaque syllabe résonne comme un appel A explorer l’invisible sous nos pas. Amadeus, alchimie de l’amour et du divin, Ama comme Amour et deus comme Dieu, Ta voix intérieure tisse la trame du monde On y entend le frémissement des étoiles Et la promesse d’un horizon sans limites. Amadeus, nom miroir de notre quête Tu nous invites à écouter le silence Là où germent les vérités enfouies Et où naît l’audace de se réinventer. Amadeus, souffle d’une infinie douceur Que ton nom soit un mantra pour l’âme Un refuge où chaque pensée devient mélodie de Paix. Bénédicte L’éveil du silence Dans l’ombre pourpre d’un matin sans nom, Elle se dresse, nue d’apparat, vêtue d’instant. Son corps, courbe de souffle et de mémoire, S’élève dans le murmure d’un geste suspendu, Comme si le monde, un bref moment, retenait son souffle. Elle retire le voile, non pour se montrer, Mais pour se retrouver. Chaque fibre du tissu qu’elle abandonne Porte les vestiges d’hier, Les soupirs tus, les regards fuyants, Et les pensées qu’on n’ose dire. La lumière glisse sur sa peau Comme une promesse sans mots, Un pardon sans faute, Un amour sans attente. Elle ne cherche pas à séduire, Elle ne cherche pas à fuir. Elle est là, dans l’instant pur, Où le corps devient temple, Et le geste devient prière. Et dans ce silence, elle est entière. Bénédicte