COMPETITION LAW REVIEW Crise agricole et durabilité : Partie V - La volatilité des prix, un déf pour les revenus agricoles Crise agricole et durabilité | Concurrences Dossier | www.concurrences.com Mikaël Delmas mikaeldelmas@quideos.com Co-fondateur & Président Quideos, Paris Philippe Jouvet jouvet@ginestie.com Associé Ginestié Paley-Vincent, Paris Samuel Felenbok-Lévy samuelfelenbok-levy@quideos.com Chef de projets Quideos, Paris 1. “ L’instabilité des prix agricoles, à un rythme et dans des proportions sans précédent, est source de grande inquiétude et facteur de graves tensions sociales. Elle gêne considérablement les agriculteurs producteurs ; elle préoccupe les citoyens consommateurs ; elle interpelle les autorités publiques de tous les pays du monde .” Ce constat établi en 2011 par deux sénateurs 1 n’a pas pris une ride. Pire, il s’est considérablement dégradé. 2. Parmi les nombreux défs auxquels est confrontée la flière agricole (pression concurrentielle, exigences environnementales), celui de la volatilité des prix se distingue aujourd’hui comme un enjeu transversal qui fragilise l’ensemble de son modèle économique. Entendue comme la multiplication de guctuations de prix rapides et importantes, la volatilité concerne désormais toutes les matières premières agricoles (MPA) 2. Cette situation met en péril la stabilité des revenus agricoles et rend diffcile toute prévision ou planifcation économique. 3. La hausse des prix agricoles est un phénomène de long terme : l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) indique que le prix moyen des produits est deux fois plus élevé en 2022 qu’en 2005 3. Cette tendance de fond s’accompagne désormais d’une volatilité croissante : les variations de prix, bien qu’intrinsèques à la flière agricole, où l’offre et la demande sont inélastiques, ont connu une rapidité et une intensité sans précédent depuis 2020. 4. Ce phénomène s’explique par l’essoufgement des outils traditionnels mis en place à l’échelon national et européen, qui échouent à garantir la stabilité nécessaire aux transitions écologique et démographique (I.). L’explosion de la volatilité depuis 2020, dont les causes sont multiples et qui met en péril la capacité à répondre aux transitions à venir, 1. J. Bizet et J.-P. Émorine, Volatilité des prix agricoles, Proposition de résolution européenne no 579 (2010-2011), 7 juin 2011, https://www.se- nat.fr/leg/ppr10-579.html. 2. Entendues au sens des produits fgurant dans l’Annexe I du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles, JOUE no L 347 du 20 décembre 2013, p. 67. 3. L’indice des prix des produits agricoles à la production (IPPAP) de l’Insee mesure l’évolution des prix perçus par les agriculteurs en contrepartie des produits qu’ils livrent. L’IPPAP est de 145 en 2022, contre 75 en 2005. Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/serie/010538819#Graphique. appelle donc de nouvelles réponses pour garantir un revenu stable aux agriculteurs et soutenir la flière agricole (II.). I. Les outils histo- riques développés pour stabiliser les prix agricoles at- teignent aujourd’hui leurs limites 5. La stabilisation des marchés et la garantie d’un revenu équitable sont deux objectifs de la politique agricole commune (PAC) listés à l’article 39 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui ont particulièrement façonné l’architecture juridique et les mesures adoptées depuis 1962. 1. Les instruments juridiques de stabilisation : Des prix d’inter- vention à des versements décon- nectés de la production 6. Entre 1962 (mise en œuvre des instruments effectifs de la PAC) et 1992, la politique de prix garantis (prix d’intervention) et d’achat illimité a assuré une stabilisation des prix et une garantie de revenu pour les agriculteurs. Lorsque les prix de marché étaient plus bas que le prix d’intervention, les producteurs agricoles bénéfciaient du prix régulé soit sous la forme de rachat direct de leur production par les pouvoirs publics, soit sous celle du versement d’une compensation correspondant à la différence entre le prix de marché et le prix d’intervention. Ce dispositif a été complété par la fxation de volumes maximaux de production dans certaines flières, comme le sucre à la fn des années 1960 et le lait au milieu des années 1980 4 . La grande réforme de 4. Aut. conc., avis no 18-A-04 du 3 mai 2018 relatif au secteur agricole. Concurrences Dossier | Crise agricole et durabilité 1 Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. T oute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende (art. L. 335-2 CPI). L ’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document.